Olivia Tiwaah Frimpong Kwapong

Voici des décennies que l'autonomie des femmes nous préoccupe. Parmi les activités menées pour améliorer le sort de ces dernières, différentes approches politiques ont été adoptées. Bien qu'une enquête menée auprès des femmes dans les communautés Mo du Ghana ait révélé qu'elles participaient largement aux prises de décisions tant à la maison qu'au sein de leurs communautés et qu'elles jouissaient d'une certaine indépendance économique, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer leur situation dans les trois domaines suivants: enseignement supérieur, génération de revenus et participation aux prises de décisions. Cet article s'intéresse à la manière dont l'alphabétisation fonctionnelle pourrait être utilisée pour faciliter l'autonomisation des femmes au sein de communautés en développement. L'auteur vient d'achever ses études en tant que special student en doctorat à la GSAS (université d'Harvard) et prépare actuellement sa thèse à l'université du Ghana. Elle est assistante à l'institut d'éducation des adultes de l'université du Ghana (Legon) où elle enseigne les principes de l'éducation des adultes et de la gestion des programmes.

Employer l'éducation des adultes pour autonomiser les femmes dans les campagnes

Voici des décennies que des tentatives ont été entreprises pour autonomiser les femmes. Les gouvernements et les organisations ont fait des efforts considérables ­ citons ici en particulier les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ­ pour répondre aux besoins des femmes et les faire profiter des avantages du développement dont elles sont souvent privées. Le troisième objectif des OMD sur la promotion de l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes constate que ces dernières ont une immense influence sur le bien-être familial et social mais qu'elles ne peuvent pas déployer pleinement leur potentiel en raison de normes sociales et d'institutions juridiques discriminatoires, et d'avantages dont elles ne peuvent pas bénéficier en tant que femmes (http://ddpext.worldbank.org/ext/MDG/home, consulté le 09/09/05). Différentes approches politiques ont été utilisées pour promouvoir et réaliser l'autonomisation des femmes. Comme il l'a été dit, les stratégies suivantes: femmes dans le développement, femmes et développement, et genre et développement influèrent sur les interventions politiques et nourrirent la pensée scientifique des années soixante et soixante-dix. Toutefois, les effets étaient limités en raison de leur confinement à des paramètres établis du modèle de développement régi par l'État et les discours de ses intellectuels organiques. Malgré cela, ces approches s'attaquèrent dans une certaine mesure aux contradictions liées à la question du genre et auxquelles le développement se trouve confronté (CODESRIA, Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique, 2005).

Au fil des ans, l'éducation des adultes s'est servi de l'éducation des adultes comme d'un outil pour améliorer le sort des gens et créer des capacités. Partant des résultats d'une enquête menée auprès de femmes dans les communautés Mo du Ghana, cet article évalue la mesure dans laquelle l'éducation des adultes pourrait promouvoir l'autonomisation des femmes, particulièrement dans les communautés rurales. L'article s'ouvre sur un examen du concept d'autonomisation des femmes. Il présente ensuite un rapport sur l'enquête et conclut en montrant comment l'éducation des adultes pourrait être utilisée pour faciliter l'autonomisation des femmes dans les campagnes.

Le concept d'autonomisation des femmes

Des chercheurs du secteur privé, des ouvrages publiés par des bailleurs de fonds, des documents politiques et différents autres ouvrages ont présentés différents points de vue sur l'autonomisation des femmes. M. Karl (1995) remarque que bien avant que le mot ne soit passé dans l'usage courant, les femmes parlaient déjà de prendre leur existence en main et de participer aux décisions qui les concernaient aux niveaux des foyers, de la communauté, du gouvernement et des politiques internationales de développement. Elle ajoute aussi que le mot «empowerment» (autonomisation) traduit bien l'idée d'une prise de contrôle et d'une participation aux prises de décisions. Ce terme est entré dans le vocabulaire des organismes de développement et autres organisations internationales.

Dans sa définition du mot «autonomisation», M. Karl (1995:14) explique ce que ce le pouvoir signifie pour elle:

  • prendre son existence en main ou la contrôler encore mieux
  • avoir son mot à dire et être écoutée
  • être capable de définir et de créer d'un point de vue féminin
  • être capable d'influer sur les choix et décisions sociales qui touchent l'ensemble de la société
  • être reconnus et respectés en tant que citoyennes égales et êtres humains qui ont quelque chose à donner

