La migration est une question qui occupe une grande place dans tous les pays d’Europe. Si autrefois les immigrés étaient majoritairement européens, ce n’est plus le cas aujourd’hui. La vie en communauté se révèle être difficile. Il existe de part et d’autre de nombreux murs à surmonter. On observe une montée de l’antisémitisme; certains groupes de population comme, par exemple, les Roms se trouvent dans une situation difficile. Deux points sont importants ici: une législation qui protège tous les citoyens de la discrimination et, en même temps et ce qui est tout aussi essentiel, l’éducation et les éducateurs auxquels incombe une grande tâche. Bashi Quraishy, l’un des orateurs principaux de la conférence, est consultant sur la question des minorités et président de l’ENAR, le Réseau européen contre le racisme. Il analyse la situation, présente des expériences qu’a faites ce réseau qui opère en Europe et auquel appartiennent 600 ONG, dans le domaine de la lutte contre le racisme.
Je souhaite aussi remercier les organisateurs et partenaires d’avoir organisé cette importante conférence et de m’avoir demandé de présenter les points de vue des minorités ethniques.
Le thème choisi pour cette conférence est d’une actualité brûlante, et il était nécessaire de l’aborder, car nous traversons une période historique difficile en Europe. Les questions telles que l’impact de la mondialisation, la préservation de l’identité nationale, la migration entre les pays de l’UE et depuis les pays qui n’appartiennent pas à l’UE, l’inclusion sociale, l’égalité pour tous et, par-dessus tout, l’intégration des minorités ethniques et religieuses dans les sociétés européennes dominantes font l’objet de discussions enflammées entre les politiciens et dans les médias. Il existe des opinions très diverses sur tous ces points.
En examinant le paysage européen, nous pouvons constater que les acquis obtenus sur de longues périodes grâce aux efforts entrepris pour apprendre aux enfants européens à chérir les valeurs de la diversité et de l’interculturalisme sont mis à rude épreuve. Une part considérable des médias et nombre de politiciens prêchent ouvertement une identité monoculturelle européenne reposant sur des valeurs chrétiennes, un concept historique commun et la supériorité de la culture occidentale. Et pour couronner le tout, certains signes indiquent clairement la résurgence de l’antisémitisme et l’apparition d’une propagande de haine calculée contre tout ce qui a trait à l’Islam. Cette religion, ses adeptes et même son prophète et ses Écritures saintes sont constamment ridiculisés et insultés.
Des pays comme la Grande-Bretagne, le Danemark et la Hollande qui étaient autrefois des modèles de tolérance et d’ouverture d’esprit se replient à présent sur eux-mêmes et promulguent des lois pour que les résidents non européens ne jouissent plus des mêmes droits que leurs ressortissants. Ces faits arrivent bien que la commission de l’UE ait publié des directives sur l’égalité des droits et le traitement égal de tous.
ENAR, le plus grand réseau d’ONG avec des coordinations dans tous les États membres de l’UE, dispose de quantité d’informations et d’une grande expérience dans le domaine du dialogue interculturel. Rien que le fait que nos quelque six cents ONG membres soient issues de tous les horizons, religieux, culturels, nationaux et ethniques, nous permet d’occuper une position unique. Par conséquent, que pouvons-nous présenter ici que nous avons appris durant les dix dernières années passées à travailler sur le terrain?
Nous avons remarqué que les discussions sur le multiculturalisme et l’intégration des minorités prenaient de l’importance, ce qui va dans le sens du développement politique de l’UE et correspond aux changements démographiques survenant dans tous les pays d’Europe.
Ces questions sont des éléments qui – ensemble ou séparément – forment la base d’une société moderne, qui fonctionne bien, et c’est en même temps sur eux que repose le salut des différents groupes ethniques. Le point principal ici est le concept du multiculturalisme et le rôle qu’il devrait ou pourrait jouer pour la réalisation d’une intégration véritablement mutuelle dans les différentes sociétés européennes.
