Michael Samlowski

L'article suivant est une présentation faite à Montevideo le 26 juin 2006 à l'occasion d'un séminaire intitulé «Éducation et citoyenneté des jeunes et des adultes». Ce séminaire avait été organisé conjointement par le Conseil international pour l'éducation des adultes (CIEA) et le ministère uruguayen de l'Éducation et de la Culture. Les réflexions préliminaires avaient été provoquées par un évènement majeur qui avait captivé l'attention du monde à ce moment-là. Tout autre évènement actuel d'une intensité même vaguement similaire pourrait suffire à soutenir l'analogie. Le Dr Michael Samlowski est directeur adjoint de DVV International. Ce texte a été publié pour la première fois dans Convergence vol. XXXIX, n° 2-3, 2006.

Coopération et promotion de l'éducation des adultes

Je vous adresse mes salutations de la part de l'Allemagne, un pays méconnaissable qui vit actuellement un moment d'extase et de fierté. L'ubiquité du noir-rouge-jaune - sur les voitures, les frontons des maisons, les balcons, les visages, les barbes, les perruques et les rideaux - a déclenché un débat national: faut-il ou non considérer cette omniprésente démonstration d'amour pour les couleurs de l'Allemagne comme l'expression innocente d'un patriotisme local, ou au contraire comme une résurgence de l'orgueil nationaliste démesuré quia entraîné l'Allemagne et ses victimes dans la plus grande tragédie que le monde ait jamais connu? Le football est le sujet numéro un dans tous les médias, dans la rue, les conversations. Le parlement allemand tranche à la hâte sur des lois complexes et controverses parce que les députés s'intéressent plus au prochain match qu'aux duels verbaux avec leurs adversaires politiques sur des sujets qui, de toute façon, ne leur tiennent pas particulièrement à cœur. On annule ou raccourcit les conférences de presse ministérielles, parce que la presse n'est pas vraiment intéressée à couvrir des événements et à investir du temps pour des questions dont elle sait qu'elles n'intéressent pas les lecteurs. La chancelière allemande Angela Merkel est plus souvent présente dans les stades, serrée contre l'empereur incontesté du foot allemand, Franz Beckenbauer, que dans les réunions gouvernementales. On n'oubliera pas de sitôt sa réaction incontrôlée après le but marqué à la 91è minute contre la Pologne, arrachant pour l'équipe allemande une victoire fortuite, pendant qu'à sa droite, son homologue polonais semblait dépassé par les événements. Mais bien entendu, Lech Kaczinski n'a pas été le seul chef d'État étranger à se rendre en Allemagne pour acclamer son équipe. Le président italien, le premier ministre britannique, le président français étaient présents; l'ex-président Clinton et le secrétaire général des Nations unies étaient attendus. Le président allemand a assisté à tous les matches et il semblerait que seul le pape ait manqué à l'appel en dépit de ses origines allemandes.

Est-ce une explosion spontanée d'hilarité, d'émotions et d'intérêt public? Bien sûr que non! Personne ne peut prétendre que des millions de gens normaux se peignent tout à coup le visage ou hissent spontanément des drapeaux devant leurs maisons. À l'évidence, une immense machine de lobbying est mise en jeu pour soulever l'enthousiasme général à l'occasion du Mondial. Un puissant acteur mondial, la FIFA, monopolise la vente des billets, les droits médiatiques et de diffusion, les logos et les tenues, accorde ou refuse des licences aux entreprises pour commercialiser leurs produits, à tel point que la vente de marques traditionnelles de bière allemande est interdite dans les stades officiels parce que la FIFA a donné le monopole à la compagnie américaine Budweiser. Un groupe de supporters hollandais, qui pour on ne sait quelle raison portaient des pantalons arborant le logo d'une certaine brasserie et essayaient d'entrer dans un stade pour regarder un match, a été obligé de retirer les logos parce qu'ils n'étaient pas compatibles avec la politique de commercialisation de la FIFA. Mais il n'y a pas que la FIFA, puisqu'elle-même est composée de puissantes fédérations nationales. En Allemagne, la fédération nationale de football compte plus de membres que n'importe quelle autre, à part le club automobile ADAC.

