Rosa María Torres a participé au Forum de Dakar sur «L’Éducation pour tous» et a déjà écrit de nombreux articles pour notre revue; elle fait ici une analyse critique du déroulement et des résultats du Forum mondial sur l’Éducation et des évolutions depuis Jomtien, il y a dix ans. Rosa María Torres est spécialiste en éducation de base; elle réside actuellement en Argentine et travaille à son compte en tant que conseillère éducative internationale auprès des gouvernements, des organismes internationaux, des ONG et des organisations d’enseignants. Elle est l’auteur de nombreux livres et articles sur l’éducation de base, la formation des enseignants et la réforme de l’Éducation.
Beaucoup de gens s’interrogent sur ce qui a bien pu se passer à Dakar. Le grand public est peu informé sur le Forum mondial sur l’éducation, qui s’est tenu à Dakar (Sénégal) du 26 au 28 avril 2000.2 Cette manifestation n’a en effet guère eu d’écho dans la presse, si l’on excepte les quelques articles parus dans les journaux des pays qui avaient envoyé des journalistes pour couvrir l’événement; et le lecteur de ces articles pouvait se demander la plupart du temps pourquoi on avait pris la peine d’envoyer quelqu’un en Afrique pendant une semaine puisque le propriétaire du journal en avait manifestement dicté lui-même le contenu: simples descriptions, anecdotes et récits de voyage au lieu de rapports substantiels, de comptes rendus analytiques dévoilant les dessous du monde de l’éducation, le réseau complexe de relations, les rapports de pouvoir, les conflits, les intérêts en jeu et les tactiques utilisées, qui sont au cœur d’un tel événement.
Le Forum avait pour but de présenter les résultats globaux de l’évaluation de la Décennie de «l’Éducation pour tous» (EPT) lancée à Jomtien, Thaïlande, en mars 1990 et d’adopter un nouveau Cadre d’Action, essentiellement en vue de continuer la tâche. Il le fallait, car il était apparu à mi-parcours déjà de la décennie que les six objectifs fixés à Jomtien pour l’année 2000 ne seraient pas atteints. Le Cadre d’Action adopté à Dakar a «réaffirmé» pour l’essentiel la vision et les objectifs fixés à Jomtien, le délai pour les atteindre ayant été prolongé de 15 ans, soit 2015. Pourquoi 15? Personne n’est capable de donner une réponse scientifique à cette question ou même une raison logique.
Cette manifestation était organisée par le Forum consultatif international sur l’éducation pour tous (le Forum EPT), organe créé en 1991 pour coordonner l’EPT et composé de représentants des cinq agences internationales qui avaient lancé l’initiative, soit l’UNESCO, l’UNICEF, le PNUD, le FNUAP et la Banque mondiale, d’organismes de la coopération bilatérale, de gouvernements, d’ONG et de quelques experts.
Plus d’un millier de personnes représentant les gouvernements, la société civile et les organismes internationaux ont participé au Forum. Ce qui sautait aux yeux (et fut noté avec déplaisir par un certain nombre de délégations nationales) était l’arrogante présence d’importantes personnalités d’agences internationales à la conférence, tant aux séances plénières que dans les diverses tables rondes et commissions, en particulier les deux plus importantes, le comité de rédaction et un groupe appelé «groupe du futur», chargé de faire des suggestions sur les mécanismes de suivi des engagements pris par le Forum d’ici à 2015.
Comme le Forum se tenait en Afrique, on notait la présence d’un grand nombre de participants africains et, dans une moindre mesure, d’Asie. La participation de l’Amérique latine était très restreinte et encore entravée par le fait, qu’il n’y avait pas d’interprétation espagnole, sauf dans les séances plénières.3 Les différences entre les pays étaient aussi frappantes: des délégations nombreuses et des délégations d’une seule personne, des délégations conduites par des ministres ou de hauts fonctionnaires et des délégations composées de fonctionnaires subalternes; des délégations exclusivement administratives et d’autres auxquelles les gouvernements avaient eu le bon sens d’intégrer des membres d’ONG, des universitaires, des experts et même des syndicalistes.
Le Forum dura trois jours. Le programme se divisait en séances plénières (thèmes généraux de politique éducative) et en sessions de stratégie (questions opérationnelles clés) liées au thème de chaque plénière. On trouvera dans l’encadré A une liste des thèmes débattus dans les différentes formes de session, car le programme d’une manifestation en dit long sur ses objectifs et ses intentions (la sélection, l’organisation et la définition des priorités de ses contenus et les méthodes proposées). Le Forum s’est achevé, au cours de la cérémonie de clôture, sur l’adoption des engagements, avec des débats et les «voix du terrain» comme c’est l’usage à la fin de manifestations de ce genre: déclarations d’éducateurs et d’apprenants en provenance de l’Afrique, des États arabes, de l’Europe et de l’Amérique latine.
Encadré A: Programme: questions abordées lors du Forum mondial sur l’éducation
Séances plénières: I. Améliorer la qualité et l’égalité de l’éducation de base Sous-plénières (au sein des séances de stratégie):
Séances de stratégie:
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On doit préciser que Dakar n’hébergea pas seulement une mais deux manifestations internationales consacrées à l’EPT: le Forum mondial, c’est-à-dire la manifestation «gouvernementale», «officielle» et la Consultation officielle des ONG (24–25 avril), l’événement «alternatif» s’étant tenu immédiatement auparavant. La manifestation ONG était organisée par la «Consultation collective des ONG sur l’Alphabétisation et l’Éducation pour Tous»4ýet le Comité de liaison des ONG-UNESCO. OXFAM et ActionAid, deux ONG internationales participant à cette Consultation collective, lancèrent en 1999 la «Campagne Mondiale pour l’Éducation» et furent rejointes plus tard par l’Internationale de l’Éducatioý (IE), l’association mondiale des éducateurs. Cette campagne, critique à l’égard du travail du mouvement EPT, poursuivit son propre Plan d’Action Global pour mener à bien l’EPT. Quelques-uns uns des participants à la Conférence des ONG participèrent également à la conférence officielle, certains d’entre eux y occupant même des fonctions importantes.
