Michael Samlowski

En souvenir de Jakob Horn

Je n’ai pas connu le jeune Jakob Horn: collégien déjà directeur d’une coopérative de métayers dans la Styrie, étudiant démuni marchandant un modèle ancien Mer-cedes, porte-parole d’une section d’étudiants pendant le mouvement estudiantin et membre de la Ligue des associations des étudiants allemands, responsable des étudiants étrangers à l’université libre de Berlin. L’un des fondateurs et présidents de l’Association allemande de sciences politiques, puis chargé de mission à la Confédération allemande pour l’éducation des adultes, DVV, à Bonn, et organisa teur de formations de formateurs d’adultes en Éthiopie et au Soudan. Responsable Amérique latine, sous-directeur, puis directeur du département Coopération inter nationale de la DVV.

Lors de notre première rencontre, l’Institut s’appelait encore «Bureau de Coo pération internationale de la DVV». L’Institut s’était déjà fait sa place au ministère de la Coopération économique et du Développement en tant qu’organisme d’exé cution de la coopération au développement, dans le domaine de l’éducation des adultes. L’Institut employait alors bon nombre de collaborateurs en Afrique et en Amérique latine, plus exactement en Colombie. Dans ce pays, la DVV avait mis en œuvre un projet modèle reconnu par le ministère, l’ambassade et les partenaires colombiens, et objet de visites apprécié des députés en mission dans ce pays et des représentants des médias venus effectuer des recherches sur l’Amérique latine: il s’agissait du Centre d’éducation des adultes «Alfonso López Pumarejo», situé dans les bidonvilles de Cali, troisième ville de Colombie.

C’est à l’occasion de mon voyage en Colombie pour le compte de la GTZ que mon attention s’est portée sur la DVV en tant que responsable de projets de développement. À l’époque, je préparais un projet de formation de formateurs, également à Cali. On m’avait recommandé de prendre contact avec la DVV dans le but d’une éventuelle coopération. Lors de ma visite à la DVV, je constatai une chose qui n’allait cesser de se confirmer par la suite: Jakob était un hôte affable. Il consacra beaucoup de temps à notre entretien, s’interessa à moi personnellement; il avait préparé la rencontre, était même informé sur mon mémoire qui faisait partie de la bibliothèque du bureau, il parlait, répondait à mes questions et à celles que j’avais oubliées de poser; il m’invita à un anniversaire le jour même au bureau, me fit visiter les locaux et me présenta à ses collaborateurs. Bref, je sentis que j’aurais plaisir à travailler pour son bureau si l’occasion se présentait. Il y régnait une atmosphère diamétralement opposée à celle de la GTZ: dans une ambiance familiale et chaleureuse, il s’intéressait personnellement aux gens tout en restant professionnel.

À l’époque, il était encore responsable des projets de la DVV en Amérique latine, et il me promit de reprendre contact avec moi lors de son prochain voyage en Colombie. Heureusement pour moi, il tint sa promesse: c’est grâce à ces contacts que j’ai commencé à travailler pour la DVV, d’abord en Colombie, puis à la centrale de Bonn où je suis resté toute la durée de ma carrière professionnelle.

Cher Heribert,
J'ai été profondément affl igée d'apprendre cette triste nouvelle concernant Jakob, mon vieil ami, mon maître.
Pendant de nombreuses années, avant et durant celles passées au CIEA, c'est à Jakob que je
m'adressais pour recevoir des conseils avisés et toujours réconfortants. Et de nombreuses façons, il incarnait tout ce qu'il y a de meilleur et de durable dans le monde de l'éducation des adultes. Je vous prie de bien vouloir transmettre mes condoléances à sa famille et bien sûr aussi à toute la DVV pour qui sa disparition marque véritablement la fi n d'une époque.
J'espère que cette lettre vous trouvera en bonne santé.

Bien à vous.
Lalita Ramdas, Inde

Cher Heribert,
Je vous prie d'accepter mes condoléances pour le décès de Jakob Horn et de bien vouloir les transmettre à tout l'Institut de coopération internationale de la DVV. Je souhaite en même temps exprimer ma gratitude pour la grande part qu'il a prise dans les activités et le développement de l'éducation des adultes non seulement en Allemagne, mais aussi dans le monde entier. L'Ouganda a beaucoup profi té des activités de l'Institut durant les années
sous sa direction.

