Terry Volbrecht / Shirley Walters

Quand on évoque la formation dans l’enseignement supérieur, c’est toujours la vielle image de l’université, avec son système traditionnel de cours magistraux, qui nous vient à l’esprit. Mais on attend aujourd’hui autre chose de la formation universitaire. À l’université aussi, l’éducation permanente a fait son entrée et exige des modes de pensée, des méthodes, des contenus etc. complètement nouveaux. C’est à l’exemple de l’Université de Western Cape, en Afrique du Sud, que les deux auteurs analysent dans cet article l’influence de l’éducation permanente sur les structures universitaires. Mr. Terry Volbrecht est maître-assistant au département d’éducation permanente de l’Université de Western Cape, où il a également coordonné le Centre de Développement universitaire. Il est actuellement chargé de la gestion du projet Recognition of Prior Learning (reconnaissance de l’enseignement antérieur), mis en place au sein du département. Le professeur Shirley Walters est la directrice fondatrice du Centre d’éducation des adultes et de formation continue et dirige également un nouveau département d’éducation permanente à l’UWC. Une première version de cet article a été publiée sous forme de document de travail pour le Groupe de recherche sur l’éducation des adultes de l’École royale danoise d’études éducatives, au Danemark. Conférence internationale: Savoir, pouvoir et éthique, Université de Linköping, août 1999.

Une image nouvelle: l’éducation permanente à l’université

Introduction

Une image bien précise de l’université retient l’attention d’un bon nombre d’entre nous: il s’agit d’un chargé de cours qui s’adresse à de jeunes adultes. Cette image, nous nous proposons de la réétudier sous l’angle de l’«éducation permanente», que nous allons définir comme étant le cadre de base de l’enseignement supérieur et de l’université.

Si nous analysons les organismes d’enseignement supérieur dans la perspective de l’«éducation permanente», nous devons regarder à la fois à l’intérieur et à l’extérieur. À l’intérieur, nous constatons que les organismes s’attachent à garantir la qualité, la flexibilité de l’enseignement et un apprentissage soulignant les besoins individuels des divers apprenants et le développement professionnel diversifié du personnel. À l’extérieur, nous notons que l’accent est mis sur l’aide à garantir l’accès au moyen d’un ensemble de mesures éducatives adaptées au contexte socio-économique, aux possibilités de formation et de recherche. Cette perspective met en exergue, sous des formes nouvelles, ce que les divers conseils littéraires ont appelé «enseignement universitaire», «développement universitaire», «études supérieures», «éducation des adultes», «éducation permanente», «développement des ressources humaines» et «développement organisationnel».

C’est à partir d’une étude de cas réalisée par l’Université de Western Cape en Afrique du Sud, où nous travaillons respectivement dans les secteurs intitulés «éducation des adultes et éducation permanente» et «développement universitaire», que nous nous proposons d’analyser dans quelle mesure la concrétisation de l’idée de l’éducation permanente nous aide à élaborer une conception nouvelle de l’université.

Le contexte

L’enseignement supérieur, en Afrique du Sud, subit actuellement une restructuration radicale qui a des retombées majeures sur chaque aspect de la vie universitaire. Les universités du pays traversent des stades différents de remaniements institutionnels pour s’adapter aux politiques nouvelles et aux autres impératifs nationaux et internationaux. Il s’agit entre autres de réorganiser les connaissances dans certaines disciplines dans le cadre de programmes intégrés, d’accroître la participation des étudiants issus d’autres groupes et classes sociales, d’être plus à l’écoute des besoins de la société. Comme dans de nombreux pays du monde, nous constatons un besoin de diversification et d’ouverture de l’enseignement supérieur à de larges couches de population, sans toutefois pouvoir escompter une augmentation substantielle des ressources. Ce qui veut dire que l’on a besoin d’approches novatrices d’apprentissage et d’enseignement.

L’Afrique du Sud compte 21 universités qui se caractérisent par les immenses inégalités qui prévalent entre universités historiquement noires (HBUs) et historiquement blanches (HWUs) pour une population d’environ 40 millions de personnes. En 1959, le régime de l’apartheid a introduit la Loi sur l’extension des universités, qui classifiait les universités en fonction des divers groupes ethniques. La majorité des universités noires se trouvent dans les zones rurales, les blanches dans les zones urbaines. D’immenses différences prévalaient entre les HBUs et les HWUs en matière de financement, de ressources matérielles, de personnel, de charges des enseignants, de qualité des étudiants, de disponibilité des cours, etc. Du fait que les HBUs étaient chargées de préparer des fonctionnaires aux bureaucraties de l’apartheid, les étudiants des universités noires sont spécialisés en administration publique, en éducation, religion et sciences humaines et bien moins en sciences de la nature, ingénierie et disciplines connexes. De même, les programmes post-diplôme, la recherche et la publication ne s’y sont pratiquement pas développés.

Le niveau inégal entre HBUs et HWUs vient du fait que les universités ont souvent eu tendance à s’adresser aux personnes ayant abandonné l’école. Pour les HBUs, cette immense charge éducative consistait à aider les étudiants à surmonter le «creux d’articulation» entre la scolarisation de bas niveau imposée par l’«apartheid» et l’université. En même temps, les HBUs devaient donner accès à l’anglais en tant que langue d’enseignement et d’apprentissage pour les personnes parlant l’Afrikaans et les langues africaines.