Beaucoup de bruit pour rien
En réalité, il ne s’est pas passé grand chose à Dakar. Ce fut une manifestation sans perspective et sans brio, massive et coûteuse, dotée d’une logistique complexe, sans surprise et au résultat connu d’avance, comme c’est toujours le cas dans les manifestations qui consistent essentiellement à discuter et à approuver des documents préparés à l’avance, qui ont fait l’objet de différents projets et ont été largement discutés. Le débat ne porte plus que sur la forme et non sur le contenu: substituer un mot à un autre, supprimer ou ajouter des mots, déplacer des paragraphes ou souligner une idée particulière. Il arrive souvent qu’on crie victoire quand on a réussi à faire «insérer» quelque part de nouvelles phrases ou de nouveaux paragraphes sur un point que l’on estime important, soit qu’il exprime son point de vue, soit qu’il concerne son propre champ d’intérêt: éducation des filles, conservation des ressources, remise de la dette, éveil de la petite enfance, enfants de la rue, abolition du travail des enfants, perspective de genre, prévention du VIH/SIDA, groupes autochtones, coopération Sud-Sud, formation des enseignants, participation communautaire, lutte contre la pauvreté, etc. Le tout aboutit à des documents qui tranquillisent et incluent tout un chacun, mais ne représentent ni ne satisfont personne en particulier. Voilà comment sont élaborés les documents internationaux et les déclarations internationales de rigueur, qui se limitent à des généralités, débitent toujours les mêmes lieux communs, privilégiant le vague et l’ambiguïté et créant l’illusion d’idéaux partagés, de consensus et d’engagement.
Ce fut, comme on l’a déjà dit plus haut, une manifestation qui n’apporta pas grand chose de nouveau. Les résultats de l’évaluation de la Décennie furent sans surprise: ils étaient connus dans leurs grandes lignes dès avant Dakar (voir un résumé des résultats dans les encadrés B et C). Le processus d’évaluation fut initié à la mi-1998 avec les rapports nationaux dressés par les gouvernements de chaque pays (sur la base de 18 indicateurs fixés par le Forum EPT); ceux-ci furent intégrés à des rapports régionaux présentés et débattus dans le cadre de conférences régionales.5 Une conférence spéciale se tint également à Recife, Brésil, en février 2000 pour évaluer «L’Initiative des neuf pays à forte population» (Bangladesh, Brésil, Chine, Égypte, Inde, Indonésie, Mexique, Nigeria et Pakistan), un sous-programme lancé en 1993 par les mêmes organismes internationaux dans le cadre de l’EPT.
Ce processus a été documenté au fur et à mesure par des publications variées et les pages Web du Forum EPT, de l’UNESCO et des autres organisations internationales associées. Certains rapports nationaux et régionaux de fin de décennie ont été publiés sur le Web. Alors que les rapports nationaux ont généralement été rédigés dans des bureaux administratifs au sein des cercles fermés de petits groupes de spécialistes et de consultants travaillant contre la montre sans participation ni consultation sociale, toute personne instruite et intéressée ayant accès à l’Internet pouvait constater dès avant le Forum de Dakar que les objectifs n’avaient été atteints ni à l’échelon mondial ni national et prendre connaissance de ces rapports.
Encadré B: 1990–2000: Quelques données comparatives
| 1990 (Jomtien) | 2000 (Dakar) |
Dépense par élève exprimée en pourcentage du produit national brut (PNB) par habitant | Entre 6% et 19% | Entre 8% et 20% (1998) |
Enfants inscrits dans des programmes d’éveil de la petite enfance (0 à 6 ans) | 99 millions | 104 millions (sur un total de plus de 800 millions) |
Enfants scolarisés | 599 millions | 681 millions (44 millions de cette augmentation étant des filles) |
Enfants non scolarisés | 106 millions | 117 millions (60% de filles) |
Adultes analphabètes | 895 millions | 880 millions (60% de femmes) |
Taux d’analphabètes adultes | 75% | 80% (85% d’hommes, 74% de femmes) |
Sources:
-WCEFA (Inter-Agency Commission World Conference on Education for All), Final Report, World Conference on Education for All (Jomtien, Thailand, 5-9 March 1990), New York: UNICEF, 1990.
-EPT FORUM, Statistical Document, World Education Forum (Dakar, 26-28 April 2000), Paris: UNESCO, 2000.
Encadré C: Quelques données tirées du rapport d’évaluation finale de fin de la décennie
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Sources:
- FORUM EPT, Statistical Document, World Education Forum (Dakar, 26-28 avril 2000), Paris: UNESCO, 2000.
-Countdown, N° 21, UNESCO, Paris (juin-août 2000).
De même, on ne trouve rien de nouveau dans le Cadre d’Action. La proposition de prolonger le délai jusqu’à 2015 avait été mise en avant dans les bulletins EPT. Les six objectifs adoptés à Dakar sont pour l’essentiel une simple ratification de ceux convenus à Jomtien bien qu’avec quelques changements de contenu et de forme qui méritent d’être notés (voir encadré D): désormais, on affirme que l’éducation est un droit6 et déclare spécifiquement que l’école primaire doit être gratuite, obligatoire et de bonne qualité; on rappelle que les résultats de l’éducation doivent être visibles et mesurables; on insiste tout particulièrement sur l’élimination de l’inégalité des genres dans l’éducation primaire et secondaire avec une référence particulière aux filles;7 et on demande que l’éducation des adultes soit pleinement intégrée dans les systèmes d’éducation nationaux.
