Sally Essuman

Connaître les opinions et attitudes des éducateurs à l'égard des technologies auxquelles ils ont recours dans leurs activités professionnelles pourrait fournir un cadre leur permettant d'en adopter de nouvelles. Cet article tente de mettre en lumière ce que ressentent et pensent les éducateurs du secteur non formel,1 en activité dans des programmes communautaires d'éducation menés dans des zones rurales, au sujet des technologies éducatives auxquelles ils recourent actuellement pour enseigner. Il examine aussi les conséquences qu'elles ont sur leur attitude concernant l'adoption de nouvelles technologies. Cet article, qui repose sur une méthode qualitative de sondage et d'observation, se penche principalement sur les thèmes suivants: manière personnelle des éducateurs de percevoir les technologies, leurs expériences antérieures avec elles, conceptions de l'éducation des adultes dans des environnements ruraux et autres facteurs. L'article soulève également la question des implications aux niveaux politique et pratique. L'auteur est actuellement coordinatrice du programme de stages (SIP) à l'University of Education, à Winneba, au Ghana. Elle a auparavant travaillé en tant que coordinatrice de l'éducation et de la formation dans une ONG locale se consacrant aux microcrédits et à l'épargne au profit des femmes défavorisées des communautés rurales.

Les éducateurs d'adultes du secteur non formel dans des programmes communautaires d'éducation menés dans des zones rurales au Ghana et les technologies qu'ils y utilisent

Cet article présente des informations recueillies auprès d'un certain nombre d'éducateurs d'adultes du secteur non formel, en activité dans des programmes communautaires d'éducation implantés dans des zones rurales du Ghana. Les expériences présentées ici sont extraites des informations utilisées pour ma thèse de doctorat. Cette étude avait pour but de servir de guide aux politiques, aux éducateurs et aux gens de terrain travaillant dans le secteur communautaire de l'éducation dans les campagnes et devant s'attendre à utiliser de nouvelles technologies dans l'exercice de leur profession. Elle devait les informer sur ce qui fonctionne et sur ce qui ne fonctionne dans le cadre d'activités éducatives communautaires menées dans des zones rurales. Cet article est également censé contribuer à faire mieux comprendre les points de vue des éducateurs au sujet des technologies éducatives utilisées dans les campagnes.

Cette étude paraissait essentielle du fait qu'au Ghana de nombreux cadres stratégiques concernant les technologies de l'information et de la communication (TIC) ont récemment été ébauchés, le tout en vue d'atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et de réduire la pauvreté, qui domine principalement dans les zones rurales du pays. Ces cadres stratégiques sont, entre autres, les suivants: «projet de cadre stratégique politique concernant les technologies de l'information et de la communication, 2001»; «stratégie du Ghana pour se préparer à participer à la société de l'information», sanctionnée par la politique nationale sur les technologies de l'information et de la communication; «comité chargé de la planification du développement au sein du gouvernement ghanéen en 2002», etc. Tous vont dans le sens des objectifs politiques susmentionnés (PSI, gouvernement du Ghana, 2003). La PSI (Initiative spéciale du président) propose explicitement d'employer les TIC pour la télémédecine et l'éducation à distance afin d'aider, entre autres, à atténuer l'analphabétisme et la pauvreté dans les zones rurales. La PSI est également censée contribuer à fournir l'accès à une éducation de qualité aux défavorisés et aux pauvres de la société, en particulier à ceux qui résident dans des lieux reculés et dans les zones rurales.

Pour certains praticiens, les principaux problèmes sont les suivants: qu'est-ce qui prouve que les équipements et l'environnement socioculturel des zones rurales et des régions isolées peuvent rapidement offrir l'infrastructure nécessaire aux nouveaux outils technologiques? Qu'est-ce qui prouve que les utilisateurs finaux sont suffisamment formés pour les utiliser? En plus de ces problèmes, il faut se demander si l'emploi d'outils modernes de communication faciliterait ou gênerait l'enseignement et l'apprentissage dans les campagnes et les régions isolées, et si ces outils répondraient aux conditions sur place, compte tenu des limites telles que le manque d'infrastructure que l'on y rencontre. Les TIC peuvent-elles être utilisées de manière durable dans les zones rurales comme le propose le cadre stratégique de la PSI? Si nous suivons certains sociologues selon lesquels la langue et les contenus limités restreignent le nombre d'abonnements à Internet dans les grandes villes, alors qu'elles disposent de l'infrastructure nécessaire, quelle preuve avons-nous que l'infrastructure rurale suffira à ouvrir et maintenir l'accès à Internet? Ces questions posent des défis auxquels nous devons nous attaquer.