Anthony Okech, département d'éducation des adultes et de communication de l'université Makerere en Ouganda.

Visite de projet en Colombie, entretiens à Bogotá avec l’ambassade, le ministère de l’Éducation et nos partenaires. Jakob et moi étions descendus à l’hôtel Bacatá, adresse correcte mais loin d’être un palace pour ministres et visiteurs de projets. Partir en mission en business class et descendre dans des hôtels de luxe n’a jamais été le style de Jakob. Je me souviens encore comme il se moquait d’un expert qui avait payé de sa poche un supplément première classe pour se faire valoir auprès de ses partenaires. Lorsque je rentrai à l’hôtel, je rencontrai Jakob en bas, dans la rue: d’excellente humeur, il était en train de faire cirer ses chaussures, en grande conversation avec un vendeur ambulant d’émeraudes soi-disant véritables à qui il faisait comprendre qu’il savait fort bien qu’il vendait de la camelote; mais il prenait la chose avec humour en argumentant que chacun doit trouver moyen de se dé brouiller. Il n’a jamais eu d’appréhension vis-à-vis de personnes de couches sociales ou de niveau d’instruction différents, et je le vois encore discuter avec enthousiasme avec des participants à des formations dans les villages et les bidonvilles.

Vol à destination de Ban gkok à l’occasion de la Confé rence mondiale du Conseil international de l’éducation des Adultes (CIEA). L’appareil est rempli à moitié de touristes en majorité masculins. Juste devant nous, un groupe de Basse-Bavière. Jakob s’en gage dans une conversation accompagnée d’une série de questions sur leurs projets de vacances avec intonation bavaroise (qu’il n’a jamais vraiment maîtrisée, car son allemand était plutôt marqué par sa scolarité à Graz) et tutoiements. Je ne crois vraiment pas qu’il ait voulu leur donner mauvaise conscience ou laisser au moins percer certains doutes. Je crois plutôt qu’il était curieux de savoir ce qui incite un groupe de gens simples de Basse-Bavière à partir en voyage dans un pays lointain et exotique. Pour moi en tant qu’observateur, la manière dont Jakob parvenait à converser avec des gens parfaitement inconnus, qu’ils fussent médecins, touristes, ministres ou paysannes, m’a toujours fortement impressionné.

Inscription des participants à l’assem blée mondiale du CIEA. Un grouillement de gens du monde entier. Cris de joie. Jakob tombe dans les bras d’un grand Noir soudanais et lui lance, probablement en arabe «Fantasía Arabia». Éclat de rire général, et surtout de la part de ces deux hommes qui viennent de se revoir. À l’occasion des formations qu’il avait organisées dans les années 70 dans divers pays africains (entre autres un cours de sérigraphie avec technique appropriée présenté dans ce volume), il s’était fait des amis pour la vie.

Visite à l’ambassade d’Allemagne. Nous attendons d’être reçus par l’ambassa deur. Dans le couloir, nous entendons malgré nous un membre du personnel sous contrat local s’enquérir du cours actuel du dollar auprès d’un employé de l’ambas sade. Jakob s’adresse énergiquement à l’employé et lui demande si l’ambassade se mêle de changer de l’argent à titre privé. L’employé acquiesce l’air contrit, et Jakob en profite pour lui donner une leçon sur ses devoirs et l’obligation de respecter les lois du pays, qu’il devrait avoir en tête. Lorsqu’il voyait du personnel à l’étranger faire de petits profits, par exemple changer de l’argent à titre privé ou importer des chocolats et des alcools hors taxe, Jakob était extrêmement intransigeant. Il ne fermait pas les yeux devant la réalité et les coutumes, mais n’appréciait pas pour autant que les étrangers vivant dans des pays en développement aient d’autres privilèges que ceux dont ils jouissaient déjà. C’était incompatible avec son sens de la justice sociale.