L'autonomisation des femmes peut être résumée comme le processus d'amélioration du capital humain féminin visant à permettre aux femmes de participer efficacement au développement d'une nation sous toutes ses formes. Ceci fera des femmes des créatrices aux niveaux du développement et de l'Histoire dont elles ne seront plus uniquement des bénéficiaires ou des sujets, des rôles auxquels elles ne doivent pas se limiter car pour se développer, une nation a besoin que les femmes participent à son développement au même titre que les hommes. Si nous tenons compte du fait que la population mondiale se compose à cinquante pour cent de femmes, il est crucial de renforcer leurs capacités pour réaliser un développement holistique. On pourrait dire aussi que l'autonomisation des femmes consiste à renforcer leurs capacités ou à leur donner les moyens de tirer le meilleur parti de leur existence pour les faire participer à la direction des affaires de la communauté et à l'amélioration de sa situation socioéconomique. Il est évident que l'accès à l'alphabétisation ou à l'éducation, aux informations ou aux savoirs, aux ressources naturelles ou matérielles, à l'acquisition de compétences productives et au capital facilite l'autonomisation des femmes.

Les traditions ayant la vie dure, on a également eu le loisir d'observer, que la culture, les traditions, les opinions toutes faites et les façons de voir se mêlaient entre elles et que de ce mélange résultait la marginalisation des femmes dans la société. Il faudrait par conséquent entreprendre des efforts pour transformer la société patriarcale en conscientisant et en sensibilisant ses membres. Il conviendrait pour cela de remettre en question les traditions, structures, institutions et idéologies qui ont contribué à la discrimination et à la subordination des femmes. La famille élargie, le système des castes, l'ethnicité, la religion, les médias, les lois, les politiques, les approches de développement du haut vers le bas, par rapport aux démarches participatives du bas vers le haut, comptent parmi ces traditions et structures.

Le modèle d'autonomisation des femmes de M. Karl (1995) comporte cinq niveaux: bien public, accès, conscientisation, participation et contrôle. Ces niveaux reflètent aussi les différentes approches utilisées au fil des ans pour promouvoir l'autonomisation des femmes.

Le premier niveau, celui du bien public, se rapporte aux besoins élémentaires des femmes. Cette approche fait fi des causes structurelles sous-jacentes qui entraînent la nécessité des services d'assistance sociale et n'essaye pas non plus de trouver une solution pour y remédier. À ce stade, les femmes sont principalement des bénéficiaires passives de ces avantages sociaux. Une telle approche favorise manifestement la dépendance envers les fournisseurs de telles prestations.

L'accès, le second niveau, se rapporte à l'égalité de l'accès à des ressources telles que l'éducation, les opportunités offertes, les terres et les crédits, ce qui est essentiel pour que les femmes puissent faire des progrès significatifs. La voie de l'autonomisation est ouverte dès l'instant où les femmes reconnaissent que ne pas avoir accès à ces ressources constitue un obstacle à leur évolution et à leur bien-être en général, et qu'elles s'attaquent à ce problème.

La conscientisation, le troisième niveau, est un point crucial de ce modèle d'autonomisation. Pour que les femmes interviennent de manière adéquate afin de combler les fossés entre les sexes et les inégalités qui existent entre eux, elles doivent reconnaître que leurs problèmes viennent d'une discrimination structurelle et institutionnelle inhérente au système. Elles doivent également prendre conscience du rôle qu'elles jouent précisément souvent dans le renforcement de ce système qui limite leur évolution.

La participation, le quatrième niveau, désigne le stade auquel les femmes prennent des décisions avec les hommes pour assurer l'équité. Pour y parvenir, elles doivent toutefois se mobiliser. En s'organisant et en opérant ensemble, les femmes s'autonomiseraient de manière à être mieux représentées, ce qui induirait une plus grande autonomisation de laquelle résulterait finalement un plus grand contrôle. Ces niveaux renforcent l'approche du mainstreaming selon laquelle il convient de reconnaître les préoccupations des hommes et des femmes, et de les intégrer dans tous les plans, politiques, programmes, objectifs, activités et indicateurs de surveillance et d'évaluation. Ceci implique une évaluation de la participation des femmes et des hommes dans tous les domaines et à tous les niveaux de chaque intervention. En outre, bien que des programmes spéciaux soient nécessaires pour combler les fossés qui existent, ceux-ci ne devraient pas être menés sur toute la durée d'un projet pour éviter de créer de nouveaux déséquilibres.

Enfin, ce modèle présente le contrôle comme l'ultime niveau d'équité et d'autonomisation. À ce stade, les femmes sont capables de prendre des décisions concernant leur existence et celle de leurs enfants, et elles jouent un rôle actif dans la société et dans le processus de développement. En outre, leurs contributions sont pleinement reconnues et récompensées.