Contexte

Le Ghana est un petit pays situé sur la côte ouest de l'Afrique, dans le Golfe de Guinée. Il occupe une superficie totale de 238 539 kilomètres carrés (soit 92 099 miles carrés). Les langues locales y sont nombreuses et diverses. On y parle principalement les suivantes: l'akan (chez les Fantis, les Twis et les Akuapems), le moshi-dagomba (chez les Mamprusis, les Kusasis, les Konkombas et les Nanumbas), l'éwé et le ga. La population rurale représente grosso modo soixante-six pour cent des dix-neuf millions de Ghanéens. Les habitants du Ghana travaillent majoritairement dans le secteur agricole et bénéficient de très peu de prestations sociales (gouvernement du Ghana, GLSS 4, 2000, p. 4). L'on affirme que la multiplicité des langues locales empêche parfois la diffusion des programmes d'éducation des adultes à la radio et à la télévision du fait que le temps d'antenne ne suffirait pas à les diffuser dans toutes ces langues (Siabi-Mensah, 2000; Ansu-Kyeremeh, 1992). À cet égard, les éducateurs pourraient-ils répondre aux nécessités imposées par le plurilinguisme et disposeraient-ils des connaissances requises si les TIC étaient introduites dans leurs activités professionnelles? L'emploi de nouveaux outils technologiques exige des utilisateurs qu'ils possèdent une formation technique très poussée et s'y connaissent bien. Les politiques et les adopteurs de ces nouvelles technologies devront attacher une importance primordiale aux capacités des utilisateurs finaux.

Si l'on s'en réfère aux ouvrages sur la question, les technologies modernes telles que les TIC ont reçu un accueil favorable dans le monde entier, même dans les régions pauvres présentant des similarités avec les campagnes du Ghana. Ces ouvrages font par exemple mention de la connectivité rurale avec les relais-téléphones payants de la banque Grameen dans des villages au Bangladesh où des entreprises locales opèrent en ayant recours à la technologie cellulaire GSM; en Inde, les communautés qui ne disposaient pas de téléphones ont désormais des kiosques Internet depuis lesquels les familles envoient des courriels à leurs parents qui résident à l'étranger; des enfants sans abris à Asunciôn, la capitale du Paraguay, apprennent, entre autres, à surfer sur Internet dans des télécentres (Haddad, 2002; rapport du PNUD, 2001). Ces rapports présentent le profil des initiatives de ce type qui s'étendent aux domaines suivants: santé, éducation, perspectives économiques, autonomisation et environnement. L'UNESCO signale également que la radio est utilisée en Mongolie pour montrer aux femmes comment créer et diriger de petites entreprises, et qu'on l'emploie en Indonésie pour donner des cours aux écoliers dispersés dans les îles qui bordent le pays. Elle fait aussi état du projet de Tele-secundaria TV destiné aux établissements secondaires et mené avec succès dans des régions reculées et des campagnes du Mexique (bulletin de l'UNESCO, 2003).

Bien que l'on ne saurait contester la preuve qu'apportent ces rapports et que les outils modernes ont sans nul doute leur place dans l'éducation et dans les programmes de développement, il conviendrait de se pencher sur certains autres aspects de la question, liés à leur efficacité et à leur adéquation. Tous les projets auxquels les nouvelles technologies sont associées n'ont pas forcément été partout couronnés de succès. Hawkridge signale par exemple l'échec d'une tentative de ce type en Côte-d'Ivoire: l'attitude des enseignants a empêché au final que la télévision soit utilisée pour améliorer la qualité de l'éducation de base et élargir l'accès à cette dernière (UNESCO, 2003; mentionné par Perraton et Creed, 2000 p. 6).

