K. Sivadasan Pillai

K. Sivadasan Pillai présente en détail l’histoire et les activités de la KANFED (Kerala Association for Non-Formal Education and Development) qui fut créée par P.N. Panicker (dont nous publions un article dans ce numéro). Il mentionne ses partenaires, les compagnons du passé et ceux d’aujourd’hui. La KANFED peut être fière des fruits de son travail: le taux d’analphabétisme a considérablement baissé. Pendant 10 ans, cette organisation a reçu le soutien de l’IIZ/DVV. Après avoir passé un doctorat en éducation non formelle au Royaume-Uni et accumulé suffisamment d’expérience au sein du Sanghom, l’auteur intégra en 1977 le secrétariat de la KANFED dont il est le secrétaire général depuis 1995. Maintenant, il est professeur en retraite de l’Uni- versité de Kerala.

La KANFED et l’éducation des adultes au Kerala  

Le mouvement Grandhasala Sanghom (mouvement des bibliothèques)

Avant l’indépendance, dans l’État de Travancore, jadis une principauté, 47 bibliothèques s’unirent en 1945 pour former un mouvement baptisé Travancore Grandhasala Sanghom. Par la suite, il reçut le nom de Kerala Grandhasala Sanghom qui regroupait près de 5000 bibliothèques affiliées. «Lisez et grandissez», tel était son slogan. P.N. Panicker, son fondateur, resta le pivot de ce mouvement environ 32 années durant (jusqu’en 1977 quand il fut repris par le gouvernement de l’État). Aujourd’hui, appelé Conseil des bibliothèques de l’État du Kerala (Kerala State Library Council), il est doté d’une structure démocratique et reçoit le soutien financier du gouvernement de l’État.

Les bibliothèques des campagnes organisaient des cours du soir pour lutter contre l’analphabétisme et répandre la lecture plus largement. Chaque district d’un panchayat (conseil local élu) était pourvu d’une bibliothèque installée dans un bâtiment qui lui était réservé et dotée de nombreux livres, de la radio, de la télévision, d’un club sportif, d’un club artistique, d’une aile réservée aux femmes, d’une section pour les enfants, d’une crèche, etc. Le mouvement des bibliothèques au Kerala est unique et a été couvert d’éloges non seulement en Inde, mais aussi à l’étranger.

En 1970, alors que le mouvement Kerala Grandhasala Sanghom célébrait son vingt-cinquième anniversaire, une enquête concernant la lecture fut entreprise. Ses résultats furent très révélateurs: elle mit en lumière que même à Trivandrum, la capitale du Kerala, certains districts comptaient plus de 80 % d’analphabètes. Le slogan «Lisez et grandissez» devenu très populaire fut changé en «Alphabétisez-vous et affirmez-vous». Un ambitieux projet d’une durée de six mois, le Projet d’alphabétisation fonctionnelle des agriculteurs qui consistait en 2 cours de six mois dans des centres rattachés à chacune des 3500 bibliothèques fut soumis au gouvernement indien. Seuls 20 centres reçurent une approbation à titre expérimental, ce qui marqua toutefois le commencement, dans l’État, de la lutte organisée contre l’analphabétisme. L’évaluation réalisée par Asher Deleon (représentant de l’UNESCO), le Dr T. A. Koshy (représentant du DAE) et les représentants du Kerala Grandhasala Sanghom permit de conclure que des mesures concrètes devaient être prises pour élaborer des abécédaires, sélectionner des éducateurs et les former, mettre sur pied un système de surveillance, etc. pour obtenir les résultats voulus. Cette analyse révéla que six mois ne suffisaient pas pour apprendre la lecture, l’écriture et le calcul. Les cours organisés par la suite comblèrent ces lacunes, ce qui permit d’obtenir de bien meilleurs résultats. En 1975, le Kerala Grandhasala Sanghom reçut le prix Krupskaya (honorable mentor) de 5000 dollars US pour sa remarquable contribution dans le domaine de l’alphabétisation et de l’éducation des adultes. Ce mouvement poursuivit ses activités jusqu’en 1977 où il fut repris par le gouvernement. Par la suite, ses priorités changèrent. Financé et reconnu par le gouvernement de l’État, il a été rebaptisé du nom de Conseil des bibliothèques de l’État du Kerala (Kerala State Library Council) et reconquiert maintenant la notoriété qu’il avait perdue. Le Kerala Grandhasala Sanghom compte à son actif dix abécédaires, 5 manuels/guides, 110 ouvrages pour néo-alphabètes, un hebdomadaire pour néo-alphabètes, le Sakshara Keralam, et toute une série de brochures et d’affiches.