On ne doit pas oublier que Dakar a étendu considérablement la «vision élargie» de l’éducation de base adoptée à Jomtien: l’EPT était censée répondre aux besoins éducatifs fondamentaux de tous – enfants, adolescents et adultes – au sein du système d’éducation formel. Néanmoins, pendant la décennie, ce «tous» se rétrécit visiblement, tout comme les contextes et les niveaux de satisfaction des besoins d’apprentissage en question.8 La «focalisation sur la pauvreté» (pas sur les pauvres, mais sur les plus pauvres d’entre les pauvres puisque les pauvres forment la majorité et que leur nombre s’accroît mondialement), combinée à la focalisation sur l’enfance, et, dans ce cadre, aux filles, impliquait que l’Éducation pour tous se concentrât sur un programme mondial d’éducation de base des filles les plus pauvres. En revanche, alors qu’à Jomtien, la notion d’éducation de base avait encore le potentiel d’inclure l’éducation secondaire (objectif 2: «universalisation de ... l’éducation de base (ou de tout autre niveau d’éducation plus élevé considéré comme «fondamental» d’ici à l’an 2000), primaire (ou de tout autre niveau d’éducation plus élevé considéré comme «fondamental»), à Dakar, la limite supérieure est clairement l’école primaire, même si la question de l’égalité des genres s’étend au champ de l’éducation secondaire.
Encadré D: LES OBJECTIFS DE JOMTIEN ET DE DAKAR
1990-2000: JOMTIEN | 2000-2015: DAKAR |
1. Expansion des activités de protection et d’éveil de la petite enfance, y compris les interventions au niveau de la famille ou de la communauté, particulièrement en faveur des enfants pauvres, défavorisés et handicapés. | 1. Développer et améliorer sous tous leurs aspects la protection et l’éducation de la petite enfance, et notamment des enfants les plus vulnérables et défavorisés. |
2. Universalisation de l’éducation de base (ou de tout autre niveau d’éducation plus élevé considéré comme «fondamental» d’ici à l’an 2000), pour ce qui est non seulement de l’accès à ce cycle d’études mais aussi de son achèvement. | 2. Faire en sorte que d’ici à 2015 tous les enfants, notamment les filles, les enfants en difficulté et ceux appartenant à des minorités ethniques, aient la possibilité d’accéder à un enseignement primaire obligatoire et gratuit de qualité et de le suivre jusqu’à son terme. |
3. Amélioration des résultats de l’apprentissage telle qu’un pourcentage convenu d’une classe d’âge déterminée (p. ex. 80% des jeunes de 14 ans) atteigne ou dépasse un certain niveau d’acquisitions jugé nécessaire. | 3. Répondre aux besoins éducatifs de tous les jeunes et de tous les adultes en assurant un accès équitable à des programmes adéquats ayant pour objet l’acquisition de connaissances ainsi que de compétences nécessaires dans la vie courante. |
4. Réduction du taux d’analphabétisme des adultes (le groupe d’âge à prendre en considération étant fixé par chaque pays), par exemple à la moitié de son niveau de 1990 en l’an 2000, en mettant suffisamment l’accent sur l’alphabétisation des femmes pour réduire de façon significative la disparité actuelle entre les taux d’alphabétisme masculin et féminin. | 4. Améliorer de 50% les niveaux d’alphabétisation des adultes, et notamment des femmes, et assurer à tous les adultes un accès équitable aux programmes d’éducation de base et d’éducation permanente |
5. Expansion des services d’éducation fondamentale et des formations à d’autres compétences essentielles, destinés aux jeunes et aux adultes, l’efficience des programmes étant évaluée en termes de changements de comportement et d’impacts sur la santé, l’emploi et la productivité.9 | 5. Eliminer les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire d’ici à 2005 et instaurer l’égalité des sexes dans ce domaine en 2015 en veillant notamment à assurer aux filles un accès équitable et sans restriction à une éducation de base de qualité avec les mêmes chances de réussite. |
6. Acquisition accrue par les individus et les familles- et rendue disponible par tous les canaux éducationnels, y compris les médias de masse et les autres formes de communication modernes et traditionnelles et l’action sociale – des connaissances, compétences et valeurs nécessaires à une vie meilleure et un développement rationnel et durable, l’efficacité de ces interventions étant appréciée en fonction de la modification des comportements. | 6. Améliorer sous tous ses aspects la qualité de l’éducation dans un souci d’excellence de façon à obtenir pour tous des résultats d’apprentissage reconnus et quantifiables – notamment en ce qui concerne la lecture, l’écriture et le calcul et les compétences indispensables de la vie courante. |
Une marque d’approbation des gouvernements pour l’UNESCO – pour une nouvelle UNESCO
La plus grande surprise, le moment le plus intense et la plus grande source de litige de la conférence a été probablement la réaction de certains pays à la proposition présentée par le Groupe du Futur pour la coordination de la mise en œuvre de cette deuxième phase de l’EPT (2000-2015). La proposition confiait la coordination du suivi à une nouvelle organisation spéciale à mettre en place par les organismes internationaux qui parrainaient l’EPT et par des représentants des gouvernements et de la société civile. Le qui et le comment de ce suivi ont fait l’objet de vifs débats entre les agences internationales sur la voie de Dakar, et l’une des questions confiées au groupe du futur pendant la préparation du Forum. Le mécanisme avait été expressément mis en place pour éviter que l’UNESCO soit chargée de la coordination mondiale de Dakar+15. «Une part des critiques porte sur le fait que l’UNESCO n’a pas accordé assez d’importance à l’Éducation pour Tous»l avait déclaré la veille John Longmore, fonctionnaire des Nations-Unies et coordinateur du groupe du futur.10
Toutefois, un grand nombre de porte-parole de délégations gouvernementales d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie rejetèrent le mécanisme proposé en termes fermes et même vifs et réclamèrent que la conduite de l’EPT fût assumée par l’UNESCO en tant qu’organisation spécialiste de l’éducation au sein du système des Nations Unies. Mais les porte-parole insistèrent tout autant pour que la tâche fût assumée non par la présente UNESCO mais par une UNESCO restructurée.