Les HBUs, y compris l’UWC, ont eu tendance à adopter une «politique d’admission ouverte». Les HWUs quant à elles ont appliqué des critères d’entrée plus sévères accompagnés d’un recrutement intensif et de programmes de promotion des étudiants noirs doués. Le fait que les HBUs aient été incapables de faire face à la concurrence pour ces jeunes étudiants noirs prometteurs a eu des incidences malheureuses et les ont empêchées de devenir des organismes de recherche prospères et puissants. L’UWC a fait des progrès remarquables dans ce domaine, mais si elle cherche à faire concurrence aux HWUs, elle devra rechercher sa clientèle autre part que dans les abandons scolaires.

L’Université de Western Cape (UWC)

L’UWC est une université noire mise en place en 1961 pour les personnes dites «de couleur» (c’est-à-dire, dans le contexte de l’apartheid, les métis «Européens» et «non-Européens» de descendance majoritairement africaine). Vers la fin des années 70, l’UWC a entamé une phase historique de lutte anti-apartheid dont elle peut être fière. Elle est devenue plus particulièrement célèbre à la fin des années 80 pour ses positions provocantes de soutien ouvert aux mouvements de libération interdits à l’époque. Elle a accueilli plus de 14 000 étudiants en 1995, cinquante pour cent étant des femmes, presque la moitié des Africains noirs et le reste des gens «de couleur» et quelques «blancs» ça et là. En 1999, l’université compte environ 10 000 étudiants, dont 60% sont des femmes et 60% des Africains noirs.1 La majorité des étudiants sont issus de milieux pauvres de la classe ouvrière, la plupart d’entre eux étant les premiers de la famille à étudier.

L’UWC ressent très intensivement l’impact des changements intervenus dans l’enseignement supérieur. Elle a mis en place un ensemble de mesures pour tenter de repositionner l’institution. L’une des plus importantes a été la création par le rectorat, en 1997, de l’UMILL (University Mission Initiative on Lifelong Learning – Initiative de mission universitaire pour l’éducation permanente). L’UMILL a été créée pendant la deuxième étape de définition de l’éducation permanente en tant que cadre opérationnel de l’UWC, la première s’étant soldée par l’ouverture d’un débat sur plusieurs rapports relatifs à l’enseignement à distance et à l’apprentissage basé sur les ressources, la formation professionnelle continue et l’éducation permanente. À la fin de 1998, l’université a entamé la troisième phase avec la création d’une Division d’éducation permanente (Division for Lifelong Learning). Cette division est censée travailler avec plusieurs facultés et s’articuler et collaborer avec plusieurs autres unités-clés pour assurer une concentration sur l’enseignement et l’apprentissage, le développement professionnel des éducateurs d’adultes, des responsables de la formation continue et des éducateurs de l’enseignement supérieur, et enfin la formation continue. C’est notre engagement actif en faveur de ces processus qui a engendré les questions auxquelles nous voulons consacrer notre article.

Nous commencerons par définir ce que l’éducation permanente signifie pour l’enseignement supérieur. L’éducation permanente en tant que cadre contextuel fait apparaître certaines questions sur les définitions de l’éducation des adultes et de la formation continue, du développement universitaire et des structures organisationnelles au sein de l’enseignement supérieur. Si l’éducation permanente semble très prometteuse pour notre nouvelle conception de l’UWC, nous nous interrogeons néanmoins sur les éléments susceptibles de contrer ou bien d’encourager cette vision nouvelle.

L’éducation permanente dans l’enseignement supérieur

En partie guidée par les exigences du capitalisme avancé et en partie réticente à ces dernières, l’éducation permanente est devenue un concept-clé des réflexions sur l’éducation et la formation dans le monde. Les changements sociaux, technologiques, culturels, économiques, juridiques et éducatifs se font à un rythme accéléré dans le monde entier. Nous sommes en même temps témoins d’une interconnexion globale croissante entre de nombreuses sociétés et économies. Tous ces changements exigent que les gens soient capables de s’adapter et de se responsabiliser, autrement dit de continuer à apprendre tout au long de leur vie. Vu les changements particulièrement profonds qui affectent actuellement l’Afrique du Sud, il est surtout important que le système éducatif sud-africain, y compris le système d’enseignement supérieur, produise des étudiants et des éducateurs qui apprennent tout au long de leur vie et qu’il soit le garant de l’éducation permanente. Les Sud-Africains doivent apprendre à se réinsérer dans l’économie mondiale et s’engager à la fois pour l’égalité et le redressement de leur pays après ces longues années de colonialisme et d’apartheid.

L’éducation permanente est par définition transsectorielle. Elle ne se limite pas à l’éducation formelle; elle inclut l’éducation des adultes, l’éducation communautaire et l’apprentissage sur le lieu de travail tout en garantissant l’accès à d’autres possibilités d’apprentissage comme les bibliothèques et les données électroniques. Elle inclut tous les types et tous les niveaux d’apprentissage indépendamment de leurs contenus, de l’endroit et de la forme sous laquelle ils ont lieu. Le fait d’adopter les principes de l’éducation permanente a des conséquences sur tous les aspects de l’éducation et de la formation, y compris la manière dont nous conceptualisons, pratiquons et gratifions les études universitaires.