Parlons maintenant des grands clubs, Manchester, Barcelone, Milan, Madrid, Chelsea; certains sont des sociétés par actions, d'autres le passe-temps de multimillionnaires dont les actifs, les joueurs, gagnent ou perdent en valeur marchande selon leurs performances. Les droits télévisés et de retransmission des grands groupes médiatiques rapportent des montants colossaux, Adidas, Nike et Puma se disputent les parts du marché mondial des articles de sport, sans parler des entreprises textiles qui font des bénéfices inattendus en fabriquant des drapeaux et des vêtements aux couleurs de chaque nation, que les supporters arborent avant, pendant et après les matches. Il y a enfin les politiques, qui essaient de se montrer en public, de partager les émotions de leurs électeurs et d'être au fait du moindre détail du sport le plus populaire du monde. Personne ne s'inquiète de paraître ridicule aux yeux de ceux qui considèrent le foot comme un sport dénaturé par des joueurs surpayés et l'importance excessive qu'on lui accorde. Car ces gens-là sont une infime minorité.

Mais quittons maintenant le plaisant monde des loisirs; retournons à nos problèmes professionnels et cessons de penser, ne serait-ce qu'un instant, à quoi ressemblerait un Mondial de l'éducation des adultes. Couverture médiatique mondiale? MacDonald's et Burgerking se disputant le monopole de la restauration? Les grandes entreprises faisant la queue pour avoir des opportunités de sponsoring? Transmission en direct des événements les plus prometteurs en matière d'éducation, tonnes d'informations de base donnant le menu détail des actions des partenaires des apprenants? Des chefs d'État à bord de leurs grands avions gouvernementaux pour assister à des cercles d'études et à des ateliers du futur, et décernant des prix à l'expérience d'apprentissage la meilleure et la plus novatrice? N'allons pas plus loin, car ça ne risque pas d'arriver! C'est de l'utopie totale, un rêve d'entre les rêves qui dépasse la réalité. Et pourtant, l'éducation n'est-elle pas au moins aussi importante pour notre développement et celui de nos communautés, de nos pays et de nos régions, que le football?

Mais l'éducation est certainement trop inintéressante pour attirer l'attention. Au lieu d'éveiller l'intérêt général, l'éducation des adultes a plutôt tendance à être oubliée dans les discours publics, les budgets et les prestations. Les éducateurs d'adultes par contre, se battent sans relâche pour faire inscrire les opportunités d'apprentissage pour adultes à l'ordre du jour des engagements publics de leurs pays. Nous nous opposons à la réduction constante des budgets publics attribués à la formation des adultes, qui grignotent chaque jour plus un peu plus de ce droit humain fondamental certes respecté dans les discours prolixes, mais ignoré dans la mise en œuvre par les gouvernements. Nous cherchons à convaincre les décideurs de nous écouter et de ne pas soumettre les opportunités d'apprentissage pour adultes aux forces du marché libre. De leur accorder au contraire le sponsoring et le soutien de la communauté publique, afin de sauvegarder l'inclusion sociale et de venir en aide aux laissés-pour-compte qui triment toute leur vie en dépit des pires difficultés, vivent dans une situation dont ils ne sont certainement pas responsables, et sont exclus de la société. Nous essayons de faire comprendre aux gens que la valeur de l'éducation ne se mesure pas seulement en termes d'employabilité ou d'acquisition de compétences nécessaires au développement économique. Nous aimerions pouvoir les convaincre que l'apprentissage fait intégralement partie de la nature humaine, que c'est une valeur en soi essentielle au bonheur et à la plénitude humaine, vitale pour le développement et le maintien des facultés et de l'intellect de l'être humain, indépendamment de son activité économique; une valeur qui l'aide à s'intéresser à ce qui se passe en lui-même et dans son environnement, et qui l'incite à s'engager pour son propre bien-être et celui des autres, à participer à la gestion de son quartier, de sa communauté, de son pays et du monde entier, et surtout, à œuvrer en faveur de la citoyenneté et de la démocratie. Nous aimerions rappeler aux États et aux gouvernements qu'ils doivent sauvegarder les intérêts de tous les citoyens, au lieu de s'évertuer à garantir la prospérité des actionnaires et à privilégier les intérêts des entreprises, en alignant la compétitivité des citoyens sur les conditions du marché mondial.