Cette étude se basait sur les hypothèses présentées ci-dessous.

  • Les éducateurs du secteur non formel opérant au sein de programmes communautaire d'éducation assument des rôles multiples: guides, conseillers, animateurs et gestionnaires de programmes. Ce sont souvent eux qui mettent en place les politiques, si bien qu'il faudrait dans ce cas attacher une importance cruciale à leurs besoins et attitudes à l'égard de ces programmes.
  • Les programmes d'éducation non formelle sont utiles quand leurs activités sont largement axées sur la communauté et répondent aux besoins divers de la population rurale. En d'autres termes, les approches de l'éducation non formelle visent à prendre en compte les besoins variés des personnes isolées, défavorisées et exclues de la société, que l'on rencontre généralement dans les campagnes et les régions reculées.
  •  L'éducation non formelle tend à aider les individus à résoudre les problèmes auxquels ils font face dans leurs communautés et à améliorer leurs conditions de vie au sein ce celles-ci.
  • Les nouvelles technologies donneraient aux éducateurs de nouvelles possibilités de remplir leurs rôles d'animateurs, de guides, de conseillers et de gestionnaires des programmes d'éducation menés dans les zones rurales.
  • Les nouvelles technologies seraient utiles pour pousser la mise en place de programmes d'éducation non formelle dans les campagnes et les régions reculées.

 

Le principal problème réside dans le fait qu'étant donné que les décideurs envisagent d'intégrer de nouvelles technologies dans les activités d'éducation non formelle, les éducateurs risquent de devoir faire face à des défis liés à leurs besoins et attitudes à l'égard des technologies en général. Cet article se penche tout particulièrement sur la manière des éducateurs de percevoir les technologies éducatives2 actuellement utilisées dans le cadre de leurs activités professionnelles et sur leurs attitudes à leur égard. Il examine aussi l'éventuelle incidence de cette situation sur l'adoption ou le rejet de nouvelles technologies.

La question essentielle autour de laquelle s'articule cette étude est la suivante: quels sont les points de vue et opinions des éducateurs du secteur non formel à l'égard des technologies éducatives et quelles est leur incidence sur l'adoption de méthodes/techniques novatrices telles que les nouvelles technologies? Pour approfondir le sujet, nous avons posé les questions suivantes qui lui sont subordonnées:

  • quels facteurs risquent d'avoir un effet sur les opinions et les attitudes des éducateurs lorsqu'ils utilisent les technologies éducatives pour enseigner?
  • Comment les éducateurs utilisent-ils les technologies éducatives pour enseigner?
  • Quels facteurs seraient pertinents aux yeux des éducateurs s'ils devaient avoir recours aux nouvelles technologies de l'information pour enseigner?

 

La méthode

Un échantillon de quarante-deux éducateurs, travaillant pour trois programmes communautaires courants d'éducation (santé et famille, environnement, alphabétisation et enseignement du calcul) a été délibérément choisi. Ils ont été interrogés et observés durant leurs activités professionnelles.

Examen des résultats

II ressort de l'analyse des informations recueillies que quand on utilise des technologies dans les programmes ruraux d'éducation, il est essentiel de veiller à ce qu'elles soient appropriées, disponibles, accessibles, acceptables pour les apprenants et viables dans le contexte dans lequel elles sont employées. Les éducateurs ont indiqué que disposer des connaissances et aptitudes nécessaires pour utiliser efficacement ces technologies dans l'enseignement et l'apprentissage créait des attitudes positives à l'égard de ces technologies.

Les éducateurs ont des attitudes positives et négatives à l'égard des technologies actuellement employées. Les avantages de leur utilisation sont, entre autres, les suivantes: enthousiasme et stimulation retirés de l'apprentissage; rendre l'apprentissage plus efficace; aisance et temps suffisant pour enseigner; amélioration dans leur rôle d'éducateurs. Les frustrations, elles, créent des attitudes négatives à l'égard de certaines technologies. Elles sont, entre autres, liées aux contraintes auxquelles les éducateurs sont soumis; aux conflits avec les dirigeants des communautés, souvent liés aux croyances et pratiques de certains groupes sociaux; à l'absence d'infrastructure permettant d'offrir un soutien efficace nécessaire à l'utilisation de certaines technologies; au manque de connaissances et de compétences qui permettraient aux éducateurs d'utiliser ces technologies de manière adéquate; aux limites des apprenants en raison de leur faible niveau d'instruction.