Ce modèle montre le parcours des femmes depuis le début des années soixante-dix: de l'aide sociale au mainstreaming et à l'autonomisation, en passant par les approches «femmes dans le développement» et «genre et développement». Une étude effectuée en 2000 sur le «gender mapping» (littéralement «cartographie des genres»: technique consistant à répertorier les incidences des lois et programmes sur le rôle de l'homme et de la femme dans le but de bannir toute forme de discrimination entre les sexes, n.d.l.t.) souligne aussi que des changements fondamentaux dans la façon des gouvernements et des organisations d'aborder les préoccupations des femmes sont intervenus durant les périodes où l'on est passé de l'approche «femmes dans le développement» à celle appelée «genre et développement», et de l'approche par le ciblage à celle du mainstreaming. Il est évident que la plupart de ces approches se chevauchent. Toutefois, on peut discerner la tournure de cette évolution. À tous les stades, les revers de situation sont inévitables, et il faut faire face à des facteurs inhibiteurs, ce qui influe sur la forme de stratégie ou d'approche adoptée par la suite. Malgré les contraintes et défis, on peut affirmer qu'un grand pas a été fait vers l'autonomisation des femmes.

L'étude effectuée par M. Karl (1995), fait le relevé des mesures prises couramment par les organisations de développement pour inclure l'autonomisation dans leurs activités afin d'améliorer la situation économique des femmes grâce à l'emploi, à la génération de revenus et à l'accès à des crédits. Toutefois, dans les programmes de développement rural intégré, le renforcement de la position économique des femmes n'est qu'un des éléments de l'autonomisation qui passe aussi par l'éducation, l'alphabétisation, la satisfaction de besoins élémentaires, l'offre de services et le planning familial. Ces derniers temps, l'offre de services de santé intégrés de qualité, l'intégration dans une gestion durable des ressources naturelles, la pleine participation à l'administration des affaires publiques, en particulier à la base, etc. ont fait l'objet d'une grande attention.

L'enquête

Une enquête a été menée pour déterminer le degré d'autonomisation des femmes dans les communautés Mo de la région de Brong-Ahafo au Ghana. Cette étude poursuivait les objectifs suivants: évaluer dans quelle mesure le parcours des personnes interrogées influait sur leur degré d'autonomisation; observer le degré d'autonomisation atteint par les femmes dans l'éducation; identifier les compétences acquises par les femmes pour leur permettre d'exercer une activité; déterminer à quel point les femmes participaient aux prises de décisions à la maison; évaluer dans quelle mesure les femmes participaient aux prises de décisions dans leurs communautés.

L'enquête a été réalisée auprès de deux cents femmes des communautés Mo dans la région de Brong Ahafo au Ghana. Elles se répartissaient comme suit: soixante-six femmes à Weila, soixante et une à New Longoro, trente-neuf à Bamboi et trente-quatre à Ayorya.

La position de ces femmes au sein des communautés Mo est compliquée et constitue un défi. Elles sont plus désavantagées que les hommes. Les communautés Mo présentent les caractéristiques de communautés rurales mais doivent aussi faire face à une forte pression démographique. Elles se trouvent confrontées à une baisse des récoltes, à la dégradation des terres, à la déforestation et à des problèmes traditionnels, vecteurs de pauvreté et d'inégalités entre les sexes. Les femmes se chargent de la majorité des travaux agricoles, ce sont d'excellentes commerçantes et elles dirigent plusieurs entreprises. De ce fait, de nombreux projets ont eu recours aux groupes de femmes pour organiser des activités au niveau des villages (Ghana-Canada In-Concert, 2000).

Pour réaliser l'enquête, on s'est servi d'un questionnaire composé de cinq sections et de trente-quatre questions pour obtenir des informations des personnes interrogées. Ce formulaire comportait des questions fermées et ouvertes. La première section comprenait cinq questions personnelles: âge, niveau d'éducation formelle, religion, situation de famille et activité principale. La seconde section avait pour but d'obtenir des renseignements concernant le degré d'autonomisation éducatif et se composait de sept questions. Les points les plus importants étaient les suivants: influence de l'éducation sur la vie socioéconomique des femmes, désir des femmes de continuer à s'éduquer et initiatives prises pour améliorer l'éducation des femmes. La troisième section, la plus longue, se composait de douze questions qui visaient à tester le niveau d'autonomisation économique des femmes et portaient sur les sujets suivants: accès des femmes à la propriété de terres arables, activités génératrices de revenus exercées par les femmes, influence de leurs époux sur ces activités et moyens d'économiser de l'argent. La quatrième section, qui comportait cinq questions, était conçue pour déterminer le degré de participation des femmes dans les prises de décisions chez elles. Les thèmes soulevés ici étaient les suivants: possibilités pour les femmes de partager leurs idées avec leurs conjoints, types de décisions qu'elles peuvent prendre, possibilités de décider par elles-mêmes quand elles transmettent leurs biens à des descendants. La dernière section du questionnaire était structurée de manière à déterminer le degré de participation des femmes aux prises de décisions dans leurs communautés. Elle comportait cinq questions. Les thèmes principaux étaient les suivants: appartenance à des organisations de femmes, avantages qu'elles tirent de ces associations, capacité et possibilité d'exprimer leurs opinions lors de réunions publiques et mesure dans laquelle leurs points de vue sont pris en compte. Le questionnaire se composait en tout de trente et une questions fermées et de trois questions ouvertes. Tandis que les questions fermées demandaient des réponses standardisées, les questions ouvertes permirent aux femmes d'exprimer leurs points de vue, à leur manière. Les renseignements furent recueillis avec l'aide d'assistants de recherche, des enseignants des différentes communes, qui parlaient les langues locales (le twi et le deg) dans lesquelles l'interview fut menée pour des raisons d'exactitude des résultats.

