Alan Rogers

Dans cet article, le professeur Alan Rogers puise dans trente années expérience pour décrire ce qu’il a appris concernant les motifs qui poussent beaucoup d’hommes et de femmes à lutter pour maîtriser la lecture et l’écriture. Il expose dans les grandes lignes ce qu’impli- quent ces motifs pour les planificateurs politiques et les animateurs en alphabétisation. Alan Rogers est directeur d’«Éducation pour le développement », une association caritative indépendante. Il a enseigné aux universités de Reading et de Surrey, et il est l’auteur de l’ouvrage «Adults Learning for Development». Le présent texte est la version remaniée et élargi des pages 6:5-6 du chapitre sur la motivation dans «Widening Literacy», un manuel de formation qui s’adresse aux directeurs de programmes d’alphabétisation des adultes et qui a été publié par Save the Children (US) 54 Wilton Road, Westport CT 06680, USA (l’ouvrage peut être commandé à cette adresse).

Alphabétisation des adultes – motivation des adultes

Il est essentiel, tant pour tous les politiciens et créateurs de programmes que pour les enseignants, d’entreprendre des efforts pour cerner les raisons qui poussent certaines personnes à apprendre à lire et à écrire. Il est généralement reconnu que, pour être efficaces, les programmes d’éducation des adultes doivent reposer sur les «besoins» des apprenants. Il est primordial de déterminer les aspirations et les intentions des adultes potentiellement désireux de s’alphabétiser si nous voulons les aider à réaliser leurs objectifs.

L’approche missionnaire est un des moyens traditionnels de procéder pour «atteindre» les participants potentiels et tenter de les «motiver ». Les organisations travaillent souvent avec acharnement pour donner aux adultes non alphabétisés un sentiment d’inadaptation et les aider à réaliser pourquoi ils doivent tout simplement apprendre à lire et à écrire, et dans quelle mesure l’analphabétisme gâche leur vie. Ils emploient des arguments, à présent classiques, («personne ne vous trompera plus, si vous vous alphabétisez», «vous ne pouvez pas vous soigner convenablement si vous n’êtes pas capables de lire les étiquettes sur les médicaments», etc.) pour aider les adultes non alphabétisés à se rendre compte que, s’ils veulent réussir, il est important dans notre monde moderne de faire partie des populations alphabétisées. On leur dit souvent que l’analphabétisme les réduisait à un avenir exempt de tout développement: «sans alphabétisation, pas de développement» et «l’alphabétisation est la clé de la santé, de la prospérité et du bonheur», affirment deux des nombreuses expressions consacrées que les organismes comme l’UNESCO ont «seriné» aux prestataires de programmes d’éducation des adultes. Je me rappelle parfaitement la question que me posa un animateur du secteur de l’alphabétisation des adultes à Madras lors de ma première visite en Inde: «Comment motivez-vous les apprenants dans votre pays?» Cette préoccupation demeure.

Néanmoins, il vaudrait peut-être mieux se pencher d’abord sur les sentiments des adultes, sur leurs désirs – et prendre leurs véritables aspirations au sérieux. Il est sans aucun doute essentiel d’essayer de les aider à se sentir bien plutôt que mal dans leur peau et de partir de leur situation plutôt que de s’efforcer de changer d’abord leurs motivations. Pour cela, il faut examiner en profondeur la nature de leurs désirs et de leurs intentions. Par rapport aux autres formes d’éducation des adultes, peu de recherches ont été entreprises pour comprendre ce qui motive les adultes à s’alphabétiser. Bien que ce domaine soit délimité de manière très pointue (ce qui a un impact sur un groupe social donné n’en a pas forcément dans un autre), il n’en reste pas moins que nous devons procéder à un examen beaucoup plus précis des motifs véritables de ceux qui suivent des cours – et de ceux qui n’en prennent pas.