Cette évolution surprit tout le monde, y compris l’UNESCO, à la fois honorée et inquiète de la responsabilité et des implications de cette mission. Le groupe du futur dut siéger en session supplémentaire ad hoc pour amender sa proposition.11 Lors de la cérémonie de clôture, le Directeur de l’UNESCO, Koïchiro Matsuura, prit l’engagement de procéder au recentrage de son organisation. Cela implique bien sûr une réforme majeure urgente, dont ne dépend pas seulement la possibilité de redonner de l’élan à l’engagement renouvelé à l’EPT, mais la survie de l’organisation elle-même.12
De Jomtien à Dakar: contrastes inévitables
La différence entre les conférences de Jomtien et de Dakar a été grande, pas simplement du fait des dix années de bouleversements dramatiques qui les séparent mais aussi parce que les attitudes avaient changé elles aussi. Pour les personnes qui avaient assisté à la Conférence de Jomtien, à Dakar où l’on faisait pourtant le bilan des engagements pris dix ans auparavant, les différences étaient énormes et manifestes.
Jomtien avait réussi à créer une atmosphère de renouveau, d’espoir, de «cette fois-ci ça va marcher». À Dakar, en revanche, les agences et les délégations arrivèrent inévitablement avec un sentiment d’échec, de mission à moitié accomplie. À Jomtien, tout semblait possible, le futur semblait plein de promesses, la qualité et l’égalité étaient des vocables nouveaux, crédibles, dans la formulation des objectifs. Dix ans plus tard, on note une croissance sans précédent de la pauvreté, de l’exclusion, du chômage, de la faim, du désespoir et du sida dans le monde. La qualité et l’égalité sont des mots qu’on emploie encore dans le domaine de l’éducation, mais qui n’ont guère de rapport avec la réalité. En 1990, la technologie semblait être la baguette magique qui distribuait généreusement ses dons et introduirait des innovations tant souhaitées comme l’accès massif et l’apprentissage joyeux et rapide des enfants, des jeunes et des adultes. En ce début de siècle, le potentiel et les promesses de développement dans le domaine de la technologie de l’information et de la communication nous laissent bouche bée, mais parallèlement, le «clivage technologique» est un nouveau phénomène qui fait déjà partie du jargon éducationnel – un problème de plus, un fossé de plus, entre riches et pauvres, entre nantis et exclus. Jomtien était une invitation à créer, à inventer et à rêver. Dakar, face aux contrastes brutaux entre rhétorique et réalité, entre documents et faits réels, entre objectifs et réalisations, mettait un frein à l’imagination, encourageait les excuses et l’auto-justification et induisait à la tentation de gonfler les chiffres et de créer des réalités factices.
Les agences internationales, qui organisèrent la conférence de 1990, étaient arrivées à Jomtien au moins disposées à renforcer la collaboration inter-agences à laquelle elles s’étaient engagées, sachant qu’elles n’avaient pas d’autre choix si elles voulaient donner l’exemple nécessaire dans le rôle directeur d’une initiative mondiale qui proclamait la coopération, le partenariat, des politiques multisectorielles et une utilisation efficiente des ressources. Dix ans plus tard, ces mêmes agences avaient fait l’expérience de ce genre de collaboration, s’étaient repliées dans leurs propres «niches» et styles institutionnels et avaient développé un syndrome connu sous le nom de «fatigue du donneur». Leurs différends à propos de leurs aires de responsabilité respectives, qui existaient déjà en 1990, n’ont pas diminué, mais se sont plutôt encore exacerbés au cours de la décennie. L’aspect le plus fâcheux de Dakar a sans doute été les querelles intestines qui font rage entre les agences, notamment l’UNESCO et l’UNICEF, agences sœurs du système des Nations Unies, qui se livrent actuellement une lutte perverse pour l’hégémonie mondiale dans le domaine de l’éducation et spécifiquement sur l’EPT. Chacune dédaigne les compétences techniques de l’autre. L’UNESCO est indignée que les Nations Unies aient confié à l’UNICEF un rôle directeur mondial dans le domaine de l’éducation des filles tandis que l’UNICEF est déçue que la communauté internationale ait confié à l’UNESCO ce même rôle directeur dans le domaine de l’Éducation pour Tous. La seule organisation qui semble n’avoir aucun problème d’identité, de compétence ou d’hégémonie, est la Banque mondiale, qui a son propre programme et dispose d’immenses ressources financières et politiques pour le réaliser et qui, dans le vide technique effectivement créé dans le champ de l’éducation au niveau mondial, a réussi entre autres choses à imposer un nouveau type «d’expertise» et de légitimité techniques dans le domaine de l’éducation.