Visite au ministère de l’Éducation, entretien avec le responsable de la coopéra tion internationale. Il y a différentes manières de voir les choses. Jakob, qui d’habi tude parle de tout avec tout le monde en espagnol, parle cette fois-ci en allemand et fait traduire phrase par phrase. Il dégage à la fois une impression de rigueur et de précision. Plus sérieux que jamais, il défend scrupuleusement la position de la DVV. Il n’en reste pas moins poli, l’atmosphère se détend, le soulagement général se fait sentir, on se remet à rire et Jakob se remet à parler espagnol.

Jakob a toujours pu communiquer avec tout le monde, même lorsque ses connaissances linguistiques étaient insuffisantes. La langue, a dit un jour un de ses collègues, n’a jamais été un obstacle pour lui, mais plutôt un défi demandant de la créativité. En revanche, il connaissait parfaitement les limites de la communication informelle, et savait quand elle était opportune ou non.

Jakob Horn with colleagues from Bonn and Lim Hoy Pick from Singapore

Jakob Horn avec des collègues de Bonn et Lim Hoy Pick de Singapour

Source: DVV International

 

Jakob ne cachait jamais ses opinions en cas de sujets délicats, il les défendait toujours clairement. J’ai souvent assisté à des entretiens avec des interlocuteurs dont il trouvait les opinions idiotes ou mal informées. D’une certaine manière, il a toujours su éviter de contrarier les gens par son côté humain, son intérêt et son respect pour les personnes. Je me souviens très bien de ce dîner dans un restaurant de Sofia, auquel participait un Allemand d’ex-RDA dont Jakob avait qualifié les remarques de fadaises opportunistes. Ils ont terminé la soirée en bons copains avec force accolades affectueuses. Par contre, j’ai souvenir d’un entretien plus délicat avec un membre de l'ambassade d'Israël à Bonn, à qui Jakob ne cachait pas sa critique envers la politique d'Israël en Palestine. Si la visite ne s'est pas terminée par un scandale, c'est grâce à la profonde connaissance de l'État d'Israël et de l'histoire du mouvement juif de Jakob, qui s'est comporté en interlocuteur crédible; c'est aussi grâce aux nombreuses relations d'amitié qu'il avait nouées avec ses partenaires israéliens pendant ses études à Berlin et qu'il a entretenues jusqu'à sa mort.

L'une des plus grandes qualités de Jakob Horn, peut-être même la plus grande de toutes, était sa fiabilité. Il ne manquait jamais un rendez-vous, respectait ce qui avait été convenu, apportait son soutien si nécessaire. Je donnerai ici encore un exemple de mes années malheureusement un peu difficiles en Colombie: je m'étais absenté pour quelques semaines et mon partenaire, du gouvernement du Departament Santander, avait trouvé le moment opportun pour se saisir des équipements de notre bureau à Bucaramanga. Si bien qu'il y avait envoyé des gens qui avaient commencé à sortir les meubles, alléguant qu'ils devaient être transférés. Ma femme, enceinte de sept mois à l'époque, travaillait dans le projet comme comptable sous contrat local et s'est vue soudain obligée de défendre les intérêts de la DVV sans autorité formelle, et de mettre fin à ces grossiers débordements. Jakob lui a donné tout le soutien formel et moral dont elle a eu besoin. Il lui a fait prendre un avocat, lui a conseillé de faire des procès-verbaux juridiquement valables des incidents, a envoyé le directeur du projet voisin à Santander et surtout a pris le temps, chaque soir, après la journée de travail en Colombie, c'est-à-dire pour lui à une ou deux heures du matin en Allemagne, de discuter de la situation avec ma femme, de lui donner des conseils et le plus important peut-être, de la consoler. On pouvait compter sur son soutien et sa solidarité.

Entretiens à la DVV. Les auditeurs du ministère de la Coopération économique et du Développement sont là. Jakob les accueille avec notre directrice administrative. En fait, ce n'est pas un entretien à proprement parler. Il bavarde, raconte des anecdotes, complimente le ministère, cite des noms, fait l'éloge du travail d'audit, évoque de temps en temps un projet en situation difficile et demande d'avoir un peu de compréhension, raconte une autre anecdote ou ravive un souvenir commun. Les auditeurs connaissent déjà le manège et se montrent toujours bienveillants. Ils apprécient le soutien sans réserve que l'Institut accorde à leur travail. Jakob a toujours réitéré qu'il ne considérait pas les auditeurs comme des contrôleurs gênants, mais comme des partenaires constructifs. Le personnel est entièrement à leur disposition, les dossiers de décomptes et de correspondance ont été apportés dans la salle de réunion, exclusivement réservée aux auditeurs pendant ces quelques jours. Toutes les questions sont clarifiées du mieux possible et lors de la réunion finale, les erreurs sont reconnues dans la mesure où elles ne peuvent pas être corrigées. Rien n'est dissimulé, on ne tourne jamais autour des problèmes, la critique et les corrections sont acceptées. Mais elles sont rares.

