«La formation des éducateurs d'adultes en Afrique et dans la région Asie/Pacifique : état des lieux et recommandations pour l'avenir», tel était le titre de la conférence afro-asiatique sur la formation des éducateurs d'adultes, organisée par l'IIZ/DVV en Afrique du Sud, au Cap, du 11 au 13 avril 2005. Environ cinquante spécialistes africains, asiatiques et européens de l'éducation des adultes s'y réunirent. Parmi eux se trouvaient deux membres du personnel du siège de l'IIZ/DVV et cinq directeurs de projets de l'IIZ/DVV qui étaient venus d'Afrique, d'Asie centrale et de Pologne. Une conférence régionale de suivi a déjà été organisée à Bamako (Mali) et une autre est prévue au Kenya en décembre. Le discours liminaire publié ici a été tenu par Frank Youngman. Il posait principalement les questions suivantes : pourquoi la formation des éducateurs d'adultes est-elle si importante et comment pouvons-nous l'améliorer? Le professeur Frank Youngman travaille depuis 1975 au département d'éducation des adultes de l'université du Botswana en tant que formateur d'éducateurs d'adultes. Il emploie pour cela différentes formes d'enseignement et méthodes. Il dirige différentes publications sur ce thème, et nos lecteurs le connaissent déjà en sa qualité d'auteur.
C'est pour moi un plaisir et un privilège de tenir aujourd'hui un discours à l'occasion de cette conférence. Je souhaite remercier l'Institut de coopération internationale de la Confédération allemande pour l'éducation des adultes (IIZ/DVV) de m'avoir invité à le faire et adresser tous mes compliments au professeur Hinzen et à ses collègues pour le concept et l'organisation de la conférence. Je pense qu'elle constituera une étape décisive dans l'évolution de la formation des éducateurs d'adultes, non seulement en Afrique et dans la région Asie/Pacifique, mais aussi au plan international. Depuis 1997, les débats internationaux sur l'éducation des adultes se sont de plus en plus polarisés sur la formation des éducateurs, et je crois que les résultats de cette conférence fourniront une contribution essentielle aux discussions en cours.
Aujourd'hui, je souhaite soulever principalement deux questions d'une importance capitale à mon sens pour le thème qui nous intéresse à cette conférence. Premièrement, pourquoi la formation des éducateurs d'adultes est-elle d'un intérêt essentiel? Deuxièmement, pourquoi faut-il la renforcer?
Je commencerai par dire que ces deux questions ont été cruciales dans les activités professionnelles que j'ai exercées dans le domine de l'éducation des adultes. Depuis mes débuts au département d'éducation des adultes de l'université du Botswana en 1975, je me suis principalement consacré à la formation des éducateurs d'adultes sous tous ses aspects: enseignement dans des cours en face à face et des programmes d'éducation à distance, direction d'ateliers de courte durée et d'un programme universitaire sur quatre ans, collaboration avec des éducateurs d'adultes à la base et des étudiants en doctorat, et enfin, enseignement dans des lieux par exemple aussi divers que des salles des fêtes avec des toits en tôle ondulée sous lesquels la chaleur s'accumule ou des salles de classes pimpantes d'apprentissage en ligne, avec air conditionné. Dans toutes ces situations je me suis demandé pourquoi notre travail valait la peine et si nous pouvions faire mieux; questions que j'ai aussi posées à mes collègues.
Au fil des ans, j'ai rencontré un grand nombre des participants à cette conférence. C'est pour moi une source de grande énergie que de partager avec vous un but commun et d'avoir le sentiment que nous collaborons pour faire évoluer nos différents secteurs d'activité. Il me semble que nous partons tous du principe que l'éducation des adultes peut contribuer de manière positive à l'évolution de nos sociétés. Pour que ce potentiel puisse se déployer, il est logique de veiller à la présence d'éducateurs d'adultes bien préparés à développer et à mettre en place des programmes d'excellente qualité qui auront de l'impact. Je pense pour cette raison que la formation des éducateurs d'adultes peut compter dans la réalisation des objectifs de développement socio-économique et améliorer le monde.
Par conséquent, j'ai intitulé mon discours «Changer les choses: les programmes de développement et la formation des éducateurs d'adultes».