Pour ne pas déranger les femmes, on les interviewa chez elles. L'inconvénient de cette méthode: les interruptions occasionnées par les membres du foyer et les clients des commerçantes. Toutefois, à la fin de la journée, les enquêteurs avaient réuni les informations requises. Ce fut aussi l'occasion pour les femmes de partager leurs expériences. L'enquête s'étendit sur une période de quatre semaines (28 jours).

Résumé des résultats

Renseignements personnels

Les personnes interrogées avaient à 94 % l'âge d'être en activité; elles avaient entre vingt et un et soixante ans. Elles se trouvaient dans leur phase d'évolution indépendante et constituaient de ce fait la population active des communautés. En général, elles avaient un faible niveau d'éducation formelle: 33,9 % des femmes étaient illettrées et 44,8 % avaient un niveau de base (allant jusqu'au collège). Presque toutes avaient une appartenance religieuse, la majorité était chrétienne. Venaient ensuite les musulmanes puis les adeptes de religions traditionnelles. Le pourcentage des femmes mariées s'élevait à 77 %, contre seulement 13,7 % de célibataires. 71 % des femmes étaient fermières, et 68,3 % déclaraient aussi faire du commerce. L'agriculture et le commerce sont les principales occupations de la région. L'aspect le plus encourageant: le chômage est peu répandu chez les femmes. Presque toutes déclaraient avoir une activité génératrice de revenus, que ce soit dans l'agriculture ou le petit commerce.

Autonomisation éducative

Il est ressorti de l'étude que les femmes avaient un faible niveau d'éducation formelle. Environ 32,8 % d'entre elles n'avaient bénéficié d'aucune éducation formelle, 44,8 % avaient suivi une scolarité de base et 1,6 % étaient allées dans un établissement d'enseignement professionnel. Néanmoins, elles étaient 97 % à souhaiter participer à des programmes de formation pour améliorer leurs qualifications et progresser dans leur vie professionnelle, ce qui implique qu'elles étaient déterminées à s'améliorer elles-mêmes. En même temps, 94 % d'entre elles tenaient beaucoup à promouvoir l'éducation des femmes.

Autonomisation économique

Les résultats montrèrent que près de 99 % des femmes exerçaient des activités génératrices de revenus; 97 % se déclaraient capables de gérer leurs propres activités; 83 % avaient l'autorisation des maris d'employer leur argent comme elles l'entendaient; 88 % avaient accès à la propriété de terres arables; 83 % avaient l'accord des époux pour faire de la culture dans un but commercial; 63 % étaient capables de contrôler et de gérer leurs propres revenus; enfin, 94 % des femmes étaient fermement déterminées à participer à un programme de formation, quel qu'il soit, pour s'améliorer elles-mêmes et progresser au niveau professionnel. Partant de ces résultats, nous pouvons souligner le haut degré d'indépendance économique des femmes. Il fut également observé que 64 % d'entre elles dépendaient de leurs maris du fait qu'elles n'avaient pas de revenus réguliers. Ceci implique qu'il faut renforcer la position des femmes ou les assister de façon à réduire ce degré de dépendance.

Prises de décisions dans les foyers

L'enquête a permis de déterminer que 79 % des femmes interrogées avaient la possibilité de partager des idées avec leurs époux; 7,5 % déclarèrent pouvoir exprimer leur point de vue sur la question du planning familial; 75 % furent en mesure de donner des exemples de décisions qu'elles pouvaient prendre chez elles; environ 94 % participaient à l'établissement du budget familial, 90 % pouvaient choisir de transmettre leurs biens à leurs héritiers; 83 % étaient autorisées par leurs époux à employer leur argent comme elles l'entendaient; 97 % pouvaient partager leurs idées avec leurs maris qui tenaient compte de leurs opinions. Une fois de plus, ces résultats révèlent une forte participation des femmes aux prises de décisions dans les foyers. La situation pourrait toutefois encore s'améliorer sur certains points, ce qui exigerait la création de capacités.