Durant les vingt dernières années, je me suis rendu dans de nombreux pays et j’y ai recueilli, dans différents contextes, les déclarations d’apprenants adultes sur les raisons qui les avaient conduits à s’alphabétiser. Il vaut peut-être la peine d’examiner certaines d’entre elles pour les mettre en corrélation avec nos programmes d’enseignement et d’apprentissage.

Besoins et besoins ressentis, aspirations et intentions

Mener une enquête de ce type comporte bien entendu un certain nombre de problèmes. De nombreux apprenants adultes en alphabétisation répondront de manière à vous être agréables. Ils vous considèrent comme le représentant des principaux donateurs internationaux – et connaissent pertinemment le point de vue de ces organisations au sujet de l’alphabétisation. Du reste, ce sont bien des organisations d’aide internationale qui ont créé l’éducation pour tous en donnant le plus de poids aux objectifs statistiques. Ce sont également elles qui ont divisé le monde en deux catégories, celle des alphabétisés et celle des analphabètes (900 millions si l’on s’en réfère à l’UNESCO). Ce sont encore elles qui parlent d’éradiquer l’analphabétisme comme s’il s’agissait d’une maladie, de faire la guerre à l’analphabétisme comme s’il s’agissait d’un ennemi et de répondre aux «besoins» des gens qu’elles affirment discerner clairement, alors que, selon elles, les intéressés n’arrivent souvent pas à les distinguer. Ce débat concernant les besoins est bien connu, même dans les petits villages d’Asie et d’Afrique, et les gens auxquels vous vous adressez se contentent d’en répéter la substance car ils croient que c’est justement la réponse que vous attendez d’eux.

Néanmoins, et ce qui est plus grave, un grand nombre de gens a fini par l’intérioriser. Ils croient vraiment que l’alphabétisation est la base de tout et que n’étant pas alphabétisés, ils sont véritablement ignorants, incapables de penser, d’évaluer et de raisonner. On leur donne de maintes manières le sentiment de ne pas être à la hauteur. Ils en arrivent à s’attribuer toutes les caractéristiques que les organisations internationales jugent «indissociables» des analphabètes. Comme Adam et Ève, ils ont fini par s’apercevoir de leur «nudité», qu’ils n’avaient jamais remarquée avant que des étrangers ou des agences ne leur en fassent prendre conscience.

Quatre groupes de motivations

Il est très difficile – mais pas impossible avec une bonne dose de patience – de surmonter ces deux obstacles. Les résultats peuvent du reste être gratifiants si l’on en juge par le modèle qui semble découler d’une telle enquête. Je pense pouvoir discerner quatre groupes de motivations. Il est tout à fait possible qu’il en existe d’autres que je n’ai pas identifiés, cependant ces quatre-là me paraissent essentiels pour déterminer la manière de planifier nos programmes et d’enseigner. Je les décrirai brièvement sans obéir à un ordre précis.

