Afrique, TIC et femmes ne sont pas une contradiction. Nnenna Nwakanma, ellemême femme d’affaires compétente dans le secteur des TIC, décrit la chance immense que représente l’utilisation des TIC pour les femmes au niveau de la communication, du petit commerce, de la participation à des processus de décision conjoints et à la préservation de l’héritage africain. Mais le plus grand avantage que présentent les TIC, c’est de donner la possibilité aux femmes de se former et de donner une meilleure éducation à leurs enfants, mais aussi de faire un pas en avant en faveur du respect des droits humains, de la stabilité politique et de l’égalité entre les sexes.
Nnenna Nwakanma, qui a réussi dans les affaires avec son entreprise conseil et opère à l’international, est aussi une autorité reconnue dans le monde des TIC et du développement. Son entreprise conseille des sociétés privées, des gouvernements, de grandes compagnies et des organismes internationaux de développement ainsi que des organisations de la société civile. Nnenna Nwakanma compte parmi les membres fondateurs de différents projets de TIC importants et actifs en Afrique, et elle a récemment été nominée dans la catégorie des femmes éminentes dans les TIC du prix Graça Machel qui fait partie des prix Excel décernés aux femmes africaines. Poursuivez votre lecture pour en savoir plus sur cette femme dynamique.
eLA: Vous avez récemment été nominée au prix Graça Machel dans la catégorie des femmes éminentes dans le secteur technologique. Qu’est-ce qui vous fascine le plus dans ce domaine dominé par les hommes?
Nnenna Nwakanma: Bien que difficile, faire figure de pionnière est absolument passionnant. Atteindre ses objectifs est aussi gratifiant, en particulier quand vous travaillez avec des gens qui partagent la même vision que vous. Je maintiens que la technologie est ce qui peut arriver de mieux à une femme. Bien sûr, comme les femmes sont multitâches, une bonne connexion Internet à domicile peut permettre à toutes celles qui disposent des compétences nécessaires de tirer le meilleur profit de leurs capacités.
Nnenna Nwakanma
eLA: Où réside à votre avis le plus grand potentiel des femmes dans les TIC et comment faire pour renforcer leur position dans ce domaine?
Nnenna Nwakanma: Leur potentiel réside dans l’entreprenariat, dans la création de compétences en communication et de capacités de gestion, dans une participation accrue à la gouvernance, dans l’encouragement de la transparence des processus, dans la documentation et la mobilisation. Les femmes jouent aussi un rôle essentiel de gardiennes de la culture et de l’héritage africains, et les TIC leur donnent les moyens d’assumer ce rôle. En numérisant notre mémoire collective, en fixant la tradition orale par l’écrit et en créant nos propres contenus, en narrant nos propres histoires et en peignant nos propres tableaux, nous perpétuons l’héritage africain.
Cependant, les TIC peuvent réellement aider les femmes à mettre leurs possibilités en valeur grâce à l’éducation, tant celle des femmes que celle de leurs enfants. L’eéducation et l’acquisition de savoir en ligne permettent aux femmes de se qualifier pour relever les défis mondiaux, et les aident aussi à créer le cadre nécessaire pour assurer l’éducation de leurs enfants.
eLA: Dans votre rôle de consultante, quelles sont les questions récurrentes que posent vos clients africains lorsque vous projetez de mettre en œuvre des solutions d’e-éducation?
Nnenna Nwakanma: Premièrement, une foule de questions qui se posent au sujet de l’infrastructure; l’électricité étant ici le principal souci. Deuxièmement, la question des compétences humaines est fréquemment soulevée étant donné que les enseignants sont généralement mal rémunérés et n’ont pas suivi de formation de base aux TIC. Troisièmement, des questions se posent aussi en ce qui concerne le manque de matériel informatique, de financements et de viabilité. Comme vous pouvez le constater, les questions sont nombreuses, mais les réponses restent encore insuffisantes.
eLA: Dans quelle mesure ces points varient-ils en fonction de la région d’origine de vos clients?
Nnenna Nwakanma: En ce qui concerne l’évaluation du niveau de préparation de l’Afrique aux TIC (ce que l’on qualifie aussi d’e-readiness, ndlt.), l’analyse révèle que les thèmes principaux sont les suivants: niveau de démocratie, ouverture et transparence au gouvernement, processus permettant de se procurer des TIC, budget affecté par le gouvernement, stabilité économique, sociale et politique, respect des droits humains. Par conséquent, ces points ne sont pas nécessairement des questions «régionales», mais spécifiques à chaque pays.
eLA: Vous vous intéressez aussi, entre autres, aux droits humains, à la gestion des conflits et à l’approche intégrée des sexospécificités. Dans quelle mesure et comment ces questions se recoupent-elles avec les TIC?
Nnenna Nwakanma: Je suis surprise qu’on voie en moi une spécialiste des TIC. Je me considère moi-même davantage comme une activiste du développement humain qui a recours aux TIC pour faire évoluer ce qui la passionne.
Les TIC sont des moyens intersectoriels de faire avancer le développement. L’ignorance, l’illettrisme et l’exploitation des croyances religieuses comptent parmi les questions qui conduisent à des abus des droits humains, à une situation politique instable et de discrimination sexuelle. Le rôle des TIC dans la lutte contre ces problèmes, qui consiste à soutenir l’éducation et la bonne gouvernance, ne saurait être trop souligné. En Afrique, les médias interactifs, les appareils mobiles et de poche, les réseaux sociaux, la connectivité résidentielle Internet et l’accélération de la diffusion de l’information sont essentiels pour améliorer nos niveaux de développement.
eLA: Lors du débat passionné sur la technologie dans l’éducation à la dernière conférence eLearning Africa à Dakar, vous avez souligné l’urgence de permettre à tous les Africains d’avoir accès aux TIC. Comment vous-y prenez-vous pour atteindre cet objectif?
Nnenna Nwakanma: Dans le cadre de mes rôles et responsabilités, je fais de mon mieux pour faire avancer les choses. Je suis, entre autres, activement impliquée dans le Digital Solidarity Fund, le Free Software and Open Source Foundation for Africa (FOSSFA) et l’Open Source Initiative. Sur nnenna.org, nous continuons de nous appliquer à mettre notre expertise au service des politiques, de la mise en œuvre et de l’évaluation des TIC auprès des gouvernements et à créer les compétences nécessaires dans tous les secteurs de la population en empruntant une démarche équilibrée du point de vue de la dimension du genre.
Récemment, j’ai participé à des projets axés sur l’e-éducation, l’e-gouvernement et l’assurance de la qualité dans l’éducation, et j’espère que lorsque commencera la conférence eLearning Africa en 2010, nous serons capables de porter un regard en arrière en constatant tout un ensemble de réalisations. Pour reprendre les mots de Nelson Mandela: «Nous avons un long chemin à parcourir, mais je crois qu’en mettant constamment un pied devant l’autre, nous continuerons de progresser.»
eLA: Merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé, madame Nwakanma!
Le 8 octobre 2009
Plate-forme d’éducation des populations côtières Source: Ignatz Heinz