Une fois de plus, nous constatons malheureusement que nos convictions ne sont pas en vogue, que nous sommes à contre-courant, et que les responsables des budgets publics locaux, nationaux et mondiaux ferment le robinet dès qu'il s'agit de financer l'éducation des adultes. Les recherches approfondies qui montrent que les apprenants individuels et la société tout entière tirent d'immenses bénéfices de la formation continue, n'ont aucune influence sur les débats publics. Le secteur dans son ensemble figure au dernier rang des priorités politiques, et l'éducation des adultes est pratiquement absente des débats mondiaux sur l'éducation; comme le montre l'initiative «Éducation pour Tous» de la Banque mondiale et de l'UNESCO, la seule question véritablement digne d'intérêt est l'éducation de base dispensée par les écoles formelles. Cette position, à son tour, influence les choix des pays qui dépendent des subventions internationales pour financer leurs budgets éducatifs. Les offres de formation pour adultes font donc rarement partie de leurs priorités et ne sont subventionnées ni par les donateurs bilatéraux, ni par la Banque mondiale ou les banques régionales de développement.

La situation n'est pas différente au niveau régional et national. Prenons l'exemple de mon pays, l'Allemagne: en ce qui concerne la politique de coopération internationale, la soi-disant transparence et l'efficience synergétique demandent que tout soit organisé selon un modèle de segmentation; à première vue, le modèle semble basé sur un examen minutieux, technique et impartial, mais il est en fait totalement arbitraire: pour chaque continent, nous avons en effet une liste de pays prioritaires éligibles pour la coopération, qui rend en même temps les autres inéligibles, et nous avons pour chaque pays une autre liste de priorités thématiques. Maintenant, allez donc expliquer pourquoi le développement de l'économie de marché est une priorité de la coopération allemande au Paraguay et non en Bolivie, ou vice-versa. Néanmoins, le principe de segmentation prévaut dans tous les cas et les institutions non gouvernementales de coopération, comme DVV International que je représente, n'y échappent pas.

Aussi loin que remontent mes souvenirs, et c'est très loin, DVV International a obtenu un financement de la part du ministère des Affaires étrangères pour faciliter les échanges professionnels entre les représentants des centres communautaires d'éducation d'adultes allemands (universités populaires) et leurs collègues européens et internationaux, sur la base de la réciprocité. Le montant du financement n'a jamais été considérable, mais il a été décisif pour la sensibilisation des éducateurs d'adultes allemands à l'évolution de la situation dans les autres pays, et nous a permis d'échanger nos expériences et nos résultats avec nos collègues étrangers. Nous avons également pu établir des contacts avec des collègues des pays socialistes en dépit du conflit idéologique qui divisait l'Europe et le monde. Grâce à ces contacts, nous avons pu mettre en place de solides partenariats après l'ouverture du rideau de fer et d'une nouvelle phase de relations avec nos voisins. La coopération et les échanges professionnels étaient alors appréciés et faisaient quasiment partie de tous les accords culturels entre l'Allemagne et une grande partie des autres pays; ils représentaient la base de la coopération et des échanges dans les domaines de l'éducation, des sciences, de la recherche et de la culture. L'éducation des adultes était bien établie, et considérée comme un élément de la politique culturelle extérieure de l'Allemagne à côté des échanges universitaires, des cours de langue et des événements culturels.

Mais récemment, au cours de nos entretiens réguliers avec le ministère des Affaires étrangères, nous avons appris qu'à la suite d'une évaluation externe de son image commanditée par le ministère, l'éducation des adultes ne figure plus parmi les priorités de la politique culturelle extérieure et qu'à une époque de restrictions financières, elle ne recevra plus de soutien financier. Si l'on considère que dans le passé, le financement des échanges dans le domaine de l'éducation des adultes n'a pas représenté plus de 0,05% du budget total du ministère, ce raisonnement n'est pas valide. En fait c'est très simple, comme l'a dit un responsable du ministère: l'éducation des adultes «n'est pas sexy». Désormais, et avec des réductions annuelles, la politique culturelle extérieure allemande se concentrera donc sur

  • les échanges universitaires
  • la recherche
  • les cours d'allemand, mais uniquement aux niveaux élémentaires
  • les représentations théâtrales et musicales et les expositions d'art

L'éducation des adultes va disparaître de l'ordre du jour et l'accent sera mis sur des domaines avant tout accessibles aux élites de nos pays partenaires; il y a donc une bonne part d'exclusion sociale dans ces priorités.