Tous les pays d’Europe sont actuellement aux prises avec des problèmes similaires auxquels ils cherchent à remédier avec leurs propres solutions. Peu d’entre elles ont été couronnées de succès, la plupart ayant eu des effets désastreux pour les droits de l’homme, la citoyenneté et même pour l’intégration mutuelle. Il est essentiel de noter qu’autrefois, les sociétés en Europe – les pouvoirs publics, les politiciens, les médias ou le public – ne considéraient pas les travailleurs immigrés des années soixante-dix comme des êtres humains éprouvant des besoins, mais qu’elles voyaient en eux uniquement une main-d’œuvre bon marché répondant à une nécessité économique. De ce peu de clairvoyance dans la façon – sociale, culturelle et politique – de traiter les immigrés de l’époque et les réfugiés qui arrivèrent plus tard des pays non européens naquirent deux couches de la société qui existent parallèlement, sans communiquer.
Malgré les difficultés qu’elles rencontrent et les milieux dans lesquelles elles vivent et qui fonctionnent séparément, la plupart des minorités ethniques ont activement essayé de s’intégrer dans la société locale, par l’intermédiaire des individus ou de groupes tout entiers. L’expérience nous montre que la pleine participation de différentes minorités à la vie de la plupart des sociétés européennes n’a pas vraiment été une réussite. Les intellectuels, les chercheurs et les organisations de minorités ethniques l’ont mille fois indiqué. Bien que les raisons à cela varient, selon les sources et les intérêts désirant être mis en avant, il est généralement reconnu que la classe politique et les médias en imputent la faute aux minorités.
Dans le secteur des activités contre le racisme en Europe, nous parlons souvent d’intégrer des minorités ethniques dans leurs pays d’accueil. C’est tout naturellement une nécessité pour préserver l’harmonie au sein de la société, mais cette idée noble reste malheureusement une intention du fait des nombreuses barrières qui se dressent devant elle et rendent difficile, voire impossible, de créer une atmosphère de compréhension et de bonne volonté entre la majorité et les minorités. Les barrières sont de multiples natures. Nous en présentons ici quelques exemples.
Il n’est pas étonnant que les minorités ethniques aient des difficultés à surmonter un nombre aussi élevé d’obstacles et de barrières, et à instaurer un sentiment d’appartenance et de loyauté à l’égard des sociétés d’accueil.
Nous savons tous que l’Europe est fière de se qualifier elle-même d’humaniste, de tolérante et de démocratique, ce qui est vrai dans une certaine mesure. Cependant, un coup d’œil d’ensemble sur la situation pourrait aider à relativiser ceci et à voir les choses telles qu’elles sont. Une telle démarche exige que je sois honnête et direct avec vous, et que je vous expose les inquiétudes et les difficultés qu’éprouvent aujourd’hui différents groupes ethniques et religieux. Vous ne serez peut-être pas d’accord avec mes estimations, mais je vous prie de les considérer comme la base du dialogue entre nous. En ce qui concerne le racisme en Europe, nous prenons sans aucun doute la mauvaise direction; une situation encore même plus alarmante quand il s’agit de la façon dont sont traitées les minorités non européennes, notamment celles d’origine musulmane.
Pour couronner le tout, nous traversons une période marquée par une renaissance de l’antisémitisme et une exclusion accrue des Roms. En même temps, les arguments concernant la race et l’ethnicité ont fait place à une focalisation sur les cultures, civilisations et religions non européennes, notamment sur les populations musulmanes et sur l’islam.
Dans de nombreux pays, cette démonisation est à présent un fait mis en avant par les médias, publiquement accepté et approuvé officiellement. Bref, une tendance très effrayante se profile dans les domaines politique, social, juridique et public. Mon propre pays, le Danemark, illustre parfaitement cette évolution.