1. Il existe ce que je qualifierais de raisons symboliques. Certains adultes m’ont raconté qu’ils ne s’étaient pas inscrits à des cours d’alphabétisation pour utiliser leurs nouveaux acquis en alphabétisation, mais parce qu’ils souhaitaient faire partie du «groupe participant à l’alphabétisation». Ce type de raison est lié à la position sociale, ces gens ayant une image relativement claire de la coupure du monde en deux groupes, à savoir les alphabétisés (en fait minoritaires dans certains contextes, mais néanmoins très dominants) et les analphabètes, une catégorie de gens inférieurs, ignorants et impuissants. Ils ont intégré une classe d’alphabétisation des adultes dans le but de passer d’un groupe à l’autre, pour disposer, eux-aussi, du pouvoir attribué aux alphabétisés. Ils ont le sentiment que les autres (en particulier le groupe des alphabétisés) les considèrent avec dédain du fait qu’ils ne peuvent pas prendre par part au mode prédominant de communication par les textes. Ils essaient souvent de dissimuler leur analphabétisme parce que, comme le faisait remarquer l’un des participants à un programme au Bangladesh, «ils vous regardent comme si vous étiez idiot.» Pour éviter d’être l’objet du mépris, ils jugent qu’il vaut la peine d’entreprendre tous les efforts possibles pour s’inscrire à des cours d’alphabétisation et s’appliquer à la tâche. À leurs yeux, «l’alphabétisation» n’est pas un outil qu’ils utiliseront, c’est un «badge» qu’ils arboreront et qui indiquera qu’ils font partie d’un groupe particulier; elle a par conséquent valeur symbolique. Cette attitude affecte le rapport qu’ils ont avec le travail à fournir dans le cadre du programme. Ils sont parfois très peu motivés à apprendre. Rapidement, on s’aperçoit que le travail en classe semble loin de satisfaire certains d’entre eux et que les efforts et le temps requis pour les aider à passer pleinement d’un groupe à l’autre sont trop importants pour être justifiés. Ils ne disposent pas de jalons qui les aideraient à marquer le passage d’étapes importantes, de niveaux de référence qui leur permettraient de jauger leurs progrès, d’objectifs intermédiaires gratifiants qui les encourageraient. En somme, ils ne voient aucune utilité pratique dans leurs acquis en alphabétisation – si ce n’est qu’ils souhaitent tout simplement «faire partie du groupe des alphabétisés».

2. D’autres adultes choisissent de s’alphabétiser pour des raisons instrumentales, en d’autres termes pour accomplir certaines tâches. Certains aspirent à lire la Bible ou le Coran. «Je veux apprendre à utiliser le recueil de cantiques pour moi-même», observe une apprenante en Namibie – une tâche décourageante du fait que le manuel d’alphabétisation ne l’aidait pas à comprendre les différentes formes de chiffres qui figuraient dans le recueil de cantiques (numéros de pages et numéros des cantiques) et qui impliquaient que le texte soit lu dans un ordre particulier. Très peu de gens déclarent vouloir lire les journaux, sauf la rubrique cinématographique ou celle des sports. Personne ne m’a jamais dit vouloir s’alphabétiser dans le but de rédiger un journal intime (quoique au terme des cours plusieurs d’entre eux se soient livrés à cette activité). 

Il est toutefois surprenant que l’accomplissement de tâches liées à l’écriture semble prédominer parmi les raisons avancées alors que la plupart des programmes d’alphabétisation des adultes consacrent plus de temps à l’enseignement de la lecture. L’une des raisons principales invoquées en Inde est la possibilité d’écrire des lettres à la famille ou à l’administration sans devoir s’adresser à des tiers (membres de la famille, amis ou même écrivains publics rémunérés), en particulier pour entretenir le contact avec des parents s’étant expatriés. Remplir des formulaires (demande de prêts bancaires ou d’allocations de logement, formulaires de paiement à la poste, etc.) est également l’un des objectifs qui revient fréquemment. Cette tâche exige par ailleurs des connaissances et compétences spécifiques telles que l’emploi correct des chiffres et la maîtrise de l’écriture dans un espace limité, ce que les classes élémentaires d’alphabétisation enseignent rarement à leurs apprenants. Au Kenya et dans un certain nombre d’autres pays, la rédaction d’une demande d’emploi occupait une place de premier plan, une tâche qui exige, elle aussi, l’emploi d’un langage et d’un plan de texte particuliers.

Plusieurs personnes ont déclaré vouloir dresser et tenir leurs comptes. J’ai toutefois remarqué que les gens qui ont vraiment besoin de tenir des comptes trouvent toujours un moyen d’y parvenir, souvent en prenant des notes très informelles dans un style sténographique qui leur est propre. J’ai rencontré un petit commerçant qui enregistrait ses transactions quotidiennes en griffant des notes sur sa main à l’aide d’un cure-dents et qui demandait à sa femme de les retranscrire quand il rentrait le soir à la maison. Un certain nombre de ceux qui affirment avoir l’intention de tenir des comptes ne se servent finalement pas de leurs acquis. En Égypte, une des participantes à un cours d’alphabétisation qui possédait un petit commerce de chapellerie pour femmes ne tenait aucune comptabilité. Son cours était pourtant spécialisé dans ce type d’activité. Je présume qu’un grand nombre de ceux qui prétendent vouloir tenir une comptabilité se contentent de répéter ce que les organisations leur ont dit à l’occasion des séances de motivation.