Participation aux prises de décisions dans les communautés

L'enquête a révélé que 71,6 % des femmes pouvaient exprimer leurs opinions en public; les aînés invitaient 71,6 % des femmes à participer aux débats sur la communauté; 74,3 % des femmes qui avaient eu l'occasion de s'exprimer ainsi déclarèrent que leurs points de vue avaient été acceptés; 66,1 % étaient membres d'associations de femmes et 65 % furent en mesure de citer les avantages qu'elles tiraient d'une telle adhésion. Ces résultats indiquent une forte participation des femmes aux prises de décisions au sein des communautés. Toutefois, il est nécessaire d'améliorer la situation des femmes qui ont la chance de participer aux prises de décisions et celle des femmes qui semblent en être exclues. Étant donné que l'autonomisation est un vaste concept, l'étude a été contrainte de se limiter à trois de ses facettes: éducation, aspect économique et prises de décisions. Néanmoins, les résultats constituent un défi lancé aux éducateurs d'adultes et aux autres acteurs du changement qui devront créer et intensifier des capacités et des activités de développement humain pour améliorer le degré d'autonomisation des femmes.

La place de l'éducation des adultes

Des résultats de l'étude, nous pouvons déduire que quoique les femmes aient généralement atteint un degré relativement élevé d'autonomisation, des améliorations peuvent encore être apportées dans les domaines suivants: éducation, économie et prises de décisions aux niveaux du foyer et de la communauté. Les femmes ont besoin d'élargir leurs compétences pour pouvoir s'autonomiser encore plus. L'éducation des adultes est un outil essentiel pour réaliser ces objectifs puisque l'éducation est considérée comme le premier facteur d'autonomisation. Pomary (1992: 21) affirme que

«peu importe comment nous tentons d'y échapper, l'éducation est le principal agent d'autonomisation. Elle contribue à un développement durable. Elle change nos modes de vie de manière positive. Elle présente l'avantage de permettre d'accroître les revenus, d'améliorer la santé et d'augmenter la productivité.»

Ceci fait de l'éducation des adultes un élément crucial du processus d'autonomisation des femmes. L'Encarta Reference Library (2005) la définit brièvement de la manière suivante: «Toutes les formes d'éducation et de programmes d'enseignement auxquels des adultes prennent part.»

Dans l'Encarta Reference Library, on apprend en outre qu'à la différence des autres types d'éducation, l'éducation des adultes se définit plutôt par ses apprenants que par le contenu ou la complexité d'un programme d'enseignement. L'éducation des adultes pourrait par conséquent être n'importe quelle activité éducative organisée pour des adultes, sous quelque forme que ce soit et quels que soient ses contenus ou son niveau. Cette définition se rapporte aux programmes d'éducation formelle ou non comme les programmes universitaires et les programmes d'alphabétisation, de développement communautaire, de formation sur le lieu de travail et de formation continue. Ces programmes peuvent être organisés de différentes façons: il peut s'agir de stages occasionnels tout comme de cursus universitaires formels. Les adultes peuvent s'éduquer par l'intermédiaire d'universités, de bibliothèques, de musées, de services sociaux, d'organismes gouvernementaux, d'entreprises, d'organisations non gouvernementales, d'églises, etc.

Petit aperçu des faits historiques et approches internationaux

L'Encarta (2005) nous fournit un bref aperçu de l'évolution de l'éducation des adultes. Elle explique qu'au départ, les activités d'éducation formelle destinées aux adultes étaient uniquement axées sur des besoins tels que la lecture et l'écriture. Un grand nombre des programmes de l'époque avaient été lancés par des églises pour enseigner aux gens à lire la Bible. Une fois cet objectif réalisé, les programmes furent souvent réadaptés de manière à répondre aux besoins éducatifs plus généraux de la population. Dans le courant du XVIIIe siècle, les bibliothèques, les cycles de conférences et les salons littéraires firent leur apparition dans différents pays. Quand les gens furent plus nombreux à constater les avantages de l'éducation, ils commencèrent à prendre une part croissante aux activités sociales, politiques et professionnelles. Au XIXe siècle, l'éducation des adultes se transforma en mouvement formel et organisé dans les pays occidentaux et dans le monde en développement.