La cinquième Conférence internationale sur l'éducation des adultes (connue sous l'abréviation CONFINTEA V) organisée par l'UNESCO en 1997 dans la ville de Hambourg en Allemagne a été ces dernières années l'événement le plus passionnant au plan international dans le domaine de l'éducation des adultes. Un certain nombre des personnes présentes ici aujourd'hui ont eu le privilège d'assister à la CONFINTEA V, et celles qui n'ont pas eu cette chance ont été influencées par ses résultats, recueillis dans le document intitulé «Déclaration de Hambourg et plan d'action» (UNESCO, 1997). Vous vous souviendrez certainement que la CONFINTEA V fut suivie de tout un ensemble de conférences majeures organisées à la fin du siècle par les Nations unies sur des thèmes clés du développement: éducation pour tous (Jomtien, 1990), environnement (Rio, 1992), droits de l'homme (Vienne 1993), population (le Caire, 1994), développement social (Copenhague, 1995), femmes (Pékin, 1995), peuplement (Istanbul, 1996) et alimentation (Rome, 1996). Toutes ces conférences ont établi des programmes qui impliquaient, entre autres, que les adultes acquièrent des savoirs, apprennent des techniques et adoptent de nouvelles attitudes. Par exemple, la protection et la promotion actives des droits de l'homme envisagées à la conférence de Vienne exigeaient la mise en place d'un programme soutenu d'éducation publique sur ce thème. Il est apparu clairement à l'époque que l'éducation des adultes était essentielle pour la réalisation de chacun de ces programmes d'action sectoriels. L'importance de la CONFINTEA V tient au fait qu'elle a reproduit cette idée et formulé une nouvelle vision de l'éducation des adultes en tant que domaine multisectoriel faisant partie intégrante des programmes de développement.
Depuis la CONFINTEA V, en 1997, le programme international de développement qui a eu la plus grande influence a été celui contenu dans les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Les OMD portent principalement sur la pauvreté, l'éducation, l'égalité des sexes, la santé, l'environnement et la coopération internationale en tant que thèmes clés du développement. Ils ont contribué à mobiliser le secteur du développement et fourni des outils pour quantifier les progrès effectués. Le sommet prévu en septembre 2005 par l'ONU pour dresser un bilan intermédiaire des résultats obtenus cinq ans après la mise en place des OMD montrera sans aucun doute les problèmes rencontrés dans leur mise en oeuvre et les entraves à leur progrès, mais aussi un certain nombre de réussites. Bien entendu, il existe aussi des programmes de développement mondial alternatifs tels que ceux associés au Forum social international comme, par exemple, l'Appel mondial à l'action contre la pauvreté (AMAP). L'AMAP est un réseau d'organisations de la société civile et de mouvements sociaux distincts des gouvernements et les Nations unies, et dont l'action est plus largement axée sur la justice économique et la participation populaire. Il est également important de noter qu'il existe des programmes nationaux de développement qui reflètent la situation spécifique des différents pays. S'ils présentent des similarités à un niveau très général, par exemple en ce qui concerne la réduction de la pauvreté, ces programmes ne se ressemblent pas du tout si l'on compare disons ceux mis sur pied en Afrique du Sud et en Inde avec ceux qui existent au Tchad et au Myanmar. Nous ne devons jamais perdre cette diversité de vue quand nous réfléchissons à la manière dont l'éducation des adultes peut contribuer au développement.
Le rapport entre l'éducation des adultes et le développement au Sud est un sujet sur lequel je me suis penché longuement dans mon ouvrage intitulé «The Political Economy of Adult Education» (L'Économie politique de l'éducation des adultes, Youngman, 2000). (Je devrais peut-être remarquer à ce stade que le concept de «développement» utilisé dans le Sud est simplement un exemple particulier de raisonnement social envisageant une société plus désirable et réfléchissant à la manière de la réaliser. Le principe de l'action destinée à améliorer la société est toutefois aussi pertinent pour le Nord, avec des implications similaires pour les éducateurs d'adultes et leur formation.) Dans mon livre, j'ai montré qu'il existe différents points de vue concernant la signification du développement et comment réaliser ce dernier. J'y affirme aussi que la nature de l'éducation des adultes est le fruit des débats sur le développement et de ses réalités. Dans les pays où, par exemple, le paradigme néolibéral prédomine, l'apprentissage lié à l'activité professionnelle offert par des établissements privés constitue l'un des principaux domaines de l'éducation des adultes. Je soutiens également que l'éducation des adultes peut façonner la nature du développement. Dans de nombreux pays, par exemple, les organisations non gouvernementales mues par une vision du développement axée sur les gens fournissent des programmes d'éducation des adultes qui leur donnent les moyens de rechercher la justice sociale. Les choix en rapport avec les intentions, le contenu, les méthodes, les participants et le mode d'organisation de l'éducation des adultes ne sont par conséquent pas des décisions d'ordre technique prises au plan social en vase clos, elles sont profondément influencées par les paradigmes du développement. Ainsi ai-je conclu dans mon ouvrage en disant qu'une question fondamentale se pose à nous, à savoir: quel type d'éducation des adultes convient à quel type de développement? Dans le contexte de cette conférence, j'ajouterai une seconde question: quel type de formation faut-il offrir aux éducateurs d'adultes?