Il est apparu que certains éducateurs étaient angoissés et qu'ils ne se sentaient pas capables d'utiliser certains outils. Ces éducateurs comparent leurs aptitudes avec celles d'autres personnes dans d'autres environnements, ce qui les conduit à manquer de considération pour ce dont ils sont capables eux-mêmes; d'où le manque d'assurance et d'amour-propre qui les empêche d'essayer certaines technologies.

«Tout le tapage autour de l'ordinateur et autres [des autres technologies modernes] est fait pour les gens qui travaillent dans des bureaux ou les étudiants des universités, mais pas pour nos apprenants adultes et nous éducateurs dans des communautés rurales où l'enseignement de la lecture et de l'écriture se fait dans les langues locales. Comment utiliser un ordinateur si l'on ne parle pas l'anglais? Du point de vue technique, nous n'avons pas la moindre idée des équipements...si bien que l'enseignant ne peut rien faire...» (NFED Focus group, 92-98)

Ce témoignage indique une certaine inquiétude pouvant résulter du faible niveau d'instruction des éducateurs et du peu d'efforts qu'ils entreprennent pour partager des idées, des connaissances et des compétences avec d'autres personnes. Ceci laisse supposer que les décideurs devraient créer des possibilités de collaboration, ce qui permettrait à ces éducateurs d'acquérir de nouveaux savoirs, compétences, attitudes et idées. Il faudrait qu'ils utilisent plus largement ces technologies et y soient plus souvent confrontés afin d'améliorer leur attitude à leur égard, de leur donner plus d'assurance et d'atténuer leurs inquiétudes.

L'on s'est aperçu que les convictions et conceptions des éducateurs sur l'éducation des adultes dans les zones rurales étaient des facteurs de motivation au sujet du choix et de l'utilisation qu'ils faisaient de certaines technologies. Il est apparu qu'en raison du faible niveau d'instruction des apprenants ou même de leur analphabétisme, les points de vue pédagogiques et les orientations épistémologiques des éducateurs influaient souvent sur le choix et l'utilisation des technologies.

En y regardant de près, ces éléments indiquent que la plupart des éducateurs privilégient les débats participatifs, socialement interactifs et ouverts pour faciliter l'enseignement et l'apprentissage. Les éducateurs signalent que l'utilisation de ces approches et technologies leur permet de produire un effet significatif sur la vie des apprenants. Les technologies créent l'environnement souple ouvert dont les éducateurs pensent qu'il permet aux apprenants adultes de mieux apprendre. Par conséquent les tendances méthodologiques émergentes entraînent la nécessité d'examiner les convictions et conceptions des éducateurs concernant l'enseignement si nous voulons savoir dans quelles intentions ils utilisent des technologies dans les programmes d'éducation non formelle.

«On dit que c'est un équipement plus sophistiqué que les abécédaires et autres choses de ce genre. Les gens sont convaincus qu'il faut être très instruit avant de pouvoir s'en servir, que les exigences sont très hautes pour l'utiliser et que nous n'avons pas encore atteint ce niveau-là. Les apprenants sont des débutants, et pour apprendre, il leur faut juste des technologies simples.» (Akwasi, NF)

Les réponses des éducateurs indiquent que la plupart d'entre eux ne sont pas aptes à utiliser certains types de technologies. Ils ont déclaré qu'ils ne disposaient pas des compétences techniques et opérationnelles nécessaires pour se servir des outils qui étaient les plus importants à leurs yeux.