Le désir de quelqu'un de participer à un programme d'éducation procède souvent d'un changement de sa situation personnelle, sociale ou professionnelle. Cette orientation individuelle a donné naissance à un secteur dynamique en perpétuel mutation, capable de répondre aux besoins divers de la société. Quand elles reconnaissent le besoin de réactualiser les informations dont elles disposent et leurs compétences, les femmes, elles aussi, ressentent un plus grand désir de s'éduquer et de s'informer. Les secteurs techniques en rapide mutation exigent également une mise à jour constante des informations pour que la main-d'oeuvre reste efficace et productive. Comme l'explique l'Encarta, l'utilisation croissance de la radio, de la télévision en réseau et par câble pour l'éducation des adultes, les séminaires spécialisés, les stages de courte durée et les programmes universitaires constituent aussi un développement majeur. Les médias électroniques permettent d'atteindre des populations obligées de rester chez elles ou géographiquement isolées comme les communautés rurales.

Au Ghana, en raison des possibilités limitées du système scolaire formel, des associations bénévoles d'éducation des adultes firent leur apparition dès 1830. Elles prirent part aux débats sur l'alphabétisation et mirent sur pied des programmes pour se tenir au courant des évolutions dans ce domaine et améliorer leurs standards d'enseignement. Certaines voulurent offrir des études plus poussées pour permettre à leurs apprenants d'obtenir de l'avancement et des augmentations de salaire. Cette évolution a permis à l'éducation des adultes au Ghana de progresser vers le niveau universitaire de manière à fournir aux grandes masses des programmes d'éducation formelle et non formelle (Amedzro, 2004). La division d'éducation non formelle (NFED) est l'organe gouvernemental responsable de l'alphabétisation fonctionnelle de base des adultes. Le programme national d'alphabétisation fonctionnelle qu'elle a lancé en 1991 a mené de front différentes activités visant à accélérer la réduction de l'analphabétisme dans le pays et à faciliter le développement rural et national. Le rapport de 2005 publié par la NFED sur la célébration de la Journée internationale de l'alphabétisation spécifie que le programme national d'alphabétisation fonctionnelle enseigne la lecture, l'écriture et l'arithmétique, et offre un environnement dans lequel les apprenants peuvent acquérir des compétences génératrices de revenus par l'intermédiaire de cours proposés dans le cadre de projets consacrés à la génération de revenus. Les responsables de ces projets sont formés dans les domaines suivants: entreprenariat, gestion, comptabilité, sourcing de fonds et marketing. Les bénéficiaires sont de leur côté formés dans la transformation du manioc, le tissage du kente (le tissu royal de la région), le batik, la teinture par nouage, l'apiculture, la boulangerie, etc. Il existe aussi un programme d'alphabétisation en anglais qui vise à permettre aux apprenants de se donner des stratégies de communication. Sur toute sa durée d'existence, le programme de la NFED a jusqu'à présent attiré en moyenne 200 000 apprenants par an, recruté en tout 2 505 709 apprenants et délivré 1 669 210 diplômes. Au niveau du développement communautaire, il a fourni de l'eau potable, créé des garderies, des salles de classe et des halles de marché. Un certain nombre d'apprenants ont passé des diplômes d'accès au système d'éducation formel, jusqu'au niveau d'enseignement supérieur. D'autres occupent des fonctions à responsabilités dans les communautés: accoucheuses traditionnelles, leaders religieux, membres des assemblées de district et présidents de comités locaux (NFED, 2005).

L'Encarta (2005) explique que l'éducation des adultes n'occupe pas seulement au Ghana une place importante. En Europe et dans d'autres pays du monde, des programmes formels ont également été créés au XVIIIe siècle. Le mouvement des universités populaires danoises a empêché dès le XIXe siècle que la langue et la culture de ce pays ne meurent, alors que sous la forte emprise allemande elles menaçaient d'être absorbées. En Grande-Bretagne, le souci de l'éducation des pauvres et des classes ouvrières a entraîné l'expansion des programmes d'éducation des adultes tels que les écoles du soir et le Mechanic's Institute dont l'objectif est de donner à tous les gens la possibilité de s'éduquer. Après la révolution russe, le gouvernement soviétique éradiqua l'analphabétisme en créant différentes institutions et cours d'éducation permanente pour adultes. Dans d'autres régions du monde, les mouvements d'éducation des adultes sont plus récents. En 1960, l'Égypte créa un système d'«écoles pour le peuple» conçu pour éduquer la population adulte. Après de nombreuses années consacrées à la création de systèmes d'écoles publiques primaires, les pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine s'attachèrent dans les années soixante-dix à donner aux adultes de plus grandes possibilités de s'éduquer. La Tanzanie, par exemple, eut recours à des techniques d'éducation de masse et à la radio pour organiser des programmes nationaux dans les domaines de la santé, de la nutrition et de la citoyenneté. Toute nation a besoin d'une population alphabétisée si elle veut tirer parti de la croissance technologique moderne. La recherche a démontré qu'il existait un lien direct entre l'alphabétisation des femmes et l'amélioration de la santé et des soins prodigués aux enfants dans les familles. L'UNESCO a longtemps soutenu le concept selon lequel l'éducation doit être considérée comme un processus constant. Elle a encouragé les programmes d'alphabétisation, de vulgarisation agricole et l'instruction publique. À la lumière de cela, l'éducation des adultes devient cruciale pour faciliter l'autonomisation des femmes.