En arrivant à Dakar, les délégations officielles elles-mêmes étaient plutôt dubitatives et manquaient de conviction. Bien que les chefs de gouvernement et les ministres de l’éducation ne fussent pas les mêmes qu’en 1990, les responsables actuels savaient qu’ils devaient assumer la responsabilité du succès ou de l’échec de leurs prédécesseurs et présenter une image respectable de leurs pays. Dans de nombreux cas, cependant, la réalité et les statistiques leur vinrent en aide. À la fin de la décennie, de nombreux pays ne disposaient pas des informations qui leur auraient permis de répondre aux 18 indicateurs établis. Peu d’entre eux possédaient des données sur le rendement de l’éducation; dans certains cas, on disposait de ces données mais force était de constater que pratiquement aucun progrès n’avait été réalisé dans le champ qu’on avait défini comme crucial à Jomtien: celui de l’apprentissage. De nombreux pays durent admettre dans leurs rapports qu’ils avaient ignoré l’éducation des adultes et l’éducation non formelle et confondu Éducation pour Tous et Éducation primaire pour Tous et s’étaient à peine préoccupés de l’accès à l’Éducation primaire. En jonglant avec les mots et les chiffres, les gouvernements n’ignoraient pas qu’ils se trouvaient désormais sous la surveillance vigilante de la société civile et de chercheurs et experts qui scrutaient la véracité des chiffres et des déclarations. Il y a dix ans, les rapports gouvernementaux étaient des documents confidentiels tenus sous clé dans les archives des ministères de l’éducation. Aujourd’hui, on exige l’accès à l’information, à la transparence et à la fiabilité.
Les ONG n’avaient aucune raison non plus de se sentir satisfaites des réalisations en matière d’EPT au cours des dix dernières années. La préoccupation et l’intérêt des ONG pour les progrès de l’EPT – une politique et un programme macro au niveau national et international – s’accrut au fil des ans et prit de l’importance durant les toutes dernières années, lorsque l’EPT fut évaluée et que la Décennie approcha de sa fin. La Campagne mondiale pour l’éducation, un mouvement critique qui fournit une alternative au mouvement «officiel» de l’EPT fut lancé à l’instigation d’ONG internationales du Nord et n’était pas un mouvement endogène fondé par des ONG de pays du Sud. La passivité et le manque d’esprit critique des ONG – et des intellectuels «progressistes» en général – est un phénomène bien connu de notre époque. Leur énorme dépendance des fonds internationaux et nationaux et leur rôle croissant de consultants, de prestataires de services et d’exécutants des politiques sociales et des programmes compensatoires des gouvernements ont placé les ONG dans une position inconfortable: elles sont assises entre deux chaises, ce qui leur a fait perdre une grande partie de leur liberté d’action et les a rendues plutôt réactives qu’actives. De plus, le militantisme et la concentration sur les intérêts locaux impliquent que la plupart des ONG sont restées en marge des forums nationaux et internationaux qui décident des politiques et des lignes directrices qui déterminent le cadre de leurs propres activités communautaires et locales.
Entre Jomtien et Dakar, non seulement les objectifs n’ont pas été pleinement atteints, mais le débat sur les idéaux originaux de l’EPT n’a pas évolué lui non plus et a même décliné. En dépit des faiblesses qu’on trouve dans les documents de Jomtien, ils possédaient le potentiel et la puissance pour inspirer un renouveau de l’éducation à plusieurs niveaux et de différentes manières. La «vision élargie» de l’éducation de base épousée à Jomtien reste un défi actuel à développer en théorie et à remplir en pratique dans les années à venir. La décennie achevée, Dakar ne peut se targuer d’offrir quoi que ce soit de radicalement nouveau: il semble tout simplement un Jomtien+10, c’est-à-dire un relais entre l’évaluation d’une décennie d’EPT et sa prolongation de quinze années.
Le monde a changé fondamentalement au cours des années 199013 mais cela ne se reflète pas dans l’esprit des documents de Dakar. Ceux-ci répètent simplement que la vision et la mission de l’éducation sont «d’alléger la pauvreté» alors même que dans cette décennie précisément, on a atteint un point qui rend nécessaire de réexaminer si l’on doit «alléger la pauvreté en améliorant l’éducation» ou bien «améliorer l’éducation en allégeant la pauvreté». On place encore tous les espoirs dans la croissance économique comme «la» solution aux problèmes, sans accorder aucune attention à ce qu’on a appris durant cette décennie, notamment que la croissance n’est pas suffisante tant que la distribution des revenus reste la même et que la richesse est toujours plus concentrée entre peu de mains.
Bref, la réitération de la vision et des objectifs et l’ajournement de la date cible suggèrent que l’échec ou le succès potentiel peuvent s’interpréter en termes d’un axe linéaire, oscillant entre plus et moins; qu’il n’est pas nécessaire de remettre en ôause notre diagnostic, nos objectifs et nos stratégies, mais qu’il nous faut la même chose: plus de temps (15 années de plus), plus d’argent (nouveaux prêts et dons et meilleur usage de l’argent disponible), plus d’engagement et plus d’action.14 On a éludé une fois de plus la réflexion et la critique qu’il faudrait engager au niveau local, national et mondial sur nos façons de penser et de confronter la politique éducative, la réforme éducative et la coopération internationale elle-même.