Dans divers pays y compris l’Afrique du Sud, les documents de politique éducative présentent souvent l’éducation permanente comme une panacée: elle contribue au développement professionnel, réduit le chômage, encourage la flexibilité et le changement, améliore la compétitivité personnelle et nationale, contribue au développement personnel, etc. Elle est devenue un «discours politique» que l’on peut interpréter de diverses manières. D’un côté, elle est considérée comme un cadre conceptuel impliquant une compréhension globale et individuelle des priorités éducatives et des stratégies correspondantes, et affirmant les différences entre les divers modes d’enseignement et d’apprentissage. D’un autre côté, dans son expression la plus simple, elle s’intéresse surtout au besoin de garantir l’accès à l’éducation tout au long du cycle de vie. Sous cette forme, la principale question concerne l’accès et l’offre, qui sont liés aux principes d’équité. Dans cette mesure, l’accent n’est pas mis explicitement sur l’enseignement et l’apprentissage mais sur l’amélioration des offres éducatives actuelles.

De nombreuses personnes font une distinction entre éducation permanente et éducation sociale malgré la situation de pauvreté réelle et l’existence indéniable de conflits sociaux. En Afrique du Sud, nous pouvons affirmer que l’éducation permanente fait partie intégrante de la lutte pour la démocratie et la justice sociale.

Les conséquences pour l’enseignement supérieur

Il est d’usage de diviser l’enseignement supérieur en trois secteurs: enseignement, recherche et services communautaires. Dans chacun de ces trois secteurs, le but est d’encourager les gens à l’apprentissage ou de le promouvoir. L’apprentissage n’étant jamais parachevé, l’université doit se donner pour objectif d’encourager et de soutenir l’éducation permanente dans chacun de ces trois secteurs. Cet argument, si nous l’acceptons, a des conséquences importantes pour de nombreux aspects de l’enseignement supérieur; on distinguera en gros entre:

  • les conséquences sur la prestation d’offres d’apprentissage pour le personnel et les étudiants tout au long de la vie, y compris l’articulation avec les contextes d’apprentissage hors de l’institution, et
  • les conséquences pour le personnel assistant, les étudiants et les diplômés, dans le but de développer leurs compétences et leurs qualités et d’en faire des apprenants permanents.

Garantir des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie représente un défi vis-à-vis de la culture traditionnelle de l’université, qui a privilégié les offres éducatives pour les étudiants de 18 à 24 ans et l’enseignement sur place. Les offres pour les étudiants plus âgés étaient généralement proposées sous forme d’études post-diplôme. Dans les universités historiquement noires d’Afrique du Sud (HBUs), plus particulièrement, les offres à temps partiel proposées aux étudiants plus âgés qui allaient aux cours le soir étaient nombreuses. Malgré tout, les offres à temps partiel n’ont pas menacé la culture dominante des services proposés aux étudiants des universités, qui partent du principe que tous les étudiants sont jeunes. De même, l’image prédominante dans l’enseignement a privilégié la notion de l’offre sur place, qui s’oppose à l’enseignement ouvert mettant, lui, l’accent sur les approches flexibles et centrées sur l’apprenant.

Dans le débat sur les offres d’éducation permanente, Phil Candy, théoricien australien de l’éducation permanente, parle de «liens vers le bas», de «liens latéraux» et de «liens vers l’avant». Les «liens vers le bas» se réfèrent au rapport université-école, à l’éducation des adultes et à divers cours de transition. Les «liens latéraux» se réfèrent aux rapports entre les organismes d’enseignement supérieur et aux contextes dans lesquels se réalise une partie de l’apprentissage, que ce soit à la maison, sur le lieu de travail ou dans la communauté. Quant aux «liens vers l’avant», ils se réfèrent aux rapports avec les diplômés par l’intermédiaire des études post-diplôme ou, plus communément, par les programmes de formation professionnelle continue (y comprms le développement du personnel universitaire), les conférences publiques et divers types de vulgarisation.

Le fait d’accepter ce modèle aurait des conséquences considérables pour l’enseignement supérieur. Par exemple, en termes de «liens vers le bas», ceci impliquerait la mise en place de multiples voies d’accès pour les personnes sortant de l’école ou ayant participé à des programmes pour adultes, de même que la reconnaissance de l’enseignement antérieur. Pour ce qui est des «liens latéraux», ceci voudrait dire que la flexibilité des offres donnerait aux habitants des régions reculées accès à l’enseignement supérieur, mais aussi que les apprenants pourraient obtenir des unités de valeur universitaires non seulement pour les études réalisées autre part que sur place, mais aussi pour des apprentissages réalisés sur le lieu de travail, à la maison ou sous forme autodidacte. Finalement, pour les «liens vers l’avant», ce type d’approche signifierait non seulement une facilité accrue d’accès aux post-diplômes et à la formation professionnelle continue, mais aussi que les organismes d’enseignement supérieur soient considérés de plus en plus comme des «centres d’apprentissage communautaire», et que leurs amphithéâtres, laboratoires et bibliothèques soient beaucoup plus utilisés qu’ils ne le sont actuellement. D’une manière générale, cette amélioration radicale des chances d’accès à l’enseignement supérieur et aux études auraient des effets positifs considérables dans tous les domaines de la culture et de la vie des organismes d’enseignement supérieur. Il faudrait toutefois que ceci se fasse sans que l’enseignement supérieur perde son caractère distinctif. Le meilleur moyen d’y veiller est d’insister sur l’importance de l’université, tout en maintenant et en renforçant son rôle de producteur de connaissances nouvelles basé sur la recherche et l’auto-réflexion.