Les politiques éducatives internes subissent la même tendance. Le ministère fédéral de l'Éducation et des Sciences a mis récemment un groupe d'experts en place, chargé de définir les lignes directrices du futur investissement public dans l'éducation. La recommandation clé de ce groupe, en ce qui concerne l'éducation des adultes, est de limiter les dépenses publiques, dans ce secteur, aux domaines d'intérêt public national. Reste à savoir quels types et quels domaines d'apprentissage sont d'intérêt public, pourquoi ils le sont et pourquoi les autres doivent être exclus. Nous pouvons affirmer avec certitude que seuls la formation professionnelle et le recyclage, et peut-être aussi les cours de langue pour immigrés, seront financés par des fonds publics au nom de l'employabilité et de la compétitivité. Les autres activités éducatives dépendront de l'initiative personnelle, seront accessibles à des prix couvrant les frais, ou s'accompagneront de mesures d'appui telles les réductions d'impôts pour les comptes d'épargne individuels réservés à la formation des adultes; ce sera la nouvelle façon d'encourager l'apprentissage des adultes.

La nature de ces recommandations, qui encouragent l'initiative privée et la responsabilité individuelle pour garantir le futur bien-être, va évidemment de pair avec les principes de base de l'économie de marché néo-libérale. Ces recommandations concordent également avec les politiques de réduction dans le domaine de la sécurité sociale publique, la participation accrue des gens aux coûts des soins de santé, la réduction des retraites publiques pour couvrir le strict minimum et laisser le reste aux plans d'épargne individuels. Ces mesures renforcent considérablement l'exclusion sociale, mais permettent à l'État de se libérer de son fardeau social, d'accorder des dégrèvements sur les intérêts des entreprises, de commercialiser les anciens services publics et de limiter l'engagement public à l'occultation des conséquences sociales les plus criantes du libre arbitre des marchés mondiaux.

Au niveau de l'Union européenne, ces tendances se confirment. Les documents d'orientation en matière d'éducation valent sans aucun doute la peine d'être lus, et l'éducation des adultes semble sauvegardée en tant qu'élément intégral de l'éducation tout au long de la vie; elle jouit même d'un soutien grâce à un financement accordé par la Commission européenne au domaine de l'éducation. Pourtant, ceci n'a rien de particulièrement réjouissant. Si l'on examine les fonds disponibles, on se rend compte que l'Union européenne dépense annuellement 40 à 50 millions d'euros pour sponsoriser les activités transnationales d'éducation des adultes, ce qui revient à moins de 20 centimes par tête pour la population européenne éligible. D'autre part, alors que les puissants lobbies des affaires, des sciences et de la recherche investissent des millions pour faire valoir leurs intérêts, l'Association européenne d'éducation des adultes reçoit une subvention annuelle d'environ 50 000 euros qui ne suffit même pas à couvrir le salaire d'une seule équipe professionnelle, et doit vendre ses services pour pouvoir payer un petit bureau à Bruxelles. Quant au CIEA, cette situation budgétaire ne lui est que trop familière.

En tant qu'éducateurs d'adultes, nous ne représentons pas un domaine prestigieux, d'autant que nous nous engageons en faveur des couches marginalisées et exclues. Ce n'est pas parce que nous prenons la défense des défavorisés que nous deviendrons plus intéressants, et nous n'en aurons pas plus de soutien politique pour autant. Comme l'éducation des adultes n'apporte pas de voix aux partis politiques, ceux-ci ne s'attarderont pas plus de quelques secondes sur ses mérites. Nous devons essayer de convaincre les décideurs que notre lutte est juste et raisonnable, et l'expérience nous a montré combien c'est difficile. Comme nous sommes des gens intelligents, très engagés et très convaincus, nous ne serons pas toujours d'accord sur les objectifs, les stratégies et les procédures. Ne nous leurrons pas: nous partageons le même intérêt pour l'éducation des adultes, certes, mais nous sommes aussi des concurrents, et rivalisons entre nous pour obtenir les rares financements pour nos projets. Il me semble néanmoins évident que ce n'est qu'en coopérant à tous les niveaux que nous pourrons agir en faveur de l'éducation des adultes. Faire cavalier seul en poursuivant chacun son programme nous anéantira à coup sûr.