Le Kerala State Literacy Council

(Conseil d’alphabétisation de l’État du Kerala)

En 1974, le Conseil d’alphabétisation de l’État du Kerala fut créé en vue de combattre l’analphabétisme. Le Kerala Grandhasala Sanghom dut abandonner son plan d’action. Ceci entraîna au départ certains problèmes du fait que le Premier ministre et différents autres ministres étaient membres de son comité exécutif. Cette organisation produisit un recueil d’articles/de traités signés de la plume d’éminents pédagogues et praticiens, intitulé «Saksharatha» (Alphabétisation) et publié par l’Institut public des langues. Toutefois, le Conseil d’alphabétisation de l’État du Kerala opéra de moins en moins et finit par ne plus avoir grande influence.

La KANFED

En juin 1977, la KANFED (Kerala Association for Non-formal Education and Development – Association du Kerala pour l’éducation non formelle et le développement) fut enregistrée sous la loi n°12 de 1955 (n° d’enregistrement 317/77) du Travancore-Cochin relative aux associations caritatives, en tant que ramification du Kerala Grandhasala Sanghom et du Conseil des bibliothèques de l’État du Kerala. Elle se composait des membres du comité d’experts en alphabétisation du Sanghom. La KANFED devait réaliser un certain nombre d’objectifs spécifiques:

  1. éradiquer l’analphabétisme dans l’État,

  2. donner à tous les nécessiteux la possibilité de se former dans le cadre de l’éducation permanente,

  3. renforcer le mode d’éducation non formelle,

  4. associer des activités de développement à l’éducation non formelle.

Elle visait à libérer les masses, et particulièrement les opprimés en leur sein, c’est-à-dire certaines castes et tribus, mais aussi les femmes. Pour cela, des cours furent organisés aux niveaux des districts/des quartiers/des panchayats et des centres d’alphabétisation mis en service. Dans de nombreux endroits, des «KANFED Bhavans» furent créées et des programmes d’aide sociale lancés. L’État et le gouvernement central reconnurent la KANFED et lui octroyèrent des subventions.

Sur la recommandation du gouvernement de l’État, le gouvernement central confia la responsabilité du Centre des ressources de l’État (State Resource Centre) à la KANFED. Le Centre des ressources de l’État fut créé en juillet 1978 en tant que projet de la KANFED. À une époque, ses activités et celles de la KANFED étaient si étroitement liées qu’il était difficile de les distinguer l’une de l’autre. Plus tard, un comité administratif, composé de représentants du gouvernement et de la KANFED, fut formé pour superviser le fonctionnement du Centre des ressources de l’État. Ce système fut maintenu jusqu’en 1993 quand le Centre fut lui-même officiellement enregistré en tant qu’organe individuel. Le président de son conseil d’administration était le ministre de l’Enseignement général. Ses subventions augmentèrent, passant d’une somme qui se situait entre 200 000 et 500 000 roupies en 1978 à 25 millions dans les années 1999-2000. Le Centre des ressources de l’État avait ses propres publications: abécédaires, guides, ouvrages de référence, ouvrages destinés aux néo-alphabètes, diapositives, courbes, brochures, affiches, etc. des tinés au secteur de l’éducation non formelle et élaborés généralement à l’occasion d’ateliers auxquels le personnel qualifié de la KANFED participait en grand nombre.