La confiance a toujours été le fondement des rapports entre Jakob et ses collaborateurs, à qui il laissait une grande liberté d'action dans leur travail. L'esprit d'initiative était toujours le bienvenu, les propositions rarement rejetées. Mais s'il avait une raison réelle d'émettre une critique ou de faire une correction, il n'avait jamais recours aux instruments de droit du travail usuels, avertissements et autres admonestations devant être compilés dans le dossier personnel de l'employé. Il n'avait pas grande estime pour ce genre de mesures disciplinaires et préférait «l'entretien administratif individuel» ou encore la «lettre administrative à forme personnelle», non destinée au dossier, mais néanmoins au message clair et généralement efficace. Si l'on jouissait de sa confiance, on pouvait être sûr de son soutien inconditionnel, ainsi que j'ai pu le constater moi-même dans une situation critique.

Dans le projet que je dirigeais à Santander, en Colombie, il y eut une phase de conflits intenses entre moi-même et ma partenaire de projet, la directrice du département d'éducation des adultes du secrétariat départemental de l'Éducation. Il était convenu que ces problèmes seraient résolus lors de la prochaine visite de Jakob. Je l'avais informé en détail de l'évolution de la situation et tenu au courant de tout. Nous n'entrerons pas ici dans les détails. Ce qui m'importe avant tout, c'est de montrer la solidarité absolue dont m'a témoigné Jakob, la façon dont il a soutenu mon argumentation et mes propositions, mais avant tout la confiance en ma personne, qu'il n'a jamais remise un seul moment en question pendant son séjour en Colombie, ni en ma présence, ni en présence de ses interlocuteurs. Je me souviens très exactement de la minutie avec laquelle nous avons préparé les entretiens avec les Colombiens, de la manière dont nous avons analysé les argumentations et répété des négociations dans lesquelles je jouais le rôle du partenaire. Plus tard, il a mené les négociations sur un ton aimable tout en restant ferme sur ses positions, et nous avons pu trouver une solution conjointe avec les autorités du département.

Mais je garde surtout en mémoire la manière dont Jakob s'occupait personnellement de ses collaborateurs, qui dépassait largement les relations de travail. Nombreux sont celles et ceux qui ont quelque chose à dire à ce sujet: par exemple l'employée allemande qui travaillait dans un projet sous contrat local et a du rentrer en Allemagne après vingt ans à l'étranger; il trouva pour elle un emploi au bureau, lui assurant une sécurité totale jusqu'à sa retraite; ou l'épouse latino-américaine d'un collaborateur tombée gravement malade très jeune, pour laquelle il organisa un séjour en Allemagne où elle put faire faire des examens et se faire soigner dans une clinique spécialisée; ou bien le fils d'une partenaire africaine qui souhaitait étudier en Allemagne: Jakob et sa femme l'accueillaient chez eux pendant les fins de semaines et étaient toujours présents lorsqu'il avait besoin d'un conseil ou d'une aide; ou encore la fille d'un ami latino-américain qu'il aida à faire des études en Allemagne après l'accident mortel de son père; et bien d'autres encore. Jakob était toujours à l'écoute de ses collaborateurs et de ses amis, il s'intéressait toujours à leurs problèmes privés et les aidait à les résoudre. J'aimerais citer ici un exemple personnel: il y a des années, j'étais allé à Hambourg rendre visite à ma mère, déjà malade, pour son anniversaire, quand Jakob téléphona sans crier gare. Il avait entendu dire qu'elle avait son anniversaire le même jour que lui et s'en était souvenu. Il lui présenta ses vœux, s'enquit de sa santé et fit un brin de causette, chose qu'il maîtrisait à la perfection. Sa technique consistait à parler très ouvertement d'un événement quelconque et à donner à son auditoire le sentiment d'être personnellement impliqué, de connaître le nom des personnes dont il était question, et à le mettre en confiance. Il arrivait toujours à trouver un sujet de conversation à partir du métier, du lieu où habitaient ses interlocuteurs, ou de leur origine. Ma mère, très impressionnée par l'attention manifestée par le chef de son fils, avait été ragaillardie pour le reste de la journée. Depuis ce jour et jusqu'à sa mort, il n'oublia pas une seule fois de l'appeler pour son anniversaire