À mon sens, la CONFINTEA V a eu des effets importants sur la formation des éducateurs d'adultes. Non seulement elle a mis un nouvel accent sur le rôle de l'éducation des adultes dans la réalisation des programmes de développement, mais elle a aussi mis en lumière le besoin d'améliorer l'évolution professionnelle des éducateurs d'adultes dans le domaine général qui recouvre «l'amélioration des conditions et de la qualité de l'éducation des adultes». Bien que la conférence n'ait pas mis l'accent sur ce point, j'en ai conclu que si nous voulons que l'éducation des adultes ait l'impact souhaité au niveau du développement, il faut que les éducateurs d'adultes conviennent à la situation et soient bien préparés.
Cette question était le thème principal de mon article intitulé «La formation des éducateurs d'adultes à la suite de la CONFINTEA» qui fut publié dans le numéro 54 de la revue de l'IIZ/DVV Éducation des Adultes et Développement (Youngman, 2000). Dans cet article, j'affirme que la vision de l'éducation des adultes à la CONFINTEA V ne peut se concrétiser que si nous avons des éducateurs d'adultes bien formés pour mettre en oeuvre les politiques et programmes dans ce domaine. D'un autre côté, les points clés de la CONFINTEA V doivent, eux, servir de socle pour élaborer les curriculums de programmes de formation de base et d'éducation permanente. Par exemple, la formation d'un éducateur d'adultes après la CONFINTEA doit comporter des volets sur la justice sociale et sur l'importance des activités menées dans le cadre de partenariats multisectoriels. Sur ce point, j'ai soulevé un certain nombre de questions liées à l'organisation, aux types et processus de formation, aux contenus et matériels pédagogiques, et à l'emploi des nouvelles technologies. Je conclus l'article en affirmant l'importance de la coopération internationale Nord-Sud et Sud-Sud.
Ces idées étaient en phase avec celles alors émergeantes au sein de l'IIZ/DVV qui cherchait de nouvelles voies pour son programme de formation des éducateurs. Depuis, l'IIZ/DVV a soutenu de nombreuses initiatives liées à ces nouveaux modes de formation. En 2001, par exemple, il a demandé au département d'éducation des adultes de l'université du Botswana d'organiser à Gaborone pour ses partenaires africains un atelier sur le développement de réseaux et la création de matériels. Bon nombre d'entre vous, aujourd'hui présents, y ont participé. Son principal résultat fut la rédaction d'une nouvelle collection de manuels intitulée African Perspectives on Adult Learning, lancée à l'occasion de cette conférence et qui est le fruit d'un passionnant partenariat entre l'Institut de l'UNESCO pour l'éducation, l'Institut de coopération internationale de la Confédération allemande pour l'éducation des adultes, le département d'éducation des adultes de l'université du Botswana et Pearson Education South Africa, une maison d'édition. Ce projet cherche à créer des capacités pour la rédaction de manuels, à promouvoir le développement de curriculums et à produire des manuels de qualité, à des prix abordables et pertinents pour l'Afrique.