Former des apprenants permanents au moyen de l’enseignement supérieur

Une étude influente réalisée en Australie a évalué «si et dans quelle mesure les contenus, la structure, les modes d’enseignement et les procédures d’évaluation du premier cycle et les activités des services d’aide aux étudiants sont aptes à engendrer des qualités encourageant les diplômés à devenir des apprenants permanents». L’étude acceptait le fait que l’éducation permanente puisse être basée à la fois sur des valeurs concrètes telles le besoin de maintenir la fiabilité professionnelle et de disposer d’une main d’œuvre compétitive au plan mondial, et sur des considérations plus libérales et humaines telles l’enrichissement de la société et le bien-être des gens en tant que citoyens individuels. Entre autres, l’étude a montré que les cours de premier cycle qui sous-tendent l’éducation permanente présentent les cinq caractéristiques de base suivantes:

  1. ils fournissent une introduction systématique au champ d’étude;
  2. ils créent un cadre comparatif et contextuel qui permet d’analyser le champ d’étude;
  3. ils cherchent à élargir les compétences des étudiants et à créer des compétences génériques;
  4. ils laissent une certaine liberté de choix et une flexibilité de structure;
  5. ils donnent une possibilité supplémentaire de développer l’apprentissage auto-dirigé.

L’étude a également retenu les méthodes d’enseignement qui encouragent les diplômés à continuer à apprendre tout au long de leur vie, autrement dit à devenir des apprenants permanents. Ces méthodes ont les caractéristiques suivantes:

  1. elles utilisent l’apprentissage mutuel et auto-dirigé;
  2. elles incluent l’apprentissage expérimental et en rapport direct avec le monde;
  3. elles utilisent l’apprentissage basé sur les ressources et sur les problèmes;
  4. elles encouragent le développement de la pratique réfléchie et de l’autocritique;
  5. dans les cas appropriés, elles utilisent l’enseignement ouvert et les mécanismes de prestation alternatifs.

L’éducation permanente est un principe organisateur dont le but est de produire des apprenants permanents et de proposer des offres d’éducation permanente tout au long de la vie; elles peut donc avoir de nombreuses retombées sur le système dans son ensemble, pour les organismes individuels, les cours ou les programmes d’études et enfin, pour les membres du personnel aussi bien universitaire que d’appoint. Nous allons développer ces idées plus loin en relation avec l’UWC.

Regard sur l’intérieur: reconcevoir le développement universitaire

Ce qu’on appelait «développement universitaire» (AD) en Afrique du Sud était à l’origine une nouvelle version des «Programmes de soutien universitaire» (ASPs) des universités blanches. La différence-clé entre ces deux concepts était que le développement universitaire, l’AD, était censé réadapter les organismes aux besoins des étudiants et de la société dans la mesure où il s’adressait aux étudiants «défavorisés». L’UWC a établi son propre programme de développement universitaire en 1991, à la condition que tous les universitaires contribuent à la réalisation de la mission. Pour concrétiser cette idée, des comités de développement universitaire ont été créés dans les facultés; leur tâche consistait à travailler en collaboration avec un Centre de développement universitaire (ADC), ce dernier étant accompagné d’un ensemble de projets axés sur la politique d’admission, l’enseignement et l’apprentissage, la langue, l’enseignement assisté par ordinateur, la recherche éducative, le développement de programmes de tutorat et l’apprentissage mutuel. Bien qu’on enregistre des améliorations considérables dans l’enseignement et l’apprentissage depuis la mise en place des programmes de développement universitaire, nous constatons un certain nombre de points faibles dans ce que certains appellent le modèle d’ «infusion»:

  1. une confusion conceptuelle sur le terme de développement universitaire, avec une forte tendance à persister à l’identifier au rattrapage des étudiants défavorisés. En même temps, aucune politique institutionnelle cohérente n’a été appliquée pour réponare aux besoins de ces étudiants, plus particulièrement au moment de leur entrée à l’université;
  2. une tendance à laisser la responsabilité du développement universitaire à des personnes individuelles engagées, à un personnel relativement jeune et à des comités marginaux. Au niveau institutionnel, des facultés ou des départements, il n’y a pas eu d’élaboration de plans stratégiques de développement universitaire identifiant clairement les rôles et les responsabilités à tous les niveaux, y compris les cadres moyens et supérieurs;
  3. le manque de directives politiques clairement définies et habilitantes, et de stratégies de réalisation pour l’amélioration et l’évaluation de l’enseignement et de l’apprentissage;
  4. une quantité insuffisante de matériel et de ressources humaines pour répondre aux exigences du développement.

L’UWC a attribué huit postes académiques permanents au Centre de développement universitaire pour garantir le caractère opérationnel des projets à court terme financés par l’étranger. Mais la décision de remettre à plus tard le renouvellement des nominations aux postes permanents pendant la période d’incertitude qui a prévalu un certain temps sur l’avenir du développement universitaire, a eu des effets très négatifs à la fois sur le Centre et le Programme de développement universitaire; un nombre importƒnt de personnel très spécialisé du centre a quitté l’université pour chercher des postes plus sûrs et mieux rémunérés autre part.

En 1997, la South African Association for Academic Development (Association sud-africaine pour le développement universitaire, SAAAD), a réalisé un audit sur le développement universitaire; l’audit recommandait de l’identifier au développement des étudiants, du personnel et des programmes, et au développement organisationnel. En réponse à cet audit et aux textes politiques nationaux qui commençaient à apparaître, un groupe de travail du Forum de restructuration de l’UWC proposa de donner au développement universitaire la définition duale suivante:

  • Le développement universitaire est un ensemble systémique et systématique de politiques et de pratiques basé dans l’enseignement supérieur et comprenant le développement des étudiants, le développement du personnel, le développement des programmes et lš développement organisationnel dans un effort concerté de promotion de l’éducation permanente au nom du bien-être individuel, social et environnemental.
  • Le développement universitaire est une discipline intellectuelle, universitaire et professionnelle requise pour théorétiser, conseiller, mettre en œuvre et réviser les politiques et les pratiques du développement universitaire.