La Confédération allemande pour l’éducation des adultes (DVV) offrit à la KANFED environ dix années durant son appui financier pour mettre sur pied des centres d’alphabétisation et d’éducation permanente, former du personnel, élaborer et publier, entre autres, des ouvrages et périodiques pour les néo-alphabètes et décerner des prix à des travailleurs sociaux engagés lors de la fête annuelle de la KANFED. La collaboration entre le DVV et la KANFED fut jugée comme le meilleur des 19 projets menés à l’époque. L’UNICEF fournit son soutien aux centres d’éducation non formelle ouverts aux personnes de 15 à 45 ans, et vivant en marge de la société. Dans le cadre de ce programme, 25 centres furent ouverts pour une période de trois ans dans six districts du nord du Kerala. La KANFED réalisa un petit film intitulé «Lead Kindly Light», qui fut diffusé aux quatre coins du Kerala dans le but de motiver et de conscientiser les foules. La fondation Ford offrit son soutien pour organiser dans l’État les programmes BJVJ et Neethi Vedi. Des Souhrida Gramas (villages de l’amitié) furent créés. De nombreux conflits y furent résolus, ce qui permit d’éviter des procès. «We are one» (nous ne faisons qu’un), tel était le slogan que la KANFED proposa dans la lignée du projet Harambee (Harambee signifiant «tous pour un» en kiswahili – n.d.l.t.) au Kenya. Au Kerala, la KANFED est, c’est le moins qu’on puisse dire, devenue synonyme d’éducation des adultes et d’éducation permanente.

La KANFED a joué un rôle unique dans l’émergence du Kerala en tant que premier État indien presque intégralement alphabétisé. Elle fit sa première tentative dans la colonie des Vediappanchal Harijan du village d’Ezhome situé dans le district de Kannur. La KANFED considéra cette tâche comme un défi qu’elle releva avec l’aide d’un pasteur local, le Fr. Sukhol, et d’un bénévole formé par la KANFED, le militant V.R.V. Ezhome. Ceci se déroulait entre 1981 et 1982. Une bhavan (mot indien qui signifie «maison») érigée par la KANFED à Ezhome témoigne encore du défi relevé par cette organisation et du travail digne d’éloges qu’elle y a accompli.

La campagne suivante d’alphabétisation totale se déroula dans la région de la ville de Kottayam. Ici, le NSS (National Service Scheme – programme de service civil) de l’université Mahatma Gandhi et de la municipalité de Kottayam fournirent avec la KANFED un travail acharné pour organiser une enquête journalière et la campagne qui suivirent. 2208 adultes analphabètes furent alphabétisés en l’espace de dix mois. Ce projet était connu sous le nom de Campagne de Kottaya pour l’éducation et l’alphabétisation de la population (PELCK). Il précédait le Projet d’alphabétisation totale d’Ernakulam.

Dans le district d’Ernakulam, on releva 161 000 analphabètes. Tous les efforts possibles furent entrepris pour enrôler 2000 jeunes gens instruits en tant que bénévoles. Le KSSP et la KANFED, deux organisations bénévoles qui opéraient au niveau de l’État, créèrent un terrain propice au projet à l’aide de différentes formes d’art folklorique, de réunions, de padayatras (marches), etc. Le KSSP se chargea principalement de ces activités. Le receveur du district K. R. Rajan était l’initiateur du projet, cependant ce fut une nouvelle organisation bénévole sous la direction de l’ancien juge de la Cour suprême Krishna Ier qui organisa le programme. Grâce à un travail acharné et plein de dévouement, le district d’Ernakulam fut déclaré premier district indien totalement alphabétisé par le Premier ministre de l’époque V.P. Singh. Cette campagne reçut le prix de l’UNESCO.

La KANFED avait élaboré un projet expérimental d’«alphabétisation en 90 jours» qui fournit de bons résultats. Des abécédaires individuels furent élaborés et la KANFED forma du personnel. Il était difficile d’organiser des cours d’alphabétisation de longue durée. Toutefois, l’évaluation montra que trois mois suffisaient pour alphabétiser un adulte, mais qu’il était indiqué d’entretenir les acquis et de les parfaire. La KANFED organisa des stages de cent jours pour trois groupes de trente participants. Bon nombre des participants sont devenus à différents niveaux des animateurs socioculturels trés prometteurs. C’est la KANFED qui, la première, commença à reconnaître les travailleurs sociaux et à leur rendre hommage à l’occasion de ses réunions annuelles.

La KSLMA (Kerala State Literacy Mission Authority – administration chargée de l’alphabétisation dans l’État du Kerala) fut constituée sur l’ordre de la NLM (National Literacy Mission) pour lancer en 1990 une campagne d’alphabétisation totale dans tout l’État. Le Premier ministre est à la tête de la KSLMA, et le ministre de l’Éducation en dirige le comité exécutif. Elle se compose en outre d’un directeur de l’État avec son personnel et des conseillers. Des LMA (administrations chargées de l’alphabétisation) furent créées dans 14 districts au niveau desquels elles opèrent. Elles surveillent actuellement la mise en place de programmes de formation continue par différents pouvoirs locaux autonomes et organisations bénévoles.