L'IIZ/DVV a également financé la participation de documentalistes venus de trois continents à un atelier qui s'est déroulé à Ochos Rios, Jamaïque, dans le cadre de la sixième Assemblée mondiale du Conseil international d'éducation des adultes. Cet atelier s'intitulait «Former l'éducateur d'adultes post-CONFINTEA». Un groupe international composé d'éducateurs d'adultes s'y est penché sur les aspects de la formation sous l'angle de la CONFINTEA V. Ses membres se sont accordés à dire que la formation des éducateurs méritait une plus grande attention aux niveaux national et international. Ils ont examiné un certain nombre de sujets, y compris le besoin de veiller à la diversité des formations offertes, celles-ci pouvant aller de cours universitaires pour des professionnels à plein temps à des ateliers non formels destinés à des activistes engagés dans des mouvements sociaux. Pour moi, c'est un point très important du fait que les intérêts des établissements d'enseignement supérieur dominent parfois les débats sur la formation des éducateurs d'adultes, à l'exclusion des nombreux autres modes de formation nécessaires. L'atelier a aussi souligné qu'il était essentiel de développer des capacités aux niveaux de la recherche et de la création de matériels pour assurer la pertinence des programmes de formation dans les contextes locaux. Il a aussi principalement recommandé que le CIEA crée un réseau thématique sur la formation des éducateurs d'adultes. Malheureusement, les problèmes d'ordre financier et organisationnel du CIEA l'ont empêché de le faire. Je continue toutefois de croire qu'un réseau international puissant qui réunirait les acteurs concernés constituerait un mécanisme essentiel pour la coopération professionnelle et la création de capacités. J'espère que cette conférence ranimera cette idée et proposera une forme d'organisation viable pour sa réalisation.
La Conférence d'évaluation à mi-parcours de la CONFINTEA, qui s'est déroulée en 2003 à Bangkok, est l'événement le plus récent qui a permis d'avoir une vue d'ensemble sur la formation des éducateurs d'adultes. Un atelier a été organisé sur ce thème durant la conférence. Les présentations d'Amérique latine, d'Asie du Sud, d'Afrique et d'Europe du Nord fournirent la base d'un aperçu interrégional des thèmes clés. Les comptes-rendus de l'atelier viennent juste d'être publiés par l'Institut de l'UNESCO pour l'éducation dans une plaquette intitulée «Strengthening the training of adult educators: Learning from an inter-regional exchange of experience» (Renforcer la formation des éducateurs d'adultes: tirer des enseignements des échanges d'expériences interrégionaux Youngman et Singh, 2005). Je pense que ce document reproduit le point de vue international le plus actuel sur la formation des éducateurs et je souhaiterais ici mettre en relief cinq domaines clés qui sont d'actualité à cette conférence.
a) La qualité des programmes de formation
L'atelier a conclu que les programmes de formation proposés actuellement ont un certain nombre de points faibles et, par conséquent,
«qu'il est nécessaire de disposer de programmes de formation plus innovants, comportant des volets théoriques et pratiques, permettant un apprentissage combiné et participatif, abordant les valeurs personnelles de l'éducateur d'adultes et faisant preuve d'un plus grand souci du rôle social et politique de l'éducation des adultes.» (Youngman et Singh, 2005, p. 4)
Je pense que cette déclaration fournit un repère à cette conférence compte tenu des rapports d'étude.
b) Les programmes de formation et les rôles multiples de l'éducateur d'adultes
Le point de vue plus large de la CONFINTEA sur l'éducation des adultes exige une conception elle aussi plus vaste de l'éducateur d'adultes, qui englobe un grand nombre de personnes et de rôles de différentes natures. Ce concept rassemble des gens travaillant dans différents secteurs (par exemple la santé et l'agriculture) et dans différents contextes (il peut s'agir par exemple aussi bien de professionnels à plein temps que de leaders communautaires). Leur tâche consiste non seulement à enseigner, organiser, conseiller, évaluer, animer, coacher et mobiliser les apprenants, mais aussi à entreprendre des recherches et à élaborer des matériels pédagogiques. L'atelier a préconisé que les programmes de formation abordent ces rôles multiples en termes de curriculums et de modes d'enseignement, un point que nous ne devons pas perdre de vue durant cette conférence compte tenu de la situation actuelle en Afrique et dans la région Asie/Pacifique.
c) Reconnaissance et professionnalisation des éducateurs d'adultes
L'atelier a remarqué que les éducateurs d'adultes se trouvaient souvent dans une position d'infériorité liée à leurs faibles salaires, qu'ils étaient touchés par l'insécurité de l'emploi et l'absence d'une professionnalisation de leur métier. Cette mésestime se répercute lourdement sur leur efficacité. Par conséquent, il existe un lien entre la formation et la question plus large de la position et des conditions de travail des éducateurs d'adultes. En outre, la reconnaissance sociale de l'éducation des adultes en soi joue un rôle assurément important dans le développement socio-économique. L'atelier a avancé que les éducateurs d'adultes doivent eux-mêmes être plus proactifs dans l'influence qu'ils exercent sur la politique et la promotion de leurs propres intérêts. Ils doivent pour cela s'engager au niveau des syndicats et des puissantes associations nationales d'éducateurs d'adultes. Ici aussi, je pense que ce thème devrait être abordé durant la conférence.