The young Jakob Horn and his staff

Le jeune Jakob Horn et son équipe
Source: DVV International

Jakob n'était pas de ces théoriciens qui consignent par écrit leurs pensées et leurs idées avec une précision de scientifiques. Il ne s'est distingué ni par des essais, ni par des documentations ou des analyses. C'est plutôt en tant que conteur d'histoires qu'il restera gravé dans nos mémoires. La communication orale était sa force. Il avait la passion du téléphone et parvenait toujours à détendre l'atmosphère par des remarques et des observations personnelles. Il était capable de téléphoner avec l'ancien secrétaire général de la CDU et nous racontait ensuite qu'ils avaient bien ri parce que ni l'un ni l'autre ne s'en sortait avec les innombrables boutons des téléphones modernes. Il cherchait le contact personnel, à l'Institut, mais aussi au dehors. Il ne s'est jamais rendu au ministère pour une affaire sans aller faire un tour dans les différents services et saluer les personnes qui avaient travaillé avec l'Institut ou seraient appelées à retravailler avec lui. Il était connu et apprécié dans les organisations de coopération internationale qui croisaient son chemin, dans les organismes travaillant dans le domaine de la «structure sociale», les fondations politiques et les églises, et à la GTZ, que la DVV rencontrait sans cesse dans les groupes de travail, notamment dans le groupe de travail «Éducation de base».

Il aimait avoir de la visite. Cela répondait à son besoin de connaître des gens nouveaux et de s'informer. Jakob profitait de ce genre d'occasions pour nouer de nouveaux contacts et trouver des formes de coopération communes, qu'il fallait vérifier après les entretiens et auxquelles nous devions éventuellement donner suite. Il faisait souvent participer d'autres collaborateurs de notre Institut à ces visites. Je me souviens encore très bien de la visite de l'écrivain polonais Andrzej Szczypiorski venu demander de l'aide pour une initiative de formation d'adultes dans la ville de Kalisz, ou des diverses visites du Comte Krockow, venu demander à la DVV de travailler en partenariat avec lui pour créer un centre de rencontres germanopolonais dans l'ancien domaine de sa famille en Poméranie. Et je me souviens que ces deux visites avaient été couronnées de succès.

Cher Heribert, chers Amis,
Comme nous tous en Hongrie, j'ai perdu une personne de grande envergure. La lettre d'Elin
m'est parvenue ce matin. Les mots me manquent, car les mots sont faibles. J'ai besoin de quelques jours et j'ai besoin de parler avec des gens. Une chose est toutefois certaine: nous lui réserverons un chapitre spécial dans notre prochain numéro de MNT et organiserons probablement une réunion en mémoire de ses accomplissements en Hongrie. Veuillez me contacter si vous projetez vous-même quelque chose. Je vais maintenant écrire uniquement une lettre à Elin, et rien d'autre.

Les mots me manquent.
Recevez tous mes meilleures salutations.
Janos Sz. Toth
Bon ami hongrois et collègue de Jakob

Jakob a travaillé pratiquement vingt ans à l'Institut, la majorité du temps en tant que directeur. C'est sous sa direction que l'ancien Bureau, composé d'une poignée de collaborateurs, était devenu un Institut employant plus de cent personnes en Allemagne et à l'étranger. Il avait reconnu les signes annonciateurs du changement et avait prévu, avec le ministère de la Coopération et du Développement, la réalisation de projets de coopération dans les pays d'Europe centrale et de l'Est après l'ouverture du rideau de fer. Nos premières antennes devaient être ouvertes en Pologne et en Hongrie. Je me souviens encore comme j'ai été étonné qu'il me demande ce que je pensais de l'idée de diriger lui-même le programme hongrois. J'identifiais tellement Jakob au rôle de directeur de l'Institut que j'ai tout d'abord eu du mal à me l'imaginer à un autre poste, et à m'imaginer l'Institut de Bonn sans lui.