Depuis 1996, l’UWC a fait plusieurs propositions divergentes visant à reconcevoir le développement universitaire. L’une d’entre elles propose de remplacer le terme par celui d’éducation permanente en tant que cadre conceptuel d’une politique d’enseignement et d’apprentissage soigneusement élaborée dote de structures appropriées et de processus de mise en œuvre et d’évaluation des politiques. La position qui prédomine chez les dirigeants de l’université, néanmoins, est de décentraliser le développement universitaire et de doter les facultés, les projets ou les unités de coordinateurs dépendant du centre, qu’on installerait ailleurs sur le campus. Les dirigeants ont réaffirmé leur position à la fin de 1999.

Si toutefois la nouvelle politique nationale d’enseignement supérieur a elle-même besoin de transformer le développement universitaire en éducation permanente et souhaite en faire une structure de développement dont la mission dépasserait le pur rattrappage des jeunes ayant abandonné l’école, nous pouvons nous attendre aux processus suivants:

  • une redéfinition du développement de l’étudiant, avec une concentration accrue sur le niveau d’entrée et l’admission d’étudiants plus âgés;
  • le développement de procédures d’évaluation pour la Reconnaissance de l’apprentissage antérieur (RPL);
  • le déploiement d’efforts basés sur la recherche permettant de définir des critères spécifiques et transsectoriels conformément au Cadre national de qualifications (NQF), qui comprend une vision émancipatrice de l’Éducation basée sur les résultats (OBE);
  • aide et recherche pour le développement des étudiants dans certaines disciplines et certains programmes, de même que dans leurs modules de base;
  • une redéfinition du développement du personnel, avec abandon du modèle de conseil ad hoc, volontariste, informel et non formel au profit d’un modèle d’éducation permanente / de NQF, avec une synergie soigneusement étudiée entre les programmes et les pratiques de développement formel et informel / non formel;
  • un modèle global de développement du personnel allant au-delà de l’identification du développement du personnel et du développement de l’enseignement;
  • une conception pédagogique allant au-delà de la promotion de l’enseignement et introduisant des éléments conceptuels et gestionnaires dans le contexte de l’apprentissage basé sur les ressources et de la flexibilité des offres;
  • une orientation plus claire en ce qui concerne l’application de la politique linguistique et d’alphabétisation, tout en considérant l’alphabétisation à la fois comme moyen et comme fin de l’apprentissage;
  • le recours à l’éducation permanente en tant que structure de développement de spécialistes génériques dans l’enseignement et l’apprentissage universitaires;
  • une redéfinition du développement des programmes, ce dernier étant considéré comme un aspect de l’enseignement;
  • un abandon partiel des disciplines en faveur d’autres structures améliorant la production et la dissémination du savoir: programmes, cours de courte durée, modules, apprentissage en groupe (y compris l’éducation conjointe et les projets de formation organisés par l’université en coopération avec les employeurs);
  • une focalisation accentuée sur les pratiques d’évaluation pour les édudiants et le personnel;
  • une approche plus systématique du développement organisationnel guidée par les impératifs nationaux qui prévoient des plans stratégiques triennaux, avec prise en compte de la notion d’organisation de l’apprentissage;
  • une éducation permanente conçue comme un cycle politique de formulation, de mise en œuvre et de révision, avec des rôles bien définis et responsabilité à tous les niveaux de l’institution;
  • une culture locale de promotion de la qualité, collégiale et formatrice mais répondant également aux besoins des organismes de garantie de la qualité nationaux et étrangers.

Regard sur l’extérieur: reconcevoir l’éducation des adultes à l’université et la formation continue

La plupart des gens considèrent l’éducation et la formation continue des adultes à l’université comme une activité axée sur l’extérieur. Dans le Journal international de l’Université d’Éducation des Adultes, l’éducation des adultes et la formation continue à l’université incluent généralement:

  • l’enseignement général non validé (vulgarisation universitaire)
  • l’éducation professionnelle continue
  • les études à temps partiel pour adultes validés par des diplômes
  • l’enseignement universitaire à distance
  • la formation des éducateurs pour les adultes et pour la formation continue
  • la recherche en éducation des adultes et en formation continue

En Afrique du Sud et à l’UWC, l’«éducation des adultes» à l’université se concentrait avant tout sur les deux derniers domaines – formation des éducateurs d’adultes et recherche. «Formation continue» et «éducation permanente» étaient synonymes de «vulgarisation universitaire» et «formation professionnelle continue». Les cours à temps partiel sanctionnés par des diplômes n’ont jamais constitué un programme distinct mais plutôt une duplication des offres actuelles. Une distinction formelle était faite entre les modes de prestation «à distance» ou «sur place» et les universités reconnues en tant qu’«organismes d’enseignement à distance» étaient en proportion infime. Les choses ont changé récemment avec l’apparition de la nouvelle loi sur l’enseignement supérieur.