«Création de capacités pour utiliser les équipements. La création de capacités est nécessaire pour nous à tous les niveaux de notre travail: technique, manipulation de l'équipement et personnel en contact avec les villageois.» (Ofotschu, GE)

«Les connaissances opérationnelles et techniques constituent un autre facteur. La plupart du temps, vous verrez que quand un animateur ne s'y connaît pas avec l'équipement utilisé et qu'un léger problème survient, tout le programme est perturbé, voire même abandonné - ou qu'il doit se débrouiller autrement.» (PPAG Focus Group)

Ces témoignages se recoupent avec ceux de presque tous les éducateurs qui pouvaient utiliser des appareils électroniques tels que des magnétoscopes, des téléviseurs ou des projecteurs. Sauf pour les technologies simples qui n'exigent pas de grandes connaissances comme, par exemple, les magnétophones, les éducateurs ont clairement exprimé qu'ils avaient besoin d'être formés pour acquérir les connaissances et compétences actuellement nécessaires dans tous les domaines de leur activité professionnelle.

Les sentiments ainsi exprimés indiquent que les éducateurs ont l'impression d'être incompétents et impuissants à remplir efficacement leur rôle d'agents du changement. Ils ont expliqué que la plupart du temps, l'utilisation de ce type de technologies les rendait tributaires de techniciens du fait qu'ils ne disposaient ni des connaissances, ni des compétences nécessaires pour les employer ou pour rectifier d'éventuels problèmes. Il serait par conséquent nécessaire de permettre aux éducateurs d'accéder à un ensemble plus étendu d'équipements. L'on pourrait aussi leur recommander d'avoir recours à des équipements dont les prix seraient raisonnables et qu'ils pourraient facilement utiliser.

Le manque d'infrastructures comme les routes d'accès, l'approvisionnement efficace en énergie et des lieux d'installation adéquats pour certains équipements était une source d'inquiétude pour différents éducateurs qui employaient des appareils nécessitants que de telles conditions soient réunies. Pour eux, l'approvisionnement irrégulier en électricité et le perpétuel recours à des générateurs qu'ils doivent transporter constituent une gêne. Ils se sont plaints des compromis qu'ils doivent faire et des mauvaises conditions dans lesquelles ils travaillent.

«Certains problèmes sont liés aux distances à couvrir [à l'isolement] et aux routes en mauvais état que nous devons emprunter pour aller de village en village. La plupart de ces agglomérations n'ont pas d'électricité si bien que pour passer des vidéos et des films, nous devons utiliser des générateurs. En fait, durant la saison des pluies, il nous est impossible de nous rendre dans de nombreuses communes à cause de l'état des routes. Nous ne pouvons même pas marcher dessus, c'est pour cela que j'ai dit qu'il nous fallait des bottes. Les routes ne sont pas convenables.» (Poku, PP)

«II faudrait prendre en compte les infrastructures de base nécessaires à certaines technologies éducatives avant de décider de les utiliser dans la commune. Il faudrait aussi tenir compte du niveau d'alphabétisation des gens et du coût total de l'utilisation de ce type de technologies. Il faudrait aussi examiner les avantages que procurent ces technologies, mais aussi ce qu'elles exigent comme maintenance et leur disponibilité.» (GEO Focus Group)

Une fois de plus, les éducateurs ont signalé que l'hostilité de certains leaders à leur égard tenait du fait que les convictions et pratiques des gens étaient sources de frustrations quand ils étaient amenés à utiliser certains équipements pour enseigner dans les campagnes.

«Le milieu socioculturel peut poser un problème. Par exemple, il existe des régions où il est interdit de faire du bruit certains jours, ce qui empêche l'utilisation de générateurs durant ces périodes. À certaines saisons/époques de l'année, les Gas interdisent l'utilisation d'une sono durant le Festival Homowo. Les convictions culturelles ne constituent pas un inconvénient, ce qu'il faut, c'est les examiner (comprendre les gens). Il y a aussi des groupes religieux comme «Deeper Life», les intégristes musulmans et autres. S'ils dominent une communauté et qu'ils la dirigent, la situation peut devenir très difficile. Vous ne pouvez pas éduquer de tels groupes avec n'importe quel type de technologie éducative.» (GEO Focus Group)

Ce résultat indique qu'il serait nécessaire d'évaluer constamment la manière dont les communautés accueillent les technologies employées dans les programmes d'éducation. De telles mesures contribueraient à atténuer les tensions entre les éducateurs et les membres de ces communautés.