d) Politiques nationales concernant la formation des éducateurs d'adultes
D'un point de vue international il apparaît que très peu de politiques nationales sont menées en ce qui concerne la formation des éducateurs d'adultes. La Namibie, avec sa Politique nationale de l'éducation des adultes qui comporte un volet de développement des ressources humaines dans le secteur du personnel enseignant, constitue ici une exception notable. L'atelier a proposé que tous les dépositaires d'enjeux rédigent des déclarations nationales sur la formation des éducateurs d'adultes afin de donner une direction aux efforts entrepris et de les concentrer. Les participants à cette conférence souhaiteront peut-être se pencher sur l'utilité des politiques nationales concernant la formation des éducateurs d'adultes et, s'ils les jugent utiles, sur la manière de les créer. Par exemple, l'atelier de Bangkok a avancé que leur création pourrait être placée sous l'égide de la Commission nationale de l'UNESCO.
e) La coopération internationale et les réseaux
En ce qui concerne la formation des éducateurs d'adultes, la coopération internationale est inégalement déployée. Par exemple, l'Amérique latine et les Caraïbes disposent d'un réseau de coopération régionale bien développé qui repose sur l'Office régional de l'UNESCO, le Centre régional de coopération pour l'éducation des adultes en Amérique latine et dans les Caraïbes (CREFAL) et le Conseil d'Amérique latine pour l'éducation des adultes (CEAAL), et qui a contribué à organiser des conférences sur des questions relatives à la formation. D'autres régions ne semblent pas aussi bien organisées. Alors que les avantages d'une coopération accrue sont clairs, nous devons nous pencher sur les questions organisationnelles. Vaut-il mieux par exemple créer de nouveaux réseaux ou des services spécialisés au sein de ceux qui existent déjà? Faut-il se consacrer principalement au développement de la coopération au niveau régional, au niveau international ou à ces deux niveaux en même temps? Les réseaux doivent-ils relier des organismes, des individus ou les deux? L'une des principales préoccupations à cette conférence devra consister à produire des recommandations concernant la manière d'organiser et de soutenir la coopération internationale.
Ces points ont fait l'objet d'un atelier thématique qui s'est déroulé à la Conférence d'évaluation à mi-parcours de la CONFINTEA en 2003 à Bangkok. Le compte-rendu général de la conférence, intitulé «Recommitting to adult education and learning» (Reprendre parti pour l'éducation et l'apprentissage des adultes) contenait la déclaration suivante:
«Réussir à créer des programmes d'éducation des adultes de haute qualité dépend dans une large mesure de la présence d'éducateurs d'adultes bien informés, habiles, sensibles et engagés socialement. Cependant, leur formation n'est toujours pas une priorité .» (UNESCO, 2003, p. 13)
Notre conférence au Cap, cette semaine, accorde la priorité à la formation des éducateurs d'adultes au niveau international, d'où son importance. Et je souhaite encore féliciter l'IIZ/DVV pour cette initiative.
Au début de ce discours, j'ai dit qu'à mon sens, si les éducateurs d'adultes étaient bien préparés, ils produiraient des programmes d'excellente qualité qui aideraient à leur tour à réaliser les objectifs de développement. Toutefois, il est juste, me semble-t-il, de remarquer que cette hypothèse nécessite des preuves supplémentaires. Si nous voulons affirmer ceci avec assurance et convaincre les politiques et les bailleurs de fonds, nous devons disposer d'informations pour étayer nos arguments. Par conséquent, je pense que nous devrons accorder un rôle prioritaire à la recherche qui nous fournira les preuves qu'il nous faut. Deux types de recherche sont nécessaires: des études d'évaluation des besoins et des études finales. J'illustrerai ceci avec quelques exemples tirés du travail de mes collègues à l'université du Botswana.