Où sont les nouvelles connaissances théoriques et pratiques sur l’éducation acquises au cours de la Décennie ? Qu’a-t-on appris à l’échelon mondial, régional, national et local de la tentative de transférer les idéaux de l’EPT dans des politiques, des programmes, des projets et des plans d’action ? Qu’est-ce qu’on aurait dû faire autrement, à tous les niveaux ? Ni les rapports nationaux ni les rapports régionaux, ni le rapport mondial sur l’EPT ne contiennent de réponses substantielles à ces questions. En fait, l’évaluation de la fin de la décennie a été largement quantitative (18 indicateurs) et unilatérale (agences internationales requérant une évaluation de la part des gouvernements sans évaluer elles-mêmes leurs propres performances). Par rapport à 1990, il est indubitable que nous avons maintenant à notre disposition des statistiques plus précises qui permettent de comprendre mieux l’ampleur des problèmes, mais ni la Déclaration ni le Cadre d’Action ne suggèrent que dix ans d’application pratique de l’EPT aient entraîné une meilleure compréhension de la nature de ces problèmes ni des moyens appropriés pour les résoudre. Le seul partenaire international de l’EPT qui ait élaboré et publié les «leçons tirées» durant la décennie a été la Banque mondiale. Ces leçons, néanmoins, montrent que la Banque est un apprenant lent, qui assimile avec du retard, des notions qui font partie depuis de nombreuses années du bagage théorique et pratique des pays en développement.15
La plus grande différence qui existe entre Jomtien et Dakar est précisément l’érosion très profonde de la confiance et de la foi collective placées dans l’utilité et l’efficience des conférences, des accords et des engagements internationaux. Étant donné la prolongation continuelle des délais impartis pour des objectifs identiques, ceux-ci sont perçus désormais comme de grandes phrases vides – éradication de l’analphabétisme, éducation universelle primaire, éducation de base gratuite et obligatoire, rôle de leader des enseignants, amélioration de la qualité, réduction des disparités de genres, allégement de la pauvreté¹– où l’on ne constate guère, si ce n’est pas du tout, de progrès, au moins si l’on en croit les indicateurs et les mécanismes traditionnels avec lesquels on évalue encore l’éducation.
Que va-t-il se passer après Dakar?
On a dit très souvent de l’EPT que c’était une initiative lancée en majeure partie par les agences internationales et qu’elle était restée leur affaire. L’une des «leçons tirées» par les agences pendant les années 1990 devrait être que les mécanismes de mise en œuvre et de pilotage de l’EPT n’avaient pas été suffisamment définis à Jomtien et que cette mise en oeuvre et ce pilotage sont centrés sur les gouvernements. Le Cadre d’Action adopté à Dakar accorde davantage d’attention aux rôles et aux mécanismes aux différents niveaux et réaffirme que «le cœur» de l’action doit se situer au niveau national. Il était clair que le Forum lui-même déploierait de gros efforts pour que les organisations internationales dépassent le cadre de la rhétorique et des bonnes intentions, abandonnent leur rôle de protagonistes et appliquent les leçons qu’elles avaient apprises.
Dans le Cadre d’action adopté à Dakar, les pays se sont engagés à établir ou à réviser d’ici 2002 des plans nationaux pour l’EPT pour réaliser les six objectifs convenus. Tout comme à Jomtien, mais pas explicitement, on met l’accent sur la nécessité de mécanismes et de processus de participation dans chaque pays pour préparer, mettre en œuvre et piloter ces plans nationaux.
«Le cœur de l’activité de l’EPT se situe au niveau national. Des forums nationaux EPT seront renforcés ou établis pour appuyer la réalisation des objectifs. Tous les ministères concernés et les organisations de la société civile seront systématiquement représentés dans ces forums qui devront être transparents et démocratiques et offrir un cadre de mise en œuvre à l’échelon infra-national».16
Les délégations nationales quittèrent donc Dakar avec la tâche d’organiser dans un futur immédiat des Forums d’EPT et de dresser des Plans d’Action Nationaux sous une forme participative en 2002. On comprendra que beaucoup de participants manquaient de conviction et d’enthousiasme à l’idée de remplir cette tâche. On s’attend à ce que certains ne voient pas le sens de cet exercice et qu’ils agiront comme certains élèves qui font faire leurs devoirs à papa et maman (en engageant des consultants pour pond”e un document) ou les font uniquement pour plaire au professeur. On s’attend même à ce que certains ne mènent même pas à bien la tâche en question.17
C’est pourquoi, on peut affirmer sans ambages que le Forum de Dakar, tout comme la Conférence de Jomtien à son époque – pourrait avoir marqué une césure importante pour les agences internationales, mais pas nécessairement pour les pays.
D’un autre côté, les pays se meuvent en temps réel et dans des situations réelles. Les gouvernements, à la différence des agences internationales, sont élus au scrutin universel et renvoyés s’ils ne réussissent pas à satisfaire aux attentes de la population; ils sont guidés par des objectifs gouvernementaux qui ne coïncident pas forcément avec les objectifs et les horizons universels fixés au niveau international. Les signataires gouvernementaux de la Déclaration de Dakar, tout comme ceux qui ont signéýla Déclaration de Jomtien dix ans plus tôt, appartiennent à des gouvernements qui sont en début, en milieu ou en fin de gestion. Entre 2000 et 2015, il y aura dans ces pays au moins trois ou quatre changements de gouvernement. Et on sait ce que cela sižnifie en général. «L’éducation est une affaire d’État plutôt que de gouvernement» est davantage une phrase vedette qu’une réalité dans la plupart des pays.
Deuxièmement, l’alphabétisation, l’éducation primaire universelle, la qualité, l’efficience, l’équité et l’égalité des genres dans l’éducation sont des slogans rebattus et des objectifs nationaux et internationaux, qui remontent souvent aux années 50 et 60. Durant les années 90, la grande majorité des pays en développement adoptèrent des plans et des réformes éducatives destinés à promouvoir l’éducation avec des objectifs repris de – ou analogues à – l’EPT. Dakar signifie essentiellement une mise à jour ou une réorientation de ces plans, en leur donnant 15 ans de «rab».