Et pour couronner tout cela, les médias jouent un rôle particulier, non seulement en propageant des préjugés, mais aussi en attisant la flamme du racisme par une couverture irresponsable de l’actualité, focalisée sur l’ethnicité, les cultures, les religions et les traditions des minorités. Toute personne d’origine non européenne est considérée comme un représentant de ce groupe.
Les sondages d’opinion confirment les conséquences terribles d’une telle hystérie de masse et un changement d’orientation significatif des tendances politiques. Très peu de voix de la raison s’élèvent pour contrer cette évolution. Un sondage réalisé le 4 juin 2003 par le centre américain de recherche PEW révèle une autre conséquence terrible de cette polarisation ininterrompue sur les minorités non européennes, qui s’illustre par de très inquiétantes tendances: selon cette enquête, 67 % des Italiens, 60 % des Allemands et 50 % des Français ne voulaient pas d’immigration de l’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Europe de l’Est. Seulement 47 % des Britanniques étaient de cet avis. La plupart des Européens voulaient que l’entrée des étrangers dans leurs pays fût soumise à des contrôles plus rigoureux.
Selon un autre sondage d’opinion réalisé par l’Eurobaromètre pour la Commission européenne (New Europe Magazine 14.03.04), 80 % des citoyens de l’UE se prononçaient en faveur de restrictions plus rigoureuses concernant l’entrée des étrangers originaires de pays n’appartenant pas à l’Union européenne. En même temps, ils étaient 56 % à reconnaître la nécessité économique de l’immigration et 34 % à ne pas vouloir accorder des droits égaux aux immigrés légaux. Quels sont les problèmes auxquels sont confrontées toutes les minorités ethniques en Europe?
L’ENAR prépare un rapport alternatif annuel avec l’aide de ses coordinations dans les pays membres de l’UE sur ce qui se passe dans ces États au sujet de la discrimination et des problèmes qu’elle crée. Les conclusions des rapports de 2004, 2005 et 2006 sont très claires et livrent le tableau suivant au sujet des minorités ethniques:
Nombre de pays de l’UE associent la citoyenneté à un bon comportement, à des serments de loyauté et à l’adoption des coutumes et de la culture occidentales.
Nous savons à présent que derrière la belle face démocratique de l’Europe se cache une autre réalité qui est laide, raciste et inhumaine. C’est dans cette Europe, que quelque vingt-trois millions de non-Européens, des gens du tiers-monde (principalement des personnes de couleur et des musulmans), vivent, mal logés, occupant des emplois sales et mal rémunérés, et ressentant chaque jour les piques racistes qui leur sont lancées.
Des politiciens, experts, avocats, prêtres et autorités respectés sont occupés à accuser les immigrés et les réfugiés de menacer la culture et le bien-être social européens. L’Europe est occupée à s’entourer de nouvelles barrières, créant une «forteresse européenne».
Pour remédier au racisme, nous avons besoin d’une double stratégie:
? Premièrement, il nous faut des lois puissantes et applicables, protégeant chaque citoyen de la discrimination et des traitements inégaux. C’est possible si tout le monde jouit des mêmes droits. Il va sans dire que ces droits s’accompagnent de devoirs envers la société. Nul ne devrait être au-dessus des lois et nul ne devrait bénéficier de passe-droits. Mais en même temps, je dois souligner que ces droits et devoirs devraient être associés à l’égalité des chances. La société doit assurer que personne ne soit privé de ses chances.
? Deuxièmement: à ceci doit parallèlement s’ajouter l’éducation. Comme vous le savez, l’éducation joue un rôle décisif dans la formation de la société, de l’école maternelle à l’éducation des adultes. C’est l’alpha et l’oméga pour changer la façon de voir d’un individu, d’un groupe, voire de tout un pays.
Penchons-nous d’abord sur le racisme et voyons ce que l’UE entreprend pour le stopper.