Les motivations varient bien entendu en fonction du contexte dans lequel se situe le groupe d’apprenants. Les participants à des cours d’alphabétisation mis en place au sein de groupes de développement existants (ex. groupes de crédit et d’épargne ou projets d’action écologique par exemple dans le domaine de la sylviculture) auront des motifs différents en fonction du contexte de leurs activités. Au Bangladesh, une classe qui se composait d’un groupe d’hommes à la tête d’un service de taxis voyait dans l’alphabétisation un moyen de consigner leurs courses, de donner des reçus, de compter les espèces et d’entretenir leurs véhicules. Dans le cas des cours d’alphabétisation axés sur les activités professionnelles, d’autres besoins instrumentaux se font jour. Au Botswana, par exemple, un homme a déclaré qu’il souhaitait apprendre à lire pour pouvoir lire les avis concernant la santé et la sécurité car il avait été nommé au poste de responsable de la sécurité. Un autre avait eu la chance d’être embauché par un syndicat et désirait savoir lire et écrire des textes en rapport avec son travail.

Ces gens arrivent souvent aux cours avec en tête des étapes à franchir et des objectifs bien définis. Généralement, ils apprennent vite s’ils voient que le programme d’alphabétisation les aide directement à mettre l’alphabétisation en pratique comme ils le souhaitent. Par contre, ils progressent beaucoup plus lentement s’ils s’aperçoivent que leurs acquis ne semblent pas les aider à accomplir les objectifs qu’ils se sont fixés. Souvent, ils sont capables d’identifier eux-mêmes les pas importants qu’ils franchissent. Ils recherchent et reçoivent alors fréquemment un appui pour renforcer leurs acquis quand ils s’engagent dans leurs propres activités. S’ils voient que le travail en classe contribue à servir leurs desseins, ils continuent à participer au programme d’apprentissage.

C’est peut-être au sein de ce groupe que l’on trouve les personnes qui souhaitent tout simplement apprendre à écrire leur nom – non pas à lire ce qu’ils ont signé, mais seulement à signer pour montrer que désormais, ils sont «alphabétisés». Souvent, ces participants «décrochent» ou arrêtent même de se rendre aux cours quand ils ont atteint leur but. Ils ont accompli ce qu’ils désiraient et ne voient, en tant qu’adultes, aucune raison de continuer à se livrer à une tâche à leurs yeux fastidieuse et qui les empêche de se consacrer à des activités plus importantes. Si les autres y voient peut-être un «abandon», eux-mêmes considèrent avoir obtenu les connaissances qu’ils voulaient acquérir.

3. Le troisième groupe se compose d’adultes qui ne visent pas à s’alphabétiser pour mettre leurs acquis en pratique, mais pour exploiter les perspectives que le cours leur offrira par la suite. Ils viennent parce que ce type d’apprentissage leur ouvrira des portes au bout du compte. Au Botswana, certains participants ont déclaré qu’ils s’étaient inscrits pour pouvoir passer ensuite leur permis de conduire. Dans certaines situations, il faut savoir «lire et écrire» pour obtenir un emprunt. Au Népal, certains apprenants s’étaient inscrits parce que le certificat d’alphabétisation qui sanctionnait ce cours leur permettait de devenir volontaires dans le secteur de la santé communautaire. Dans différentes régions du globe, on rencontre des adultes parfaitement conscients du fait que participer jusqu’au bout à un programme d’alphabétisation dans un monde précisément dominé par l’alphabétisation les aidera à obtenir un emploi rémunéré ou de l’avancement dans leur entreprise. La propagande motivationnelle des organisations n’est pas seule responsable de ce point de vue, pour beaucoup de gens, il s’agit d’un état de fait. Les emplois et les promotions professionnelles ne manquent pas, ce sont les acquis en alphabétisation qui font défaut.