La Campagne d’alphabétisation totale culmina lorsque le pourcentage d’alphabétisation obtenu (93,58 %) fut révélé le 18 avril 1991 à Kozhikode.

Depuis 1978, la KANFED a produit entre 20 et 25 abécédaires, près de 20 guides, manuels, etc., environ 50 ouvrages de référence à l’usage des animateurs, approximativement 210 livres destinés aux néo-alphabètes et de nombreuses brochures. «KANFED News», son hebdomadaire pour néo-alphabètes, «Anoupacharika Vidyabhyasam », son bimensuel pour les employés et «Nattuvelicham», son bulletin mensuel offrent un soutien constant aux gens de terrain, tant employés qu’organisateurs.

P.N. Panicker, l’artisan du mouvement des bibliothèques au Kerala fut également le moteur de la KANFED de 1977 jusqu’à son décès en 1995. P.T. Bhaskara Panicker, chercheur très apprécié qui occupa un certain temps le poste de président du Sanghom, fut d’un grand soutien pour les programmes de la KANFED à laquelle il fit partager sa vision. C’est à lui que la KANFED doit son nom, ainsi que d’autres organisations qui naquirent par la suite et reprirent le «FED» (Consumerfed, Marketfed, Nafed, etc.). Le Dr K. Sivadasan Pillai a, lui aussi, contribué largement aux activités de la KANFED. Après avoir passé un doctorat en éducation non formelle au Royaume-Uni et accumulé suffisamment d’expérience au sein du Sanghom, il intégra en 1977 le secrétariat de la KANFED dont il est le secrétaire général depuis 1995. Le Dr N. V. Krishna Warrier, homme de lettres, le Dr N. P. Pillai, expert de l’UNESCO, Lakshmi N. Menon, ancienne ministre des Affaires étrangères, le Dr Pushpita John, activiste social, le Dr Sooranad Kunjan Pillai, encyclopédie vivante et lexicologue, le Dr Benedict Mar Gregorious, archevêque de Trivandrum, le Dr M. Haridas, conseiller sur le terrain du NCERT, le Dr K. Madhavankutty, ancien directeur de la faculté de médecine, et K. Ravindranathan Nair, magnat des affaires de la ville de Kollam, pour n’en citer que quelques-uns, font également partie des promoteurs de la KANFED. Actuellement, la KANFED compte 320 membres perpétuels, 2 membres institutionnels permanents et environ 300 membres associés. Son système administratif est unique et se compose d’un présidium de trois membres, d’un secrétariat de cinq membres, d’un comité exécutif de 31 membres et d’un conseil d’administration de 100 membres, tous élus pour trois ans.

Le Kerala Sastra Sahitya Parishad (KSSP)

Le KSSP se consacre principalement à la vulgarisation des sciences pour les masses. De mouvement bénévole au départ, il est devenu une remarquable organisation composée de professeurs d’établis- sements d’enseignement supérieurs, d’instituteurs et professeurs d’écoles, de scientifiques de différents horizons, d’étudiants et même de travailleurs sociaux. Des visionnaires comme P.T. Bhaskara Panicker, le Dr Madhavankutty, le Dr K. K. Rahulan, A. G. G. Menon, etc. en furent les fondateurs. Au début, il était tributaire de la vente de ses publications et a fait paraître près de 200 ouvrages scientifiques plus ou moins vulgarisés. Il publie en outre quatre périodiques scientifiques s’adressant au public, aux étudiants, aux élèves de tous cycles, etc. Il organise régulièrement des salons et des jeux scientifiques.

Le KSSP joua un rôle déterminant dans la campagne d’alphabétisa- tion totale d’Ernakulam, puis dans celle organisée au niveau de l’État. Les matériels qu’il produisit et diffusa largement sont faits de manière à éveiller l’intérêt des gens pour les sciences. Ils sont faciles à lire, même pour les néo-alphabètes. Le KSSP a reçu en 1998 le prix de l’UNESCO pour son travail méritoire dans le secteur bénévole. Des recherches de talents en science sont aussi organisées par le KSSP qui a également joué un rôle prépondérant dans la planification décentralisée au Kerala et créé une section de recherche consacrée à l’étude scientifique des questions liées au développement. Les programmes du BJVJ sont en outre placés sous sa houlette.