L'importance des études d'évaluation des besoins tient au fait qu'elles démontrent que la conception de la formation vise spécifiquement à améliorer les performances pratiques. Si nous sommes en mesure de montrer que nos activités liées à la formation sont conçues pour répondre à la réalité professionnelle des éducateurs d'adultes, je pense que nous disposerons d'une partie des preuves nécessaires pour démontrer que la formation peut changer les choses. Par exemple, ma collègue Flora Tladi a entrepris des recherches de doctorat sur les compétences dont doivent disposer les agents de développement agricole selon les superviseurs et les fermiers avec lesquels ils travaillent. Son étude a relevé des catégories de comportements utilisés par ces superviseurs et fermiers pour évaluer l'efficacité de leurs agents de développement agricoles, entre autres, l'esprit d'initiative, la connaissance du travail, l'intérêt qu'ils portent aux fermiers et la motivation. Cette étude a également identifié les compétences techniques (p. ex. la rédaction de rapports et la planification) et personnelles (p. ex. les bonnes relations de travail et la fiabilité) qui sont importantes aux yeux des superviseurs et des fermiers. Tladi (2004) indique que ces résultats devraient être utilisés pour réaliser une évaluation complète des besoins permettant d'assurer la pertinence de la formation avant l'entrée en fonction de l'éducateur et pendant qu'il exerce son activité. Je pense que si nous pouvons prouver que notre formation repose sur les rôles véritables d'un groupe donné d'éducateurs d'adultes et sur les compétences complètes que nous exigeons d'eux, nous aurons commencé à fournir les preuves nécessaires.
Toutefois, ces preuves doivent aussi montrer que les résultats de la formation ont produit une amélioration des performances et un changement socio-économique. Ceci requiert des études de traçage qui suivent les personnes formées et des études d'impact qui évaluent l'influence véritable des éducateurs d'adultes sur les programmes d'enseignement et, tour à tour, sur des aspects spécifiques du développement tels la nutrition ou les niveaux de revenus. Ma collègue Oitshepile Modise achève actuellement sa thèse de doctorat intitulée «Labor market demand and incipient professionalization in African adult education: Tracing graduates of University of Botswana adult education programs» (Demande sur le marché du travail et professionnalisation naissante de l'éducation des adultes en Afrique: traçage des diplômés des programmes d'éducation des adultes de l'université du Botswana). Elle se penche sur le rôle des programmes de formation universitaire dans la professionnalisation de l'éducation des adultes et sur la mesure dans laquelle ils répondent aux besoins du marché de l'emploi et disposent des compétences requises pour élaborer et mettre en place des programmes d'éducation des adultes. Elle demande si les programmes de formation améliorent le bien-être et la productivité de leurs bénéficiaires et, en particulier, si les employeurs et les anciens étudiants
«sentent que leur formation et leur expérience leur permettent d'apporter des compétences et savoirs qui sont manifestement utiles sur le terrain à la résolution des problèmes liés à l'éducation des adultes et dont les gens qui n'ont pas suivi la même formation qu'eux ne disposent pas.» (Modise, 2004, p. 12)
En d'autres termes, leur formation les rend-elle différents de ceux qui ne l'ont pas suivie? Ce type d'étude de traçage doit s'accompagner d'études d'impact et d'évaluation permettant d'examiner si les programmes organisés par des éducateurs d'adultes formés apportent vraiment une amélioration au niveau du développement.
À mon sens, ce type de recherche appliquée est nécessaire pour nous assurer, nous et nos dépositaires d'enjeux, que la formation des éducateurs d'adultes change bien les choses. Je souhaite demander aux participants à cette conférence d'aborder ce thème et de faire des recommandations pour la pratique.
Avant de conclure, je souhaite formuler quelques réflexions sur le défi que constitue l'apprentissage tout au long de la vie pour la formation des éducateurs d'adultes. Le concept de l'apprentissage tout au long de la vie a pris beaucoup d'importance au début des années 90, en particulier au Nord où les mutations économiques et technologiques ont stimulé le besoin de formation élargie et de recyclage au sein de la population adulte. Son renouveau d'importance a beaucoup influencé la CONFINTEA V. La Déclaration de Hambourg sur l'éducation des adultes indiquait que l'éducation des adultes et l'éducation des enfants sont chacune des «éléments nécessaires à une nouvelle vision de l'éducation dans laquelle l'apprentissage se déroule vraiment tout au long de la vie» (UNESCO, 1997, p.2). Il a clairement été exprimé que l'éducation des adultes fait partie d'un processus qui dure toute la vie. Depuis, l'importance de l'éducation pour tous tout au long de la vie a continuellement été défendue tant dans les riches pays du Nord que dans les pauvres du Sud, notamment dans les travaux de Rose Maria Torres qui l'a résumée voici peu dans son étude intitulée «Lifelong learning in the South: Critical issues and opportunities for adult education» (Apprentissage tout au long de la vie dans le Sud: sujets critiques et possibilités de l'éducation des adultes Torres, 2004). Bon nombre d'entre nous pensent qu'il s'agit d'un progrès historique pour la conceptualisation de l'éducation et des systèmes de formation, et en particulier pour l'éducation des adultes.