À l’instar des gens qui s’alphabétisent pour des raisons symboliques, ceux qui font partie de ce troisième groupe n’ont souvent pas l’intention de faire usage des nouvelles compétences acquises une fois le programme achevé. Leur but est cependant plus concret. Ils aspirent à obtenir les avantages tangibles que ces cours, poursuivis jusqu’au bout, pourront leur apporter. Néanmoins, comme dans le cas des gens obéissant à des motifs symboliques, ils ne sont pas près d’atteindre leurs objectifs une fois le programme achevé. Il est difficile de les inciter à tenir jusqu’au bout et de semer des jalons à leurs yeux utiles dans la poursuite de leurs objectifs. Ils auront tendance à abandonner plus rapidement et plus souvent et seront moins intéressés par l’apprentissage de compétences pratiques que les gens qui s’alphabétisent pour des raisons instrumentales.

4. Enfin, de nombreuses agences insistent sur le fait que la possibilité de s’inscrire à des programmes d’éducation formelle ou non formelle motive principalement les adultes à suivre des cours d’alphabétisation qui leur donnent accès à une éducation plus poussée. C’est dans ce cas l’occasion qui les motive; au terme du programme d’alphabétisation, les portes de l’éducation s’ouvriront à eux. Ce type de motivation est toutefois également instrumental puisqu’ils acquièrent des compétences dans le but de les employer. Ils espèrent en effet s’en servir comme point de départ pour passer à une seconde phase de l’éducation, partant par exemple du principe que le cours d’alphabétisation des adultes leur permettra d’aller à l’école.

L’expérience m’a enseigné que les adultes se décidaient peu souvent à s’alphabétiser pour cette raison. Passé 25 ans, seul un petit nombre d’entre eux a l’intention de s’inscrire à des programmes formels ou non formels d’éducation permanente avec un programme d’enseignement bien déterminé et offrant des équivalences. Cette démarche est par contre assez courante chez les jeunes adultes (disons chez ceux âgés entre 15 et 20 ans par exemple), apparemment surtout chez les femmes, et particulièrement aussi dans certains contextes – en Afrique du Sud ou en Namibie, par exemple, où de grandes parts de la population n’ont eu accès ni à l’éducation formelle ni à aucune éducation efficace. Pour des raisons sociales et politiques, ces gens demandent à présent non seulement des programmes d’alphabétisation des adultes, mais aussi d’éducation permanente reposant sur un système d’équivalences. Cependant, il serait faux de croire que ce modèle peut s’appliquer partout. Dans d’autres contextes, la plupart des adultes ne demandent pas ou ne ressentent pas le besoin d’être socialisés par l’éducation à un niveau scolaire primaire – ils sont déjà parvenus à une certaine position dans la société. Ils jugent d’ailleurs en majorité qu’obtenir une certification quelle qu’elle soit (sauf s’il s’agit de qualifications professionnelles) n’améliorera ni leur standing ni leur efficacité.

Les aspirations de ces gens influent sur la manière dont ils jugent les cours d’alphabétisation. Ils apprendront rapidement et avec joie s’ils ont le sentiment que leurs efforts contribuent à les rapprocher de leur but, c’est-à-dire poursuivre leur éducation au terme du programme d’alphabétisation. Les étapes importantes seront les points clés paraissant avoir un rapport avec l’apprentissage dans les écoles primaires, en particulier les contrôles et les certificats aux différents stades du parcours qu’ils ont entrepris pour atteindre leur but.