Nous sommes sur la bonne voie pour former des alliances et nous associer à différents niveaux, que ce soit aux niveaux local, national, régional ou mondial. Ça ne va certainement pas être aisé, et nous n'aurons certainement pas toutes les ressources dont nous aurons besoin pour faire ce travail d'association. Nous devons pratiquement tout le temps puiser dans les maigres ressources de nos propres organisations, et puisons autant de temps et d'énergie dans notre vie privée. Mais nous apprenons à coopérer. Comme il est difficilement imaginable qu'en tant qu'organisations individuelles, nous essayions ensemble d'identifier nos intérêts communs et de les faire valoir dans nos politiques publiques respectives, alors que nous avons des buts et des objectifs différents dans notre travail concret, nous apprenons à nous rencontrer et à coopérer dans le cadre de nos programmes et de nos activités. En Europe, nous avons fait un bon bout de chemin dans ce sens. Vu les conditions posées par l'Europe dans le domaine du financement des projets d'éducation d'adultes, la plupart des organisations de formation continue des pays de l'Union européenne ont été obligées de s'associer à des organisations sœurs d'autres pays européens pour mettre en œuvre des projets novateurs. Les résultats sont peut-être trop insignifiants pour ébranler le monde, mais ces projets permettent sans aucun doute aux participants de découvrir des valeurs ajoutées au travers des contacts étroits qu'ils entretiennent avec leurs collègues d'autres pays pendant la mise en œuvre des activités de projet. Ils tirent des leçons des divergences d'opinions et d'approches sur les objectifs communs, et finissent par être convaincus qu'on peut améliorer les choses si l'on agit ensemble.

L'institut pour lequel je travaille est convaincu que la coopération internationale ne présente que des bénéfices. En fait, c'est à ce principe qu'il doit la vie. Il est issu de la tradition des «Volkshochschulen» ou centres communautaires d'éducation des adultes en Allemagne. Soucieux de représenter leurs intérêts et de faire reconnaître l'éducation des adultes comme domaine de responsabilité publique, ces centres ont créé des associations au niveau des «Länder», États fédérés allemands. Ces associations se sont ensuite unies pour former une fédération nationale, responsable des questions devant être traitées au niveau national. C'était il y a une cinquantaine d'années, alors que l'Allemagne se relevait des ruines de la Seconde Guerre mondiale; le processus a eu lieu uniquement dans sa partie occidentale, car le pays est resté encore divisé pendant de longues années à la suite de la guerre. Nos prédécesseurs ont très vite compris que la fédération avait besoin d'une articulation internationale pour aider les institutions allemandes de formation continue à recouvrer le respect et la reconnaissance, et à réintégrer définitivement la famille des institutions européennes d'éducation des adultes. Ceci marque le début de la création d'une petite section de la fédération, puis plus tard de son propre institut, afin de créer et d'entretenir des relations d'échanges internationaux au sein de l'Europe, puis à l'extérieur de ses frontières et dans le monde entier. Nous avons remarqué que les échanges professionnels ne suffisent pas toujours et qu'il faut les concrétiser par des mesures de soutien et d'appui, et nous sommes parvenus à convaincre notre gouvernement que sponsoriser la coopération internationale dans le domaine de l'éducation des adultes est un devoir de solidarité internationale. Peut-être qu'une pareille initiative n'aurait pas autant de succès aujourd'hui. En moyenne, l'Allemagne est une société plus riche que par le passé. Le fossé entre riches et pauvres, néanmoins, s'est creusé drastiquement; les coûts sociaux se sont multipliés et occupent une part importante et croissante des dépenses publiques, à tel point que l'État semble au bord de la banqueroute; dans ces conditions, il est extrêmement difficile de demander une augmentation des dépenses publiques pour de nouveaux programmes de solidarité.

Où que nous ayons réalisé des activités de coopération, que ce soit avec des institutions publiques ou en tant que partenaires d'initiatives non gouvernementales, il a toujours fallu défendre le bien-fondé de l'éducation des adultes et justifier chaque dépense publique dans ce domaine. La promotion de ce secteur devient une part intrinsèque de la mission des organismes de formation continue et de leurs fédérations nationales et régionales, qu'elles travaillent en Afrique, en Asie, en Amérique ou en Europe. DVV International a compris que la promotion des associations nationales et régionales d'éducation des adultes est part de sa mission de coopération internationale. La DVV elle-même est un membre fondateurdu Bureau européen d'éducation des adultes devenu plus tard l'Association européenne pour l'éducation des adultes (AEEA), et du Conseil international d'éducation des adultes, (CIEA). Nous avons soutenu la mise en place et les activités d'associations d'éducation des adultes dans tous les pays d'Europe centrale et orientale. La nature des subventions de DVV International ne nous autorise pas à nous engager directement au CIEA, mais nous avons soutenu le CEAAL en Amérique latine pendant vingt ans et l'ASPBAE, en Asie et dans le Pacifique, pendant vingt-cinq ans. Nous sponsorisons une partie des activités du REPEM et avons récemment invité nos partenaires des pays méditerranéens d'Afrique, d'Europe et du Moyen-Orient à planifier la création d'une Association méditerranéenne d'éducation des adultes. En Allemagne, nous sommes un membre très actif de l'AEEA.