Le Centre d’éducation des adultes et de formation continue (Centre for Adult and Continuing Education, CACE), mis en place à l’UWC en 1985, a été le premier département d’éducation des adultes créé dans une HBU; il donnait la priorité à l’«éducation des adultes» qui englobait selon lui la formation, la recherche, le travail en réseau et l’aide aux «éducateurs d’adultes»2 opérant dans les communautés pauvres et ouvrières et adeptes du mouvement démocratique. L’UWC a consciemment choisi de donner la priorité à l’éducation des adultes aux dépens de la formation continue dans le but d’en faire un champ d’étude légitime et de travailler plus intensivement avec les gens de terrain.3

Le financement de l’éducation des adultes et de la formation continue par l’État n’était garanti que pour les cours professionnels formels et subventionnés. L’éducation des adultes était essentiellement financée par des donateurs privés et la plupart du temps, les activités d’éducation des adultes se déroulaient en marge des activités universitaires normales.

L’étude de l’UMILL nous a sensibilisés aux superpositions et à la synergie qui prévalent entre ce qui était traditionnellement le domaine du développement universitaire et celui de l’éducation des adultes et de la formation continue. L’éducation permanente telle que définie plus haut est en train de former des apprenants permanents et de proposer des possibilités d’apprentissage permanent aux étudiants et éducateurs dans un cadre plus large de promotion de la citoyenneté démocratique. Cette définition englobe aussi bien les programmes normaux et les programmes de premier cycle et post-diplômes, que la formation continue et les éléments de vulgarisation. Dans ce contexte de reconception de l’enseignement et de l’apprentissage, les délimitations entre éducation sur place et enseignement à distance s’estompent, de même que la différence entre apprenants à plein temps ou à temps partiel. L’éducation permanente est en train de rapprocher ce qui était traditionnellement du ressort du développement universitaire y compris le développement des étudiants, du personnel et organisationnel, mais aussi du ressort de l’éducation des adultes et de la formation continue. Les perspectives d’éducation des adultes focalisées sur l’apprentissage axé sur l’apprenant prennent une place de plus en plus importante dans les réflexions sur l’enseignement et l’apprentissage à l’université dans son ensemble.

Organiser l’éducation permanente à l’université

S’il y a suffisamment d’arguments pour justifier les grands changements nécessaires à la réorganisation des ressources et des modes de pensée, et pour appuyer notre reconception de l’UWC sur l’éducation permanente, quels sont les obstacles, les résistances et les possibilités qui s’offrent ou s’y opposent? Comment l’université peut-elle construire son identité en tant qu’organisme performant d’éducation permanente?

Il serait prématuré de tirer des conclusions hâtives sur ces questions puisque nous nous trouvons actuellement au cœur de processus institutionnels complexes et que les conditions dans lesquelles nous essayons de reconcevoir l’université sont difficiles. Voici une réflexion préliminaire que les auteurs de cet article vous présentent sous forme de dialogue et qui aideront à retenir un certain nombre de questions-clés.

TV: Si nous analysons les évolutions actuelles au niveau d’abord global, puis national, nous notons deux choses: les cadres conceptuels que l’on retrouve dans diverses grandes formulations («Projet d’instruction», «Mouvement dialectique vers une société sans classe», etc.) sont remis en question; ce que nous voyons à la place est un horizon infini d’innombrables possibilités et formulations nouvelles. Sous cet aspect, «l’éducation permanente» (la vie de qui? Quelle vie? Une vie de quelle durée?) propose une alternative aux grandes formulations, dont l’issue reste inconnue; «l’apprentissage» passe avant les concepts de «lutte» et de «développement». Cette altenative nous propose, en tant qu’individus, institutions, cultures, sociétés et espèce, de baser toutes nos formulations sur l’idée que l’apprentissage, formel ou non formel, n’est jamais clos. Il est important de noter en passant que Marx et Engels, dans le Manifeste du Parti Communiste, considéraient le «changement» continu, dynamique et rapide comme l’un des traits caractéristiques de l’ère bourgeoise. L’«éducation permanente» risque donc de tomber dans les pièges bourgeois et néo-libéraux. Mais, comme nous essayons de le prouver à l’UWC, ça n’a pas été le cas jusqu’à présent.

SW: L’éducation permanente reste un terme incompris à l’université. Ce n’est pas surprenant puisque les défenseurs de l’éducation permanente eux-mêmes ont des avis partagés sur sa conception et ses implications idéologiques; certains la considèrent comme un levier rapide permettant d’accélérer la marchéisation de l’enseignement supérieur; d’autres la considèrent au contraire comme un moyen d’ouvrir les institutions dans le but de les rendre moins élitistes et mieux à même de répondre aux intérêts éducatifs de nombreuses couches de population exclues jusqu’à présent. L’éducation permanente est la structure qui permet à l’enseignement supérieur de fonctionner et de consolider la citoyenneté démocratique. L’éducation permanente a tendance à aiguiser les esprits sur la question éternelle des objectifs primaires de l’université. Une question-clé est de savoir si l’UWC va devenir une sorte de «collège communautaire» ou une «université de deuxième classe»; nous pensons que toutes les universités peuvent être des «universités d’éducation permanente» sans compromis au niveau de la qualité.

TV: Il est urgent de conceptualiser l’éducation permanente en donnant la priorité au savoir (y compris la recherche); c’est sur le savoir que l’université doit s’appuyer dès lors qu’elle s’engage dans le débat sur l’éducation permanente. Le savoir est au cœur des activités universitaires; nous pouvons donc considérer l’activité universitaire comme le savoir de la découverte, de l’intégration (dans l’élaboration de manuels par exemple), de l’application et de l’enseignement. Le savoir est la clef de l’éducation permanente. La recherche est une partie fondamentale de l’apprentissage. Si les universitaires ne voient pas le rapport, ils adhéreront difficilement à l’idée de considérer l’éducation permanente comme le cadre légitime de base de l’université.