Une leçon à tirer absolument des années 90 est que la réforme éducative ne peut pas être réalisée de haut en bas par des technocrates, qu’ils soient au service d’un organisme international ou d’un gouvernement national. Développer et réformer l’éducation requiert l’appui et la participation active des intéressés directs et de la population dans son ensemble: les enseignants, les parents, les apprenants, la communauté universitaire, les ONG, l’industrie privée et les Églises. Aucune organisation ni déclaration ne peuvent garantir la volonté des gouvernements et des citoyens ni la continuité des plans. Il s’agit là d’une affaire interne à chaque pays, du ressort de la lutte politique de citoyens souverains; c’est une part de leurs efforts collectifs pour§construire un État démocratique et une citoyenneté informée capable de participer, d’être vigilante, d’élever des exigences, mais aussi d’apporter des contributions.
L’Éducation pour Tous 1990-2000 a été essentiellement un processus mis en oeuvre par les grandes organisations nationales et internationales, peu enclin à informer les citoyens et même les enseignants et les spécialistes de l’éducation ou à les inciter à participer. Les plans nationaux d’EPT étaient en général des plans élaborés et discutés derrière les portes closes des technocrates nationaux et internationaux. Les réunions mondiales, régionales et nationales de pilotage de l’EPT réunissaient le même nombre restreint de visages familiers. Peu de gens connaissaient l’existence du Forum EPT – l’organisme mondial de coordination de l’EPT, dont le secrétariat était hébergé dans les bureaux de l’UNESCO à Paris – qui en faisait partie ou bien comment ses membres étaient sélectionnés, quand il se réunissait et quelles décisions il prenait.18 L’évaluation de l’EPT rappela à beaucoup de gens qu’il existait quelque chose qui s’appelait l’Éducation pour Tous, que d’autres étaient en train d’évaluer ou qui était sur le point d’arriver à son terme.
Les quinze prochaines années ne doivent pas être la répétition de cette histoire. On ne doit pas séparer la pensée (sommet) de l’action (bas) ni dans les relations entre les agences internationales et les gouvernements, ni entre les gouvernements et la société civile. Accepter cette distinction implique d’accepter qu’il y ait des gens qui planifient et d’autres qui doivent se contenter de mettre en oeuvre, que le diagnostic et l’analyse ont déjà été faits et qu’il s’agit de les convertir en Plans d’action. Faire bien les choses impliquerait au contraire de penser et d’agir à tous les niveaux. Discuter du diagnostic et des stratégies adoptés au niveau macro et proposer le «quoi» et le «comment» dans le cadre d’un contexte réel spécifique, sont les principales tâches des comités nationaux d’EPT et de la société en son entier.
D’autre part, il ne faudra pas atteindre la date-butoir de 2015 pour s’intéresser à ce qui s’est passé et protester éventuellement sur ce qui n’a pas été fait; la participation doit être partie intégrante du processus et être ouverte à tous pour que l’information et l’évaluation soient fluides et transparentes dans les deux directions entre les niveaux globaux et locaux. En 1990, l’information et la communication étaient des entreprises qui requéraient un temps et des ressources considérables, des tonnes de papier, la distribution de matériel, l’organisation de réunions, des voyages et des délais; aujourd’hui, nous pouvons utiliser aussi le courrier électronique et l’Internet. Personne ne doit arriver à 2015 en rejetant sur d’autres la responsabilité de ce qui a été négligé, mal fait ou fait seulement à demi. Il incombe à Tous – la communauté nationale et la communauté internationale – la responsabilité d’assurer que l’Éducation pour Tous restera un objectif et deviendra une réalité.
Quinze ans semblent un laps de temps bien long, mais dix semblaient déjà une bien longue période lorsque les gouvernements et la communauté internationale s’engagèrent à Jomtien à atteindre six objectifs d’ici l’an 2000. Tout comme cela s’est passé avec la Déclaration de Jomtien et le Cadre d’Action, on «réalisera» bientôt que les objectifs assignés à Dakar sont trop ambitieux pour les ressources et le temps disponibles. De là le besoin de plans réalistes et flexibles, constamment révisés et mis à jour, dans lesquels les gouvernements et les sociétés nationales examinent leurs capacités, élaborent conjointement les plans de l’EPT et prennent l’engagement de les réaliser, s’assignent des buts et des délais intermédiaires, qui aplanissent la voie. Un plan d’action est plus que l’expression d’une intention, une liste d’objectifs dont on tire des indicateurs de succès et des statistiques de réalisation: il implique d’établir et de créer continuellement – les conditions et les exigences, les stratégies, les méthodes, les partenariats et les ressources humaines et financières nécessaires pour atteindre ces objectifs. Dans le champ de l’éducation, il n’y pas place plus longtemps pour la rhétorique, pour les objectifs ou les budgets sans stratégie ou pour les déclarations irréalistes et n’engageant à rien.
Il n’est pas de pire plan qu’un plan irréalisable. Il n’est pas de pire engagement que celui qu’on ne peut mener. Cette fois-ci, c’est sérieux. L’année 2015 ne doit pas être un Jomtien+10+15 auquel il faudra rajouter un délai supplémentaire. Tout simplement, parce qu’on n’aura plus de temps. Ce qui va se jouer ces quinze prochaines années, c’est si on va réussir à sortir l’éducation de l’ornière ou bien si on va la laisser s’effondrer définitivement.