Les activités de promotion ne peuvent avoir lieu à un niveau spécialisé sans un minimum d'appui budgétaire, permettant de payer un bureau opérationnel et un peu de personnel qualifié. L'expérience quotidienne nous l'a montré: il faut collecter, présenter et distribuer des informations, installer et assurer la maintenance du matériel de communication, organiser des rencontres avec les décideurs à tous les niveaux, assister aux conférences nationales et internationales, préparer et évaluer la participation à ces conférences, entreprendre de la recherche, élaborer et diffuser des documents politiques, explorer et négocier les limites du consensus entre les membres, assurer le contact permanent avec les membres, rendre ici et là des services, organiser méticuleusement les assemblées générales, rédiger et présenter des rapports, gérer et rendre compte des budgets, etc. Bref, ceci représente un travail tel qu'il n'est pas question de le confier à des bénévoles, si engagés soient-ils. En Europe p. ex., l'AEEA a dû se limiter à des actions individuelles honorables, respectables et parfois même remarquables, ne demandant l'investissement que d'un petit noyau de membres. Ses seuls succès se limitent à avoir eu un impact durable, avoir pu attirer sensiblement l'attention, avoir régulièrement accès aux bureaux politiques appropriés, entretenir des contacts professionnels avec d'autres associations dans des domaines connexes, et améliorer le nombre de membres inscrits et leur sens de responsabilité après avoir pris la décision de collecter suffisamment de fonds, d'une manière ou d'une autre, pour ouvrir un petit bureau à Bruxelles et employer un secrétaire général professionnel.

À une époque de vaches maigres, il n'est pas aisé de convaincre les allocataires de fonds (ministères ou Commission européenne), que les activités de promotion d'une association professionnelle nationale ou régionale ne sont pas seulement légitimes, mais également essentielles pour la participation et l'engagement de la société civile en faveur du développement des communautés, des pays et des régions. Les allocataires de fonds n'apprécient guère de sponsoriser des processus continus car, comme ils dépendent de la participation des membres et des groupes cibles, ils doivent être flexibles et adaptables tout en entraînant des dépenses de personnel et d'entretien de bureaux. Les allocataires de subventions rechignent sur les frais institutionnels mais aiment les évaluations. Ils préfèrent financer des actions clairement définies, à court terme, précises sur la quantité et la portée des actions, et accompagnées de budgets exacts. Pour avoir la moindre chance d'être acceptées, les demandes doivent s'accompagner de tout un arsenal de feuilles de calcul bien rangées, d'un cadre logique d'objectifs et d'impacts précisant les indicateurs et les hypothèses sur lesquels il se base, un plan d'action détaillé, les montants exacts des ressources et le nombre de journées de travail requis pour chacune des activités proposées en fonction des catégories de personnel. Mais comment intégrer les activités d'une association pour la promotion de l'éducation des adultes dans une telle concoction de tableaux et de cadres?

À la DVV International, nous travaillons dans le sens contraire. Si nous insistons pour engager un processus constant de communication et de consultation avec nos partenaires de coopération, nous sommes par contre convaincus que nous devons leur laisser la liberté de décider eux-mêmes de leurs plans d'action, en leur accordant l'espace et les moyens nécessaires. Forts de notre expérience, nous reconnaissons qu'il est impossible de réaliser des activités de promotion, en tant que partie intégrante de l'éducation des adultes, sans aide ni soutien. Et nous sommes heureux de coopérer dans le cadre de ces processus et de nous engager mondialement, convaincus que finalement, nous-mêmes ne pouvons en profiter que si l'apprentissage des adultes trouve enfin les fonds et l'espace dont il a besoin, et la reconnaissance mondiale qui lui est due.

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