Lorsqu’il est question de lutter contre le racisme, nous devons considérer deux niveaux et approches différents: d’abord la réponse officielle, puis les activités des ONG. En observant l’antiracisme dans un contexte historique plus large, nous nous apercevons que de la signature du Traité de Rome en 1957 à celle du Traité d’Amsterdam en 1997, aucun accord, aucun traité et aucune directive n’a fait mention de la discrimination raciale sur le marché du travail, dans les services sociaux et de santé, dans le secteur du logement, dans l’éducation ou en ce qui concerne la violence à l’égard des immigrés et des réfugiés. Par le passé, des dates clés ont marqué l’engagement politique sincère de l’UE dans la lutte contre le racisme et la xénophobie, et ont souligné l’évolution dynamique d’une politique européenne cohérente sur ces thèmes essentiels.
À la surface, tous ces efforts devraient creuser une grande brèche dans le mur du racisme. Les institutions de l’UE, notamment la Commission européenne, ont tenté de convaincre les gouvernements nationaux non seulement de respecter les directives de la Commission en la matière, mais aussi de les mettre en œuvre selon les plus hauts critères. De nombreux gouvernements essayent bien de se féliciter d’avoir rempli cette tâche correctement, mais la réalité est toute autre.
Malgré les grands efforts des gouvernements en 2000 pour fixer des critères minimums afin de protéger toute personne résidant sur le territoire européen contre les formes de discrimination énoncées dans l’article 13, la lente transposition de ces outils sept ans plus tard montre qu’il reste encore beaucoup à faire. La situation est si urgente que la Commission européenne a engagé des poursuites judiciaires contre de nombreux États membres – intentant contre eux un procès devant la court de justice. Je souhaite en profiter pour rappeler trois choses à la Commission européenne:
Conférence de presse
Source: Hans Pollinger
La diversité culturelle ne revient pas à se borner à manger du kebab, à apprendre la danse du ventre ou à écouter du rap. Pour moi, la diversité, culturelle, ethnique ou religieuse, consiste à célébrer et à apprécier tant les différences que les ressemblances. C’est ce que nous devrions pratiquer, car nous vivons dans un environnement mondialisé. Internet, la communication par courriel et la rapidité des voyages ont ouvert les frontières qui ne peuvent pas rester closes plus longtemps. Faire l’éloge de la diversité ne revient pas à forcer les autres à accepter notre façon de faire les choses, mais uniquement à fournir de bons exemples, à coopérer et à faire preuve de respect.
Le racisme, la discrimination et les mauvais traitements que des êtres humains font subir à leurs semblables dépassent mon entendement. Il convient toutefois de noter par la même occasion que les gens prennent de plus en plus conscience de cela et qu’ils veulent changer les choses. Nous nous apercevons de plus en plus que les problèmes auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés – les malentendus religieux et culturels, et les barrières érigées par les hommes – risquent de diviser l’humanité qui doit résoudre ces problèmes de façon urgente. Vous, les délégués de cette conférence, et les nombreuses personnes que je rencontre dans toute l’Europe, êtes la preuve que les gens convenables en ont assez. À présent, ils veulent agir. Mon père qui était pédagogue me répétait souvent que les enseignants construisent les sociétés et que les soldats les détruisent.
Revenons à présent à la partie cruciale de ma présentation et penchons-nous sur le rôle de l’éducation dans la coexistence interculturelle et dans le discours antidiscriminatoire. J’affirmerais que l’objectif sous-jacent de l’éducation devrait être interculturel et non monoculturel. La voie qui mène à la réalisation de cet objectif implique trois éléments de transformation:
Il est vrai que l’éducation – à vaste échelle – dispensée dans les écoles, les collèges, les universités, les cours du soir et les établissements de formation professionnelle fait depuis longtemps partie intégrante des sociétés européennes. En se basant sur ce processus d’apprentissage tout au long de la vie, les pays européens ont réussi à construire des sociétés qui fonctionnent bien, avec d’excellentes normes d’assistance sociale. Toutefois, ce n’est pas le développement matériel ni la gigantesque pépinière de main-d’œuvre hautement qualifiée qui sont si saisissantes: l’éducation des masses était également nécessaire à l’avènement de citoyens respectueux des droits de l’homme, communiquant paisiblement avec les autres et refusant la guerre, les préjugés et la discrimination des autres.