Conclusion

D’autres raisons peuvent inciter les adultes à s’alphabétiser sur le mode qu’offrent aujourd’hui les différentes organisations d’alphabétisation. Ces motifs dépendent largement de leur situation. Nous devons donc soigneusement examiner le contexte dans lequel nous offrons nos programmes pour connaître les attentes des participants et savoir s’ils y répondent. Toutefois, ces quatre groupes (raisons symboliques, instrumentales, liées à une occasion qui s’offre et en rapport avec l’accès) ressortent très clairement.

Ne croyons cependant pas que ces motivations sont immuables. Elles peuvent parfaitement changer à mesure que les participants progressent. Un apprenant s’étant inscrit pour des raisons symboliques ou parce l’occasion lui en était donnée peut parfaitement se sentir convaincu par la suite de l’utilité instrumentale de l’alphabétisation. D’autres, par contre, pourront très bien éprouver un sentiment de découragement et de démotivation si la classe ne semble pas répondre à leurs besoins.

Découvrir les véritables motivations des apprenants qui s’alphabétisent est essentiel pour de nombreuses raisons, en particulier pour trouver des matériels d’enseignement et d’apprentissage appropriés ainsi que pour fixer des buts et d’importantes étapes à franchir durant le programme d’apprentissage (points clés au fil du programme initial permettant à l’apprenant de souffler en passant en revue les progrès accomplis et procurant ainsi une certaine satisfaction à l’enseignant et à l’apprenant). Ce type d’étapes est la clé de voûte qui maintient et fait évoluer la motivation.

Découvrir et examiner constamment les motivations des participants, qui évoluent sans cesse, sont des tâches qui incombent aux animateurs en alphabétisation. Ceci illustre une fois de plus à quel point les organisations opérant dans ce domaine sous-estiment fréquemment la complexité du processus d’éducation des adultes. Elles semblent en effet penser que n’importe qui peut alphabétiser des adultes. Ainsi, elles ne donnent à leurs enseignants qu’un minimum de formation et des moyens de soutien continu inefficaces alors que leur mission est extrêmement ardue. L’enseignement primaire est le pire des moyens imaginables que l’on puisse employer pour former des enseignants chargés de donner des cours à des adultes du fait que les instituteurs du primaire ne sont pas habitués à tenir compte des aspirations et intentions de leurs élèves. L’éducation des adultes nécessite que l’animateur entretienne en permanence un dialogue ouvert avec ses apprenants, elle ne doit pas reposer sur des besoins ou un programme déterminés de l’extérieur et faisant usage de textes, eux aussi choisis à l’extérieur. Pour des enseignants qui ne sont ni formés, ni soutenus adéquatement et qui ont souvent très peu confiance en eux, engager ce type de dialogue s’avère difficile.

Ne croyons pas en effet que les participants à nos programmes soient passifs. Tous les adultes qui s’alphabétisent évaluent si le programme contribue à satisfaire leurs aspirations et à atteindre leurs objectifs, c’est-à-dire s’il les aide à passer d’une catégorie sociale à une autre ou à réaliser les tâches qu’ils souhaitent accomplir, s’il leur ouvre les portes qu’ils veulent ou les mène au diplôme particulier qui peut leur permettre de passer à l’étape suivante de leur parcours linéaire. Les participants qui jugent si les activités exigées d’eux sont pertinentes pour leurs objectifs et intentions, jugent nos programmes avec beaucoup de sagacité. Bien que, par loyauté envers l’animateur, certains adultes continuent longtemps à aller au cours d’alphabétisation, même s’ils le trouvent fastidieux et inutile, eux aussi finiront par abandonner si leurs attentes ne sont pas contentées. Les programmes d’éducation des adultes et l’enseignement primaire se différencient par conséquent de manière considérable sur ce point. Il est essentiel que tous les éducateurs d’adultes discutent souvent avec leurs apprenants pour savoir ce qu’ils veulent et s’ils se sentent satisfaits. On peut démotiver les gens aussi facilement qu’on les a motivés. Toutefois, nous avons besoin de connaître leurs motivations si nous voulons qu’elles puissent évoluer.  

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