Mitraniketan se situe à Vellanad, à 32 kilomètres de Trivandrum, la capitale du Kerala. K. Viswanathan, formé à Shantiniketan et au Danemark, et adepte de Morgan dirige ce projet expérimental implanté dans une zone rurale. Après des débuts modestes dans la propriété familiale, M. Viswanathan et son épouse sont devenus les piliers de cette institution qui repose sur des éléments formels et non formels. Un collège populaire, qui s’inscrit dans la tradition du mouvement des universités populaires du Danemark, a été créé sur le campus de Mitraniketan. Un Krishi Vignan Kendra (KVK – projet de formation agricole – n.d.l.t.) sert de centre modèle de formation pour les organisations bénévoles dans l’État. L’AVARD (Association of Voluntary Agencies for Rural Development – Association d’organisations bénévoles pour le développement rural) est également implantée sur le campus. Travailleur social très dévoué, M. Viswnathan est le «grand frère» de toute la population locale. Deux séries de cours pour adultes ont été mises sur pied par cette organisation bénévole. Le système indien des écoles ouvertes y a installé l’un de ses services. Un programme axé sur les activités professionnelles s’y déroule également. Toute la commune participe aux programmes de développement de Mitraniketan.

Le Laubach Literacy Trust

La méthode de Laubach est célèbre dans le secteur de l’éducation des adultes. L’un de ses adeptes, le Dr A. K. John s’en est inspiré pour créer son Laubach Literacy Trust (LLT – Trust d’alphabétisation selon Laubach) à Karthigappally dans le district d’Alappuzha. Le LLT est affilié à l’AIEA (Association indienne pour l’éducation des adultes). Son personnel qualifié, formé à cette méthode, a élaboré différents abécédaires et ouvrages complémentaires. Cette organisation a créé dans les régions côtières des centres d’éducation des adultes qu’elle a dirigés pendant des années. Le bâtiment principal abrite un centre de formation et une bibliothèque. Assassiné l’année dernière par un élément antisocial, le Dr John, qui était un membre actif de la branche keralaise de l’AIEA, fut jusqu’à sa disparition la cheville ouvrière de ce mouvement. M. Laubach Jr. avait coutume de rendre visite à cette organisation.

La QSSS (Quilon Social Service Society – Société de services sociaux de Quilon) est populaire dans les régions côtières du district de Kollam. L’éducation des adultes est un de ses pôles d’activité: elle a organisé près de 50 cours pour adultes au fil des dix à vingt années passées. Le diocèse de Quilon joue un rôle prépondérant dans des organisations comme la TSSS ou la PSSS qui exercent des activités similaires à celles de la QSSS qui, elle, se consacre toutefois plus particulièrement à l’éducation des adultes. Ce mouvement, dont monsieur M. Pathrose est l’artisan, est lui aussi affilié à l’AIEA.

Les départements/centres universitaires

À la différence d’un grand nombre d’États indiens, les universités keralaises se sont largement engagées dans l’éducation des adultes. Le rapport 1921-23 sur la création d’une université au Kerala suggérait, entre autres, de se concentrer sur l’éducation des adultes. Le Kerala avait donné l’exemple dans ce domaine, avant même que l’éducation permanente ne fût reconnue en lnde comme une troisième dimension de l’éducation, sur un plan d’égalité avec l’enseignement et la recherche.

Les universités du Kerala se consacrent aussi activement aux programmes d’éducation des adultes. La plus célèbre est l’université du Kerala (qui a aidé 62 000 personnes à s’alphabétiser). Viennent ensuite l’université de Calicut et l’université Mahatma Gandhi.

Un centre d’éducation des adultes & d’éducation permanente (CAEE – Centre for Adult Education & Extension) fut créé en 1980 à l’uni- versité du Kerala avec l’appui financier de l’UGC (University Grants Committee – comité pour l’octroi de subventions aux universités). Inauguré par le président indien de l’époque Shri Neelam Sanjiva Reddy, il fut plus tard rebaptisé du nom de centre de formation continue et d’éducation permanente pour les adultes (CACEE – Centre for Adult Continuing Education and Extension). Les programmes d’éducation ouverts à la population sont une de ses principales activités. Un centre de ressources éducatives pour la population (PERC – Population Education Resource Center) a été rattaché au CACEE. L’éducation aux droits légaux et l’éducation à l’environnement font également partie de ses activités.