L'éducation des adultes pour autonomiser les femmes

Il est ressorti de l'étude réalisée auprès des femmes des communautés Mo que 32,8 % d'entre elles n'avaient bénéficié d'aucune éducation formelle, que 44,8 % avaient achevé leur scolarité formelle de base (jusqu'au collège). Seulement 1,6 % d'entre elles étaient allées dans un établissement d'enseignement professionnel et 17,5 % avaient poussé leurs études jusqu'au secondaire. Du fait de leur niveau d'instruction peu élevé, les femmes exploitaient des entreprises à petite échelle dans le secteur informel: agriculture, petits commerces, préparation de boissons locales, fabrication de beurre de karité, ces occupations leur assurant des revenus qui leur permettaient de survivre. Seulement 3,3 % des femmes travaillaient dans la fonction publique. Du fait de l'instabilité de leurs activités, en outre peu lucratives, 56,3 % des femmes ne disposaient pas de revenus réguliers. Dans une certaine mesure, le faible niveau d'instruction des femmes les avait aussi empêchées d'exprimer leurs opinions en publics et d'être entendues.

Ceci implique que les femmes doivent bénéficier d'une formation professionnelle qui leur permette d'améliorer leurs activités génératrices de revenus, de programmes d'alphabétisation fonctionnelle pour leur permettre de mieux lire et écrire, de programmes de sensibilisation en général et d'un accès aux informations publiques pour mieux les éclairer. Grâce à ce type de renforcement des capacités et d'activités de développement humain, combiné avec des incitations à l'augmentation de la productivité, les capacités des femmes pourraient s'améliorer.

Les activités spécifiques d'éducation des adultes servant dans différents domaines à faciliter l'autonomisation des femmes pourraient être entre autres les suivantes:

Éducation ­ partant du fait que 32,8 % des personnes interrogées n'avaient bénéficié d'aucune éducation formelle, il est crucial de promouvoir l'éducation des femmes. Les filles des communautés pourraient être conseillées et encouragées, et il faudrait leur fournir l'aide nécessaire pour leur permettre de poursuivre une scolarité formelle jusqu'à un niveau supérieur afin de les préparer à être plus compétitives sur le marché du travail. De la même manière, les programmes d'alphabétisation fonctionnelle destinés aux femmes adultes devraient aider celles-ci à améliorer leurs aptitudes à la lecture et à l'écriture. Ces compétences contribuent manifestement à favoriser l'accès des femmes aux informations publiques et éducatives. L'utilisation des technologies de l'information comme la radio, Internet et les appareils portables aideront celles qui résident dans des régions isolées. De récentes études indiquent que les femmes sont enclines à payer pour obtenir de tels services (Kwapong O. T. F, 2005).

Prises de décisions dans les communautés ­ Tenant compte de l'influence que les hommes exercent au sein de la société et sur les opinions des femmes, les leaders, principalement des hommes, pourraient être incités à encourager ou motiver plus de femmes à exprimer leurs opinions en public de façon à ce qu'elles contribuent au développement de leurs communautés. En plus de leur position de «reine mère», les femmes devraient autant que possible occuper des positions clés parmi les aînés au sein des institutions traditionnelles et politiques, et partout où des décisions doivent être prises. Pour cela, il serait utile d'aider les femmes à se former au leadership si nous voulons qu'elles participent efficacement à tous les niveaux des processus décisionnaires et à la direction des affaires de leurs communautés.

Différentes organisations religieuses pourraient aussi encourager les femmes à s'engager énergiquement dans des associations religieuses et dans d'autres groupes d'intérêts pour qu'elles s'éduquent afin de faciliter leur autonomisation.

Prises de décisions dans les foyers ­ Il serait utile d'encourager autant que possible la communication au sein des couples. Les maris devraient être conseillés et il faudrait les inciter à respecter les opinions de leurs épouses, aussi peu pertinentes et provocantes qu'elles leur semblent, pour que les femmes puissent prendre confiance en elles et exprimer leurs points de vue. Il serait salutaire que les maris, ou tout simplement les hommes, consultent souvent leurs épouses ou les femmes parmi leurs collègues sur des questions familiales au lieu de prendre seuls des décisions à leur sujet. Donner aux femmes la possibilité d'agir les aide à être plus indépendantes et plus confiantes. Par-dessus tout, la cordialité entre les membres de la famille et de la communauté remontera le moral de tous.