1 Dans: Perfiles éducatives, No. 83, Mexique, Cesu-unam, 2000.
2 Pour de plus amples informations, on consultera les pages Web de l’UNESCO Paris (www2.unesco.org/efa) et du Forum de Dakar (www2.unesco.org/wef).
3 L’Amérique latine était représentée par une femme au sein du Comité de Rédaction et par un homme au sein du «Groupe du Futur»; tous deux étaient Brésiliens et d’obédience ONG.
4 C’est un programme de coopération entre l’Unesco et les ONG. Il a été initié par l’Unesco en 1984 à titre de Consultation collective des ONG sur l’Alphabétisation. Plus tard, dans le contexte de la Conférence de Jomtien, son nom et son champ d’activité se modifièrent et il prit le nom de Consultation des ONG sur l’Alphabétisation et l’Éducation pour Tous. Prés de 100 ONG, la plupart internatiomales, furent impliquées dans ce programme ces dernières années.
5 Les conférences régionales ont été:
– pour l’Afrique Sub-Saharienne: Johannesburg, Afrique du sud, 6-10 décembre 1999.
– pour l’Asie et le Pacifique: Bangkok, Thaïlande, 17-20 janvier 2000.
– pour les Etats arabes: Le Caire, Egypte, 24-27 janvier 2000.
– pour l’Europe et l’Amérique du Nord: Varsovie, Pologne, 6-8 février 2000.
– pour l’Amérique latine et les Caraïbes: Saint Domingue, République dominicaine, 10–12 février 2000.
6 Les documents de Jomtien évitent de parler de l’éducation comme d’un droit. La formule adoptée était «bénéficier des avantages»: «Toute personne – enfant, adolescent ou adulte – doit pouvoir bénéficier d’une formation conçue pour répondre à ses besoins éducatifs fondamentaux».
7 Durant le Forum, Kofi Annan, Secrétaire Général des Nations Unies, présenta officiellement une Initiative pour l’éducation des filles dans le cadre de l’EPT et sous la direction de l’UNICEF.
8 Voir, dans ce contexte: R.M.Torres, 2000. Una década de Educación para Todos: La tarea pendiente [Une décennie d’Éducation pour Tous: une gageure], FUM-TEP, Montevideo; Editorial Popular, Madrid; Editorial Laboratorio Educativo, Caracas; IIPE UNESCO, Buenos Aires; Artmed Editora, Porto Alegre.
9 Alinéas 5 et 6: traduction de l’Institut.
10 In: Education Forum, bulletin du Forum mondial sur l’éducation, N° 3, Dakar, 28 avril 2000.
11 Le rapport du groupe du futur déclare: «Note explicative: le groupe du futur ayant présenté un premier projet à la plénière de jeudi, tous les membres qui ont pu y assister (50% du groupe originel) ont été convoqués à une réunion tard dans la nuit poªr élaborer le dernier projet en réponse aux commentaires des ministres»(polycopié ayant circulé le dernier jour du Forum. Original en anglais. Retraduit de l’espagnol)
12 Les Etats-Unis envisageraient d’adhérer à l’UNESCO selon les déclarations faites par Gene Sperling, conseiller économique de Clinton, lors d’une conférence de presse à la fin du Forum.
13 Tout au long du Forum, on a insisté sur la nécessité de moins de rhétorique et de plus d’action. “Pour l’avenir, nous insistons sur la nécessité d’agir. Nous n’avons pas besoin de davantage de “moulins à paroles”. Nous avons un besoin crucial d’action, dans tous les pays” a déclaré la ministre canadienne de la coopération internationale, Maria Minna, lors de la cérémonie de clôture en guise de conclusion. Elle a lu son rapport au nom des bailleurs bilatéraux suivants: Canada, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Italie, les Pays-Bas, Norvège, Suède, Suisse, Royaume Uni et États-Unis.
14 Voir: Eric Hobsbaum, Historia del Sigloxx, Barcelona, Critica, 1995.
15 Dans les années 1990, la Banque mondiale a tiré huit «leçons» dans le contexte de l’éducation pour tous: «1) La clé du succès est une forte volonté politique; 2) La qualité est tout aussi importante que la quantité; 3) Les gouvernements ne peuvent réaliser tout seuls l’éducation pour tous: les partenariats en sont la clé; 4) Les pays font davantage de progrès quand ils ont élaboré un cadre politique; 5) L’utilisation inefficiente des ressources limite le progrès; 6) L’éducation doit s’adapter rapidement aux nouveaux défis économiques, technologiques et sociaux; 7) L’éducation doit impérativement continuer à être financée durant les crises; 8) L’essor en matière d’éducation doit être soutenu par une économie en expansion. In: World Bank, Education for All: From Jomtien to Dakar and Beyond. Document préparé par la Banque mondiale pour le Forum mondial sur l’éducation à Dakar, Sénégal (26–28 avril 2000). Washington, D.C., 2000.
16 In: Le Cadre d’action de Dakar, Éducation pour tous: respectons nos engagements collectifs, projet définitif, Dakar, 28 avril 2000.
17 Il a été fait un usage abusif des Plans d’action nationaux pendant les années 90. Certains gouvernement furent obligés d’en préparer deux, trois ou plus au cours de la décennie pour satisfaire aux exigences de différentes agences internationales ou parce que le régime politique avait changé.
18 Il existe une évaluation du Forum EPT réalisée à la demande du Forum EPT lui-même à la fin de l’année 1999 au titre des activités d’évaluation réalisées à la fin de la décennie de l’EPT (voir: A. Little and E. Miller, The International Consultative Forum on Education for All 1990-2000: An Evaluation. A Report to the Forum EPT Steering Committee, Paris, UNESCO, EFA Forum Secretariat, 2000).