Mais tout bien pensé, je n'ai plus eu de doute: Jakob connaissait bien les Hongrois, d'autant qu'il avait grandi avec eux à Batchka. Il avait de bons contacts en Hongrie, sporadiques certes, mais d'autant plus précieux qu'ils dataient de l'époque qui avait précédé le changement: des visites de délégations entre la Société hongroise de dissémination du savoir, TIT, riche de tradition, et la DVV. Il connaissait à fond le secteur de l'éducation des adultes en Allemagne, notamment les universités populaires, et ce genre de connaissances étaient très demandées en Hongrie. Il a pu aider à mettre sur pied de nombreux partenariats avec les universités populaires allemandes. Son charme lui a valu beaucoup de succès en Hongrie, il a vite été connu et apprécié de tous. Il est parvenu à coopérer avec des organisations concurrentes et méfiantes les unes envers les autres, fussent-elles publiques, officieuses ou nées de l'opposition, en les invitant autour d'une même table. Il surmontait les problèmes linguistiques avec sa chaleur naturelle, ainsi que le montrent les missions qu'il effectuait en Hongrie avec le chauffeur du projet, un Hongrois qui ne parlait ni allemand, ni anglais. Jakob, lui, ne parlait le hongrois que par bribes qui remontaient à son enfance, mais ils s'entendaient à merveille, riaient beaucoup et se sentaient liés par une profonde amitié. Une fois de plus, il s'est montré capable de communiquer avec tout le monde, indépendamment du rang social. Lorsqu'il est revenu en Allemagne quatre ans après décoré de l'Ordre «Pro Cultura Hungarica», il a dû quitter un grand cercle d'amis et de partenaires à qui il a longtemps manqué. Il a entretenu des contacts privés avec ses proches collaborateurs et ses amis jusqu'à sa mort.

Jakob a cessé ses activités avec une grande mélancolie, mais c'est néanmoins avec beaucoup de joie qu'il a entamé sa retraite. L'évolution de la gestion de pro-jets moderne lui aurait certainement causé des problèmes. Il n'avait, par exemple, nullement été contrarié lorsqu'au Mexique, les femmes avaient profité d'une visite d'évaluation de leur projet d'élevage de volailles pour servir à leurs hôtes des poulets rôtis et faire la fête avec eux, plutôt que de faire des calculs coûts-profits et laisser les invités manger seuls une fois l'évaluation terminée. Il savait que la convivialité et les contacts peuvent avoir autant d'importance que les résultats chiffrés. Il accordait beaucoup plus d'importance à l'autonomie des groupes cibles qu'aux besoins constants de procédures de planification, d'indicateurs d'efficience ou d'assurance-qualité.

Il n'était pas difficile de partager ses idées sur les priorités de notre travail et de l'Institut. Ses propositions et ses décisions respectaient toujours les directives de l'Institut, qui dictent l'engagement en faveur des pauvres, mettent en exergue la mission émancipatrice de l'éducation des adultes, et prônent le respect du partenaire et de ses éventuelles susceptibilités. Il estimait plus important de se comporter avec modestie, de mettre en valeur les performances du partenaire et non les siennes, de se faire respecter et apprécier de ses partenaires et de ses collègues, que de se faire valoir soi-même comme c'est de coutume aujourd'hui. Ce fut un privilège de travailler presque vingt ans avec lui.

Avec sa chaleur humaine et sa connaissance de l'être humain, avec son charme, sa capacité de communication qui n'avait absolument rien d'élitiste ni d'arrogant, avec son sérieux et sa fiabilité, son sens de la justice sociale et son engagement, avec son tact pour ce qui se fait et ne se fait pas, sa grande connaissance de la situation actuelle et de l'histoire des pays dans lesquels nous travaillions, avec sa mémoire des personnes et des événements, sa crédibilité, son style de gestion démocratique, son charisme, bref, de toute sa personne, Jakob a préparé le terrain pour ce qu'est l'Institut aujourd'hui. Pour nous tous, c'est une raison de lui vouer toute notre gratitude.

 

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