Je crois que l’éducation en soi est une valeur sacrée conduisant à la valeur primordiale qu’est le respect et amenant les gens à s’accepter les uns les autres. Non seulement l’éducation transmet des connaissances, de la sagesse et de l’assurance, mais elle forme aussi nos opinions, attitudes et comportement vis-à-vis de la société et de gens que nous ne connaissons pas et n’avons jamais rencontrés auparavant. Bref, l’éducation est un tonic qui nourrit notre esprit.
Malheureusement, en examinant l’actuel paysage de l’Europe, nous pouvons constater que les acquis des cent cinquante dernières années, résultant des efforts entrepris pour apprendre aux Européens à chérir les valeurs de la diversité et de l’interculturalisme sont mis à rude épreuve. Une part considérable des médias et nombre de politiciens prêchent ouvertement une identité monoculturelle européenne reposant sur des valeurs chrétiennes, un concept historique commun et la supériorité de la culture occidentale. Dans une telle atmosphère, les minorités ethniques et religieuses se tournent vers vous pour obtenir votre soutien, votre solidarité et se mouvoir dans une société ouverte.
Dans mes activités avec des minorités visibles non européennes, on me demande souvent pourquoi tant de gens instruits en Europe ont si radicalement changé, passant de l’humanisme au racisme en si peu de temps. Je me tourne à présent vers vous pour vous demander de me fournir des réponses à cette question. Entre temps, j’aimerais partager avec vous quelques-unes de mes réflexions sur la façon dont je conçois votre rôle dans l’éducation.
En examinant tout le système européen d’éducation et la place qu’il réserve aux minorités ethniques et religieuses, j’appelle les éducateurs européens à garder quelques éléments présents à l’esprit:
Afin que les éducateurs et les minorités entretiennent des rapports fructueux, les opinions personnelles des éducateurs, leur vision, leur professionnalisme, leur savoir et l’intérêt qu’ils portent au milieu dont sont issus les apprenants jouent un rôle important. Ils n’ont pas un petit boulot tranquille, leur métier les engage une vie durant, c’est un travail qu’ils font avec plaisir. En n’adoptant pas une attitude eurocentrique, l’enseignant aide les minorités à s’ouvrir, à être réceptives aux changements qu’elles considèrent d’habitude comme étrangers, superflus et même hostiles. Bref, l’éducateur peut réussir à pénétrer là où politiciens, médias et public n’ont pas accès: dans l’esprit et l’âme de quelqu’un appartenant à une minorité. C’est par là que commence l’intégration mutuelle.
Récemment encore, les gouvernements européens hésitaient à mêler à cette démarche les établissements d’éducation des adultes comme les établissements secondaires ou les cours de formation professionnelle des syndicats, voire même les cours du soir particuliers. Résultat: un nombre considérable d’immigrés âgés – des hommes et des femmes, mais aussi des personnes qui vinrent plus tard dans le cadre de mesures de regroupement familial ou pour obtenir l’asile – se retrouvèrent dans l’isolation.
Dans un pays comme le Danemark où le mouvement du secondaire pour l’éducation de masse des adultes a pris naissance, l’apprentissage du danois est obligatoire depuis 1986, et l’éducation à la compréhension culturelle ou à l’orientation sociétale a été mise en pratique en 1996. La plupart des pays européens étaient même bien plus en retard. Soulignons toutefois qu’ici aussi aucun effort n’a été entrepris pour créer une société inclusive, célébrer la diversité ou même apprécier les contributions des minorités au fonctionnement de la société.