Les éducateurs qui travaillent dans des communautés multilingues avec des apprenants peu instruits, voire analphabètes considèrent que l'emploi de certaines technologies dans les programmes d'éducation implantés dans les campagnes pose des problèmes. Ils voient en cela un défi du fait que la situation sur place limite l'utilisation des équipements ou exige des ressources et des interventions particulières comme, par exemple, le recours à des interprètes à chaque fois qu'ils doivent enseigner en utilisant ces équipements. Ils ont signalé que ces limites les empêchaient de recourir à des matériels pédagogiques qui pourraient renforcer l'apprentissage.

Il arrive aussi que les apprenants interprètent mal les matériels d'apprentissage tels que les posters et les photos individuelles. Ils comprennent mal les légendes des posters et les diagrammes qui leur sont présentés, et font une interprétation erronée de ce que les matériels d'apprentissage sont censés leur apprendre. Ces échecs sont problématiques pour les éducateurs qui ressentent un malaise quant à l'utilisation des technologies éducatives dans de telles communautés. Cette situation nécessite l'élaboration de matériels et de ressources spécialement adaptés.

Les éducateurs ont attiré l'attention sur le fait qu'il était parfois délicat pour des raisons culturelles d'employer certains outils éducatifs dans certaines communautés. L'étude a effectivement révélé qu'il arrive que des éducateurs essuient des échecs dans certains endroits lorsqu'ils emploient par exemple des reproductions des organes génitaux masculins et féminins, des magnétoscopes et des systèmes de sonorisation (en fonction des époques de l'année). Ceci est dû à la résistance et à l'hostilité des leaders de certains groupes sociaux qui pensent que ces équipements sont en contradiction avec leurs croyances, valeurs et pratiques.

«Il faut respecter les normes culturelles et les croyances. Par exemple, si un animateur est contraint d'utiliser un «pénis en bois» pour montrer à une communauté l'utilisation des préservatifs dans le cadre d'un programme d'éducation sexuelle, il doit demander la permission aux aînés avant de commencer. Sinon, le temps qu'il s'en aperçoive, ils lui auront déjà retiré l'autorisation de continuer à enseigner dans cette communauté.» (PPAG Focus Group)

II ressort de l'étude que quand des groupes religieux intégristes dominent une communauté qui observe de manière stricte des valeurs morales et culturelles, les éducateurs ont des difficultés à employer certaines technologies éducatives. Ces sociétés traditionnelles cherchent à préserver leur culture et leurs fêtes traditionnelles qui sont saisonnières, et toute tentative d'ignorer les croyances qui y sont liées entraîne une résistance féroce, ce qui impose des limites aux éducateurs quant à l'usage de certains moyens techniques d'enseignement dans ce type de communautés. Ceci implique que l'on instaure un dialogue et que l'on évalue l'ouverture d'esprit en leur sein, en particulier chez les aînés, avant d'introduire ces moyens techniques.

Conclusion

Les points de vue présentés ici ont des répercussions sur l'adoption de nouvelles technologies dans l'enseignement. Les conflits de priorités et les orientations pédagogiques des éducateurs qui influent sur leurs choix dans ce domaine nous indiquent que la prudence est de mise lors de l'introduction de nouveaux équipements. Il ne s'agit peut-être pas seulement de les former à leur utilisation, mais d'assurer que les technologies soient bien employées dans le but prévu. On prétend que certains enseignants continuent d'emprunter les mêmes méthodes que celles qui étaient en cours à l'époque où eux-mêmes allaient à l'école et qu'ils continueront sur cette lancée tant qu'aucun changement significatif ne se sera produit (Robert & Stevens, 2004). Ceci indique que tant que le système familier à ces enseignants ne changera pas, ils continueront probablement à procéder comme ils l'ont toujours fait et qu'ils résisteront de manière passive au changement.