Autonomisation économique ­ pour réaliser ou promouvoir l'autonomisation économique des femmes il serait primordial que les agents du changement et du développement organisent pour elles des formations dans les domaines de l'agriculture et de l'entreprenariat à petite échelle pour qu'elles acquièrent les compétences nécessaires à leur progression professionnelle. Les autorités traditionnelles pourraient de leur côté contribuer à éliminer les inhibitions ancrées dans la culture, qui empêchent les femmes d'avoir le même accès que les hommes aux terres arables. Pour inciter les femmes à améliorer leur production et les aider à disposer d'un capital suffisant et de revenus réguliers, des mesures d'incitation s'imposeraient. Elles pourraient être, entre autres, les suivantes: facilités de crédit, emploi de technologies modernes pour accroître la productivité, services de vulgarisation et autres activités d'assistance. En outre, les femmes devraient être encouragées et éduquées de manière à ce qu'elles soient capables d'effectuer d'autres transactions financières que le «susu» (épargne auprès de personnes non autorisées) et puissent bénéficier de prêts bancaires. Si les formalités bancaires inquiètent les femmes, les banques devraient se mettre à leur portée.

Conclusion

L'éducation des adultes vise à améliorer la situation des gens en élargissant leurs compétences et leur savoir, et en les sensibilisant. L'enquête menée auprès des femmes des communautés Mo du Ghana a aidé à évaluer leur degré d'instruction, d'indépendance économique et de pouvoir décisionnaire. Bien que l'étude ait révélé une forte participation aux prises de décisions dans les foyers et les communautés, et une grande indépendance économique, environ 32,8 % des femmes n'avaient bénéficié d'aucune éducation formelle, 44,8 % avaient achevé leur scolarité formelle de base (jusqu'au collège), seulement 1,6 % étaient allées dans un établissement d'enseignement professionnel et 17,5 % avaient poussé leurs études jusqu'au secondaire. Du fait de leur niveau d'instruction peu élevé, les femmes exploitaient des entreprises à petite échelle dans le secteur informel: agriculture, petits commerces, préparation de boissons, fabrication de beurre de karité, etc., ces occupations leur assurant des revenus qui leur permettaient de survivre. Seulement 3,3 % des femmes travaillaient dans le secteur formel. Du fait de la prédominance de l'emploi dans le secteur informel et de l'instabilité de leurs activités, 56,3 % des femmes ne disposaient pas de revenus réguliers. L'éducation des adultes est par conséquent d'une importance capitale pour que les femmes soient capables de s'organiser de façon à ce qu'elles améliorent leurs aptitudes à générer des revenus, comptent plus sur elles-mêmes, affirment leur droit indépendant à prendre des décisions et à faire des choix, et puissent contrôler des ressources qui les aideront à remettre en question leur dépendance et à l'éradiquer.

Références

Advocates for Gender Equity (AGE) 2000) Report on Mapping, Exercise on Gender Activities in Ghana, Accra.

Amedzro, A. K. (2004) dans Asiedu et coll.: The Practice of Adult Education in Ghana, Ghana Universities Press, Accra.

CODESRIA (2005): 2005 Gender Symposium, www.codesria.org (09/09/05). Empowerment in the Discourse and Practice of Development dans Afshar Haleh (Éd.) Women and Empowerment: Illustrations from the Third World, New York St. Martin's Press Inc.

Encarta Reference Library (2005): Microsoft Corporation.

Ghana-Canada In-Concert (2000): Programme Document.

Karl, Marilee (1995): Women and Empowerment: Participation and Decision-making, Londres, Zed Books Ltd.

Moser, Caroline O.N. (1993): Gender Planning and Development: Theory Practice and Training, Londres, Routledge.

NCWD (1994): The Status of Women in Ghana (1985-1994), National Report for the 4th World Conference on Women, Accra.

NFED (2005): Non-Formal Education Division ­ Celebration of International Literacy Day, Daily Graphic of Ghana, Friday, September 9th 2005.

Rowlands, J.O. (1998): A Word of the Times, but What Does it Mean?  

PARAMÈTRES DES COOKIES
VOUS ETES SUR LE POINT DE QUITTER LE SITE DE DVV INTERNATIONAL
Remarque importante : Si vous cliquez sur ce lien, vous quitterez le site web de DVV International. DVV International ne s'approprie pas les sites web de tiers accessibles par des liens et n'est pas responsable de leur contenu. DVV International n'a aucune influence sur les données personnelles qui sont traitées sur ces sites. Pour plus d'informations, veuillez-vous référer à la politique de confidentialité du propriétaire du site web externe.