J’ai réalisé quelques enquêtes auprès de grands groupes ethniques. Les opinions recueillies nous fournissent quelques indices intéressants. L’un d’eux indique clairement que les minorités veulent faire partie de la société et apprendre la langue du pays d’accueil. En gardant cela présent à l’esprit, je suggèrerais que
Je vous prie de ne pas considérer mes propos comme des réprimandes. Il s’agit simplement d’un message transmis du point de vue de la base et des minorités. Vous êtes parfaitement en droit de pas être du même avis, voire même de rejeter ce que je viens de dire.
Je propose que les personnes progressistes comme vous et les organisations de minorités ethniques joignent leurs forces et s’adressent directement aux gens. Cette approche mettra les minorités ethniques en confiance, suscitera leur compréhension et les encouragera à assumer l’entière responsabilité des leurs actes. Pour les pouvoirs publics, il sera plus aisé de comprendre les problèmes auxquels les minorités ethniques sont confrontées comme, par exemple, l’indisponibilité de ressources financières, l’absence de réseaux et le manque de possibilités.
Petite mise en garde: cette pleine participation ne tombera pas du ciel, elle sera le fruit d’une lutte politique reposant sur une analyse claire, ne prenant pas des rêves pour des réalités et menée en étroite collaboration avec ceux qui croient toujours aux droits de l’homme, au développement pluraliste et, par-dessus tout, à la préservation de leurs sociétés démocratiques.
Les minorités et la majorité doivent s’efforcer tout particulièrement d’être inclusives. Cette société est autant la vôtre que la mienne. Mes droits sont les vôtres; il faut les protéger, prendre soin d’eux et les exprimer. Nous devrions tous parler avant qu’il ne soit trop tard.
Par conséquent, où allons-nous aller à présent?
Les minorités ethniques croient sincèrement qu’il y a en Europe des gens, des mouvements et des forces qui se préoccupent de leurs beaux pays, de leurs continents, de leurs grandes valeurs humaines, de leur réputation internationale, de leur liberté spirituelle et de leur humanisme. La mission qui nous attend est peut-être difficile, mais pas impossible à remplir. Pour reprendre les paroles de la célèbre anthropologue Margaret Mead:
«Ne doutez jamais qu’un petit groupe de citoyens attentifs et engagés puisse changer le monde. C’est même la seule chose qui l’ait jamais fait.»
Nous voulons une Europe où règne véritablement pour tous ses habitants la paix et la prospérité. Les minorités veulent sans aucun doute que leurs semblables les respectent comme des êtres hu-mains. Elles ne veulent pas que la couleur, la religion, l’accent et l’origine culturelle et ethnique soit considérés et vécus comme des obstacles, mais comme un apport positif et enrichissant à la société dans laquelle elles vivent.
Les minorités ethniques et les forces progressistes doivent se donner la main et placer leur collaboration au-dessus des partis politiques, des idéologies et de la pitié humaine. Elles doivent s’efforcer de créer une société libre de préjugés et débordante de tolérance et d’ouverture d’esprit sincère. Elles pourront y parvenir si l’esprit rationnel occidental se mêle à l’âme philosophique orientale, bâtissant ainsi la voie de la compréhension véritable. Pour reprendre les paroles de Khalil Gibran, le grand philosophe et poète libanais:
«S’aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, mais regarder dans la même direction.».
Je citerai aussi Susan Sontag, grand écrivain américain qui nous a quitté:
«Il y a des gens qui prétendent que l’Europe est morte. Il serait peut-être juste de dire que l’Europe n’est pas encore née. Nous avons grand besoin d’une Europe qui prenne soin de ses minorités sans défense. Il est nécessaire que l’Europe soit multiculturelle, sinon elle cessera d’exister.»
Seuls des fous pourraient prétendre le contraire.