SW: Généralement, les universités sont des bureaucraties gérées par des professeurs et des administrateurs de sexe masculin, dans des structures qui défendent les cultures organisationnelles patriarcales. Les professeurs et administrateurs qui se considèrent comme des apprenants permanents sont rares. Dans les organismes, le pouvoir est souvent détenu dans des matières soutenues par les associations professionnelles. L’éducation permanente remet en question l’autorité traditionnelle puisqu’elle s’appuie sur le principe que l’éducation est continue et donc inévitablement perturbatrice à certains moments, ce qui est très certainement déstabilisant pour les traditionnalistes.

TV: Nous devons encourager les gens qui travaillent à l’université à devenir des apprenants permanents au sein d’une «organisation apprenante». J’ai connu peu de collègues masculins ouverts à cette idée. Les femmes sont généralement plus ouvertes à ce genre de processus; mais comme les institutions sont dominées par les cultures masculines, il est difficile d’imaginer que des changements substantiels puissent avoir lieu. Ceci dit, il est intéressant de constater que c’est dans le monde corportatif dominé par les hommes que naissent les conceptions universitaires nouvelles.

SW: La notion d’organisme apprenant est nouvelle pour la majorité des universités. D’après moi, les organismes apprenants cherchent à améliorer les performances par l’apprentissage continu et coopératif. D’après Peter Senge, les éléments-clés sont les suivants: pensée systématique, maîtrise de soi, partage des visions et travail en équipe. Les universités encouragent souvent l’individualisme aux dépens du travail en équipe et de la coopération. En outre, les questions d’organisation et de processus sont souvent reléguées au second plan. Les calendriers bureaucratiques ont tendance à structurer ce qui se passe plutôt que les processus organiques. L’éducation permanente représente donc un défi réel pour certains types d’organismes.

TV: Oui, le développement du personnel est crucial pour un organisme apprenant, et les universités le considèrent rarement comme important pour le personnel universitaire ou la direction. C’est également lié au fait que les universitaires donnant la priorité à l’enseignement sont rares puisqu’ils sont tout d’abord chercheurs. Les systèmes de gratification renforcent certainement le tout. Le problème se pose quand il y a tendance à favoriser l’apprentissage aux dépens de l’enseignement. À moins que les systèmes de gratification ne soient revus et insistent sur la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage, il est peu probabe que ceci change. Je pense personnellement que la tendance de certains pays à exiger des qualifications pédagogiques de la part des universitaires peut être bénéfique. L’Afrique du Sud est en train de s’engager dans cette voie puisqu’elle a créé une instance de définition des critères (SGB, standards-generating Body) pour les enseignants des universités, sous l’égide des Autorités sud-africaines des qualifications (SAQA, South African Qualifications Authority).

SW: La prolifération des nouvelles technologies oblige sans aucun doute les universitaires à avoir une conception différente de l’enseignement et de l’apprentissage. Elle encourage aussi l’apprentissage basé sur les ressources aux dépens de l’apprentissage sur place, considéré jusqu’à présent comme le type d’apprentissage de base. L’apprentissage et l’enseignement asynchrones peuvent devenir un ordre du jour. Les nouvelles technologies sont les leviers importants d’une plus grande flexibilité des universitaires et des étudiants. L’enseignement et l’apprentissage sont en pleine révolution, et l’accent est mis sur l’enseignement.

TV: L’apprentissage flexible basé sur les ressources, qui est centré sur l’apprenant, a des conséquences importantes sur les programmes. L’organisation modulaire des cours et des programmes exige une reconception des contenus, qu’il faut réduire à la «taille d’un byte». La globalisation du matériel pédagogique a des conséquences majeures sur les prestations et la conception de ce que nous enseignons. L’éducation permanente encourage cette approche plus flexible, qui reconnaît aussi l’apprentissage antérieur. Elle facilite l’accès en termes d’épistémologie, de temps et d’espace. La révolution dans l’enseignement supérieur exige sans aucun doute des universitaires et des administrateurs une meilleure acceptation des changements. Mais la plupart des universités sont si conservatrices!

SW: Oui, mais l’économie capitaliste mondiale est en train d’influencer ces changements. L’argument est le suivant: si les universités ne changent pas, elles vont devenir de plus en plus inutiles et seront dépassées par d’autres institutions qui reprendront leur rôle traditionnel. Les contribuables refuseront de les financer. Il est donc essentiel que les universités modifient leurs rapports avec les communautés dans la société élargie. En Afrique du Sud, ceci revient à admettre que le savoir est en rapport direct avec les besoins de la majorité des femmes et des hommes. Il faut donner la priorité à la réduction de la pauvreté, à la justice et au redressement national. C’est à l’université de satisfaire les besoins en éducation permanente des communautés pauvres et marginalisées qui assurent leur survie économique, culturelle et personnelle. Dans le cadre de l’éducation permanente, ceci reviendrait à veiller à ce que le regard interne et externe des étudiants et des universitaires soit imprégné de ces questions sociales, politiques, économiques et culturelles.