Le CAEE organisait des centres en coopération avec les établissements d’enseignement supérieur affiliés qui, à une certaine époque, étaient au nombre de 780. L’âge moyen des apprenants se situait entre 25 et 30 ans, et les femmes étaient majoritairement représentées. Un abécédaire intitulé «Jana Bodhana Sahayi» fut élaboré en même temps qu’un manuel à l’usage des enseignants. Un recueil de chansons motivationnelles fut également publié. Le registre complet de surveillance (CMR – Comprehensive Monitoring Register) développé par le CAEE reçut une bonne appréciation de l’UGC et fut par la suite utilisé dans de nombreuses universités. L’abécédaire, lui, fut employé par de nombreux centres publics et organisations bénévoles. Une série de 24 ouvrages destinés aux néo-alphabètes fut préparée à l’occasion de deux ateliers parrainés par le directorat de l’éducation des adultes (DAE). Une étude estimative des programmes d’éducation des adultes dans les sept districts méridionaux du Kerala fut confiée au centre par le gouvernement. Ce travail fut achevé dans les délais impartis et un rapport publié. Le centre entreprit d’autres enquêtes pour le compte de l’UGC, du DAE, de l’UNICEF, etc. Avec le soutien financier de l’UGC, le CAEE organisa en 1988-1989 un cursus postmaîtrise en éducation des adultes et en formation continue auquel 20 étudiants étaient admis chaque année. Il fut rebaptisé par la suite du nom de diplôme en éducation non formelle et transformé en cursus à plein temps. Le département d’éducation de l’université du Kerala donne également la possibilité de se spécialiser au niveau de la maîtrise en éducation dans le domaine de la formation continue et de l’éducation non formelle et de se livrer à des recherches au niveau du doctorat. Jusqu’à présent, 17 étudiants ont passé un doctorat dans un domaine lié à l’éducation non formelle des adultes.

De nombreuses approches innovantes furent employées, en particulier dans la formation, la production de matériels, la surveillance et l’évaluation de l’éducation des adultes. Une cérémonie de remise des prix fut créée. Après avoir passé un examen d’évaluation externe, chaque néo-alphabète recevait à cette occasion un coffret d’ouvrages adaptés à son niveau. Le gouvernement autorisa le CAEE à délivrer un certificat aux apprenants alphabétisés jugés aptes à occuper des postes administratifs de catégorie IV (dépendant de leur niveau d’al- phabétisation et de leur culture générale). Le CACEE de l’université de Kerala fut transformé ensuite par l’UGC en organisation nodale (il n’en existe que dix dans toute l’Inde).

Lors de sa création, l’université de Calicut, une branche issue de l’université du Kerala, créa une faculté d’éducation des adultes. Au cours des cinq premières années, celle-ci fut intégrée à la faculté d’éducation et le poste de doyen supprimé. En 1983, un coordinateur et agent de projet fut nommé selon les directives de l’UGC, et l’université dirigea et coordonna l’organisation de programmes d’éducation des adultes et d’éducation de la population dans les établissements affiliés. Le département d’éducation des adultes (qui prit la relève de la faculté) a produit 15 ouvrages pour néo-alphabètes. Il a souvent organisé des cours pour adultes dans les villages à proximité et organise actuellement des stages de génération de revenus reposant sur la création d’activités indépendantes. La faculté d’éducation de Calicut effectue également des recherches au niveau doctoral, et 5 étudiants ont passé leur doctorat dans ce domaine.

L’université Mahatma Gandhi de Kottayam était une partenaire active dans la campagne d’alphabétisation totale menée dans la région de la municipalité de Kottayam, de par son engagement dans le NSS (National Service Scheme – Système de service civil). Toutefois, un centre d’éducation des adultes et d’éducation permanente y fut mis en place, avec à sa tête un ancien coordinateur du NSS, le Dr Thomas Abraham. Des programmes furent organisés dans certains des établissements affiliés, du temps où ils faisaient partie de l’université du Kerala.

Dans toutes les universités de l’État, le NSS (système de service civil) participait au programme collectif d’alphabétisation fonctionnelle (MPFL) qui opérait selon la méthode «chacun enseigne à chacun». On attendait des bénévoles du NSS qu’ils aident entre un et cinq adultes à s’alphabétiser. Des kits furent fournis gratuitement, mais en raison du manque de contrôle, le programme échoua en grande partie. Toutefois, au Kerala les bénévoles du NSS ont joué un rôle prépondérant dans le programme d’éducation des adultes, non seulement en enseignant selon la méthode «chacun enseigne à chacun», mais aussi en donnant des cours dans des centres ou à de petits groupes d’apprenants.