Néanmoins, dans le débat sur l'apprentissage tout au long de la vie, nous relevons une propension croissante à parler sans distinction d'«apprentissage tout au long de la vie» et d'«éducation et apprentissage des adultes». Nous notons même que l'expression «apprentissage tout au long de la vie» a tendance à supplanter cette dernière dans les politiques, programmes et structures organisationnelles. La promotion fructueuse du concept d'éducation tout au long de la vie menace d'exacerber le problème concernant l'identité et la reconnaissance de l'éducation des adultes. De plus en plus de gens exercent l'activité d'éducateur d'adultes, mais ils sont de moins en moins nombreux à s'identifier comme tels, si bien que nous sommes partout et nulle part en même temps! Ceci se répercute sur l'éducation des adultes en tant que filière d'études et domaine d'activité professionnelle distincts. Aux USA, par exemple, les départements universitaires traditionnels d'éducation des adultes disparaissent ou sont amalgamés à d'autres unités de formation (Milton, Watkins, Studdard et Burch, 2003). L'un des départements les plus puissants de ce pays, à l'université de Géorgie, a récemment été incorporé dans le département d'éducation tout au long de la vie, d'administration et de politique. Dans le monde universitaire, les limites définies pour l'éducation des adultes en tant que filière d'études et forme institutionnelle sont en train de se modifier, à un moment où les compétences professionnelles des gens formés pour travailler avec des apprenants adultes sont de plus en plus importantes dans de nombreux secteurs. À mon avis, cette tendance devrait faire l'objet d'un examen approfondi durant la conférence.
Nous nous sommes réunis ici dans le but d'examiner la situation actuelle de la formation des éducateurs d'adultes en Afrique et dans la région Asie/Pacifique, et de formuler des recommandations pour l'avenir. Je suis certain que nous identifierons clairement les tendances actuelles dans le secteur de la formation des éducateurs d'adultes et que nous fournirons une analyse critique sur la manière de progresser. J'espère que les recommandations qui seront formulées à la conférence nous aideront à renforcer nos institutions et programmes, et qu'elles proposeront des moyens pratiques nous permettant de développer la coopération internationale. Par-dessus tout, j'espère que cette conférence renforcera les liens entre les programmes de développement et la formation des éducateurs d'adultes pour que nous puissions, ensemble, véritablement changer les choses.
Milton,J; Watkins,K.E; Studdard,S.S. et Burch,M. (2003). The ever widening gyre: Factors affecting change in adult education graduate programs in the United States. Adult Education Quarterly, 54,1, pp. 2341.
Modise, O.M. (2004). Labor market demand and incipient professionalization in African adult education: Tracing graduates of University of Botswana adult education programs. Thèse présentée au Department of Educational Leadership and Policy Studies, université de Floride, en vue de l'obtention du diplôme de docteur ès lettres.
Tladi, F. M. (2004). Competency requirements for extension agents in eastern Botswana as perceived by supervisors and farmers. Journal of Extension Systems, 20, pp. 3241.
Torres, R.M. (2004). Lifelong learning in the South: Critical issues and opportunities for adult education. Stockholm: SIDA.
UNESCO. (1997). Déclaration de Hambourg et Agenda pour l'avenir. Hambourg: Institut de l'UNESCO pour l'éducation.
UNESCO. (2003). Recommitting to adult education and learning. Hambourg: Institut de l'UNESCO pour l'éducation.
Youngman, F. (2000). The political economy of adult education and development. Londres: Zed.
Youngman, F. (2000). La formation des éducateurs d'adultes à la suite de la CONFINTEA. Éducation des adultes et développement, 54, p. 309-326. Youngman, F. et Singh, M. (2005). Strengthening the training of adult educators. Learning from an inter-regional exchange of experience. Hambourg: Institut de l'UNESCO pour l'éducation.