Cette étude a mis en lumière tout un ensemble de facteurs qui influent positivement ou négativement sur l'attitude des éducateurs à l'égard de l'emploi de technologies pour l'enseignement et l'apprentissage dans des programmes communautaires ruraux. Nous concluons que les conceptions de l'éducation des adultes dans les zones rurales, les convictions, les points de vue épistémologiques, les orientations pédagogiques, les difficultés personnelles et les problèmes de situation des éducateurs doivent être soumis à un examen minutieux quand les programmes d'éducation implantés dans des campagnes ont recours à des technologies éducatives. Pour ces raisons, il convient que les politiques envisagent d'adopter celles qui servent le mieux les intérêts des éducateurs et sont le mieux adaptées à leurs capacités au lieu de céder à la pression de la nouveauté et des nouvelles technologies qui risquent de ne pas être compatibles avec la situation des éducateurs.

Ils devraient tenir compte globalement du succès et de la viabilité des technologies dans les zones rurales du point de vue de leur adéquation, de leur disponibilité, de leur pertinence, de leur acceptabilité et des capacités des utilisateurs finaux et des bénéficiaires à les employer. En d'autres termes une évaluation en fonction de la situation sur place pourrait contribuer à établir des directives pour les cadres stratégiques lors de l'adoption de nouvelles technologies dans les programmes d'éducation non formelle implantés dans les campagnes. Et, ce qui est plus important, ces lignes directrices devraient prévoir la prise en compte des opinions des utilisateurs à l'égard de ces technologies. Les politiques ne doivent pas penser que les éducateurs acceptent et utilisent automatiquement les nouvelles technologies introduites dans leurs activités professionnelles.

Notes

1 L'éducation non formelle est une activité d'éducation organisée hors du système formel et qui entend répondre aux besoins éducatifs de n'importe quel groupe identifiable, quel que soit l'âge de ses membres (adultes, enfants et adolescents). Cette définition de travail a été adoptée d'après celle initialement donnée par Coombs (1968).

2 Technologies éducatives: cette expression englobe toutes les méthodes/techniques d'organisation et d'utilisation de matériel informatique et de logiciels comme faisant partie intégrante d'un processus d'enseignement et d'apprentissage intégrés. Ceci inclut l'ancien et le nouveau: des techniques/approches traditionnelles et modernes pouvant être utiles dans le processus éducatif pour réaliser les objectifs d'apprentissage souhaités pour une activité donnée.

 

Références

ANSU-KYEREMEH, K., 1992. Cultural aspects of constraints on village éducation by radio. Media, Culture and Society, 14, pp. 111-128.

COOMBS, P. H., 1968. World Educational Crisis: a Systems analysis. New York: OUP

HADDAD, W. D., & JURICH, S., 2002. ICTfor Education: Prerequisites and Constraints. TechnoKnowLogia [en ligne], juillet-septembre. Disponible à l'adresse: www.TechKnowLogia.org [consulté le 16 août 2002].

GHANA GOVERNMENT. Ghana Statistical Service, 2000. Ghana Living Standards Survey Report (GLSS 4). Accra: service des statistiques du Ghana.

GHANA GOVERNMENT. Présidents Spécial Initiative (PSI), 2003. Présidents Spécial Initiative on Distance Learning Final Report ofthe Planning Committee (2002-2003). Accra: gouvernement du Ghana.

ROBERT, R. J., & STEVENS, J., 2004. Why do educational innovations corne and go? What do we know? What can we do? Teaching and Teacher Education, 20(4), pp. 389-396.

PERRATON, H., AND CREED, C, 2001. Thematic Studies-Applying New Technologies and Cost-Effective Delivery Systems in Basic Education [en ligne]. France: UNESCO. Disponible à l'adresse: www.unesco.org/education/efa/wef_2000/index.shtml [consulté le 8 juillet 2002].

SIABI-MENSAH, K., 2000. Ghana: The Use of Radio in the National Literacy and Functional Skills Project in the Volta and Northern Régions. Dans: R. SIACIWENA, éd. Case Studies of Non-Formal Education by Distance and Open Learning [en ligne]. Royaume-Uni: Commonwealth of Learning and Department for International Development. Disponible à l'adresse: www.col.org/Consultancies/00nonformal.htm [consulté le 2 octobre 2002].

UNESCO, 2003. UNESCO: teacher training is key. Education Today Newsletter [en ligne], octobre-décembre (7). Disponible à l'adresse: www.unesco.Org [consulté le 25 novembre 2003].

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