Les Shramik Vidya Peeths (SVP)

Les SVP furent créés dans le but d’offrir des programmes polyvalents d’éducation des adultes à des ouvriers de certaines régions et à leurs familles. Un SVP fut mis en place à l’université du Kerala en 1985. En plus de proposer des programmes de formation professionnelle, il se consacra également à l’alphabétisation. Le SVP de Trivandrum est devenu l’un des meilleurs en raison de son engagement et de sa manière d’opérer. Actuellement, comme c’est le cas de nombreuses organisations en Inde, il a été rebaptisé sous le non de Jan Shikshan Sanstahn (JSS). Il accorde à présent plus d’importance à «l’éducation pour tous et pour toujours», principalement en organisant des programmes de formation professionnelle et de génération de revenus. Au fil du temps, des SVP ont été créés à Calicut et à Kodungallur, un quatrième devant voir le jour à Kottayam. Tous sont placés sous la direction d’organisations bénévoles.

Le Forum d’alphabétisation (Literacy Forum)

Le Forum d’alphabétisation fut créé en 1981. Placé sous la présidence du Dr K. Sivadasan Pillai, cette aile du CAEE (centre d’éducation des adultes & d’éducation permanente) de l’université du Kerala offrait un forum à tous ceux qui s’intéressaient et se consacraient à l’alphabétisation des adultes et à ses domaines connexes. Cette organisation très active est également affiliée à l’AIEA (Association indienne pour l’éducation des adultes). Elle a pris en main un centre expérimental dans un village isolé où elle a tenté d’employer de nombreuses techniques innovantes. Le forum a réalisé des études sur la base des informations recueillies, mis sur pied des ateliers sur le journalisme éducatif, produit des supports pédagogiques, y compris des marionnettes, et organisé des discussions et séminaires ayant lieu régulièrement. Il s’engage activement dans le secteur de la formation continue où il dirige des centres, forme du personnel, réalise des évaluations, etc. Pour accroître la participation populaire, il s’est dissocié du CAEE et dispose d’un groupe d’universitaires fournissant une contribution technique et des conseils.

La section keralaise de l’AIEA (Association indienne pour l’éducation des adultes) fut officiellement inaugurée le 11 juillet 1998. Le docteur K. Sivadasan Pillai est son président, le Dr V. Reghu son secrétaire. Cette section organise des séminaires et des conférences sur des sujets d’actualité comme, par exemple, le séminaire d’une journée sur la gestion des catastrophes ou des manifestations organisées conjointement avec d’autres organisations de l’État pour commémorer la Journée mondiale de l’alphabétisation. La branche nationale compte 75 membres à vie et 6 membres institutionnels.

Conclusion

Le sondage représentatif mené a indiqué que l’État du Mizoram se classait premier en matière d’alphabétisation et que le Kerala occupait la troisième ou quatrième place, ce que le recensement de 2001 doit encore prouver. Selon le recensement de 1991, le pourcentage d’alphabétisés au Kerala s’élevait à 89,81 %, bien que lors de la déclaration sur l’alphabétisation totale en avril 1991, ce chiffre ait été évalué à 93,58 %. Les pouvoirs publics affirment que ce pourcentage a augmenté de 2 %. Toutefois, beaucoup de gens sont retombés dans l’analphabétisme (sur les 1 220 000 alphabétisés lors de la campagne). Les abandons (même s’ils sont moins nombreux que dans les autres États) contribuent à faire grossir les rangs de ceux qui sont redevenus analphabètes. Pour rester réalistes, on pourrait dire que sur les 30 millions de Keralais, au moins 2,5 millions sont incapables de déchiffrer l’alphabet. S’ils sont analphabètes, ces gens ne sont pas pour cela ignorants! À de nombreux égards, ils sont bien informés et se préoccupent de la politique et du social. Ils ne savent tout simplement ni lire, ni écrire, ni faire du calcul. Eux aussi devront être alphabétisés le plus tôt possible, peut-être au cours des cinq années à venir, avant qu’un autre État indien ne réussisse à atteindre cet objectif. 

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