TV: Là où l’éducation permanente joue le rôle d’arc-boutant, il n’est peut-être plus justifiable de séparer les concepts de «formation continue des adultes» et de «développement universitaire, des étudiants, du personnel ou organisationnel» à l’université. Reste à voir si c’est possible en termes organisationnels. L’argument des universitaires ne se traduit pas nécessairement en structures rationnelles. Les contestations organisationnelles quant à l’allocation des ressources sont une question-clé.

SW: Oui. La façon dont une institution se restructure dans le cadre de l’éducation permanente est un problème important pour nous, à l’UWC. Alors que l’éducation permanente est un concept nouveau pour la plupart, il est peut-être essentiel de veiller à ce que la nouvelle tendance en faveur de l’apprentissage et moins de l’enseignement soit le concept le plus tangible pour les gens. Nous devons comprendre ceci dans le cadre philosophique élargi de l’éducation permanente. Il est crucial que l’éducation permanðnte ne soit pas «détenue» ou identifiée à aucune structure, mais au contraire considérée comme une vision universitaire en soi. Cette vision doit être défendue et mise en pratique avec force et ténacité par les cadres moyens et supérieurs.

TV: Comme nous l’avons déjà dit, l’éducation permanente en tant que cadre institutionnel nous oblige à diriger nos regards sur l’intérieur, mais aussi sur l’extérieur. Je pense que nous devons aussi les diriger vers le haut et vers le bas! Je veux dire que nous devons penser au niveau local (vers le bas) et aussi mondial (vers le haut). La reconception de l’enseignement supérieur se fait à un moment de mondialisation intense dont le but est de transformer la terre en un marché mondial unique dominé par les intérêts des grandes multinationales de la majorité des pays développés du Nord. L’évolution au sein de l’enseignement supérieur reflète le rôle essentiel qui incombe à l’université dans ces processus. L’éducation permanente peut constituer un point central de la marchéisation de l’enseignement supérieur puisqu’elle encourage, par exemple, la flexibilité des prestations des programmes, une plus grande autonomie des étudiants et l’individualisation de l’apprentissage. Tout ceci augmente les offres transnationales de programmes.

SW: Vous avez raison. Nous ne pouvons plus continuer à considérer l’enseignement supérieur comme une question nationale puisque les universités, plus particulièrement dans les pays développés du Nord, s’attèlent activement aux marchés mondiaux. Dans ce processus, les programmes sont déconnectés de leur base locale au profit des programmes ahistoriques et décontextualisés. Il est donc extrêmement urgent d’analyser l’intersection entre savoir, capital et technologie dans ce contexte. Les espoirs de voir apparaître une éducation permanente capable de proposer un programme émancipateur resteront vains tant que premièrement, les superpuissances ne comprendront pas qu’il est dans leur intérêt de promouvoir un système économique mondial plus équilibré (les doutes croissants quant à la viabilité de l’économie mondiale spéculative donnent certains espoirs) et que deuxièmement, les nations exploitées n’élaboreront pas de stratégies anti-hégémoniques efficaces.

Conclusion

Nous avons affirmé que l’éducation permanente est un projet qui relève de l’imagination, mais aussi de la pédagogie et de l’organisation. Le concept est visionnaire mais il remet fondamentalement en question les concepts pédagogiques et organisationnels du fonctionnement universitaire. L’éducation permanente encourage la transversalité entre les domaines professionnels traditionnels tels le développement universitaire, l’éducation des adultes, la formation continue et les études supérieures, ce qui donne une vision nouvelle des développements du personnel, des étudiants, des programmes et de l’organisation. Elle remet aussi en question les objectifs sociaux de l’université aux plans local et global, et les rapports entre l’institution et ses communautés diverses. Elle est déstabilisante parce qu’elle exige une conception nouvelle des institutions d’enseignement supérieur dans une perspective éducative holistique touchant toutes les dimensions de la vie. Les débats sur l’éducation permanente nous rappellent que l’université est un projet éthique et que la structure qu’elle représente offre une chance nouvelle de donner un sens à ce projet.

Notes

1 Le recul du nombre d’étudiants peut sembler paradoxal à un moment où la démocratie nouvelle ouvrait les portes du savoir aux personnes jadis défavorisées. Ce recul est peut être dû au fait que les étudiants ont le choix entre des institutions bien plus nombreuses, aux difficiles conditions économiques et à la lenteur avec laquelle les institutions s’adaptent à la nouvelle situation. Nous allons devoir faire des recherches pour expliquer ce phénomène plus en détail.

2 Ce que nous entendons ici par „éducateurs d’adultes“ a légèrement changé avec le temps. En général, le terme décrit un ensemble d’éducateurs ou d’activistes communautaires qui travaillent dans les domaines de la santé, de la jeunesse, du développement, de l’alphabétisation, des bureaux de conseil, etc. Depuis quelque temps, il inclut également les formateurs dans l’industrie et les enseignants des centres gouvernementaux de formation pour adultes. Le développement professionnel des éducateurs de l’enseignement supérieur prend de plus en plus d’importance dans les débats au sein de l’enseignement supérieur.

3 En 1982, deux études ont été réalisées: la première par le professseur du Toit „Die UWK en voortgesette onderwys“, rapport du Renewal Committe, UWC; la seconde par Shirley Walters: «The role of the UWC in Adult Education», ISD, UWC. La première prône le soutien à la formation continue conformément aux orientations des universités «blanches» Afrikaans; la seconde en faveur de la création d’un institut d’éducation des adultes s’appuyant sur les expériences d’autres universités d’Afrique australe comme au Botswana, au Zimbabwe ou à l’Université du Cap (UCT).

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