Déclaration de Manille sur l'assistance au développement à l'étranger (ADE) en matière d'éducation

Nous, les avocats de l’éducation en Asie-Pacifique, pensons que tandis que cette région s’illustre par sa diversité, certaines questions transversales liées à l’aide au développement, notamment à l’aide au développement de l’éducation, nous touchent tous. Dans les actuelles circonstances économiques mondiales, nous souhaitons attirer l’attention sur la capacité des grandes institutions financières et des gouvernements riches à se protéger des pires effets de la crise. Indéniablement, toutefois, ce sont les pays pauvres et les populations démunies qui ressentent dramatiquement ces effets; aussi, nous demandons à présent aux gouvernements et aux bailleurs de fonds de remplir les engagements qu’ils ont pris en ce qui concerne le calendrier de l’Éducation pour tous (EPT) et de protéger les États faibles et fragiles des pires effets de cette fusion du cœur financier de l’économie, comme ils l’ont fait pour eux-mêmes. Une pléthore de questions continue de tourmenter le secteur de l’éducation, et nous saisissons cette occasion pour rappeler tant aux bailleurs de fonds qu’aux gouvernements des pays bénéficiaires que ne pas atteindre les objectifs de l’EPT coûte cher et que l’on ne peut pas abandonner l’éducation au profit d’autres impératifs.

Apporter une vision: reconnaître l’indivisibilité des objectifs de l’Éducation pour tous (EPT)

Nous exhortons les gouvernements donateurs à souscrire aux plans des gouvernements partenaires concernant la mise en œuvre du Cadre d’action de Dakar pour le financement de l’éducation. Les objectifs de l’Éducation pour tous (EPT) formulent clairement six domaines éducatifs qui doivent principalement faire l’objet de l’aide des bailleurs de fonds dans le secteur de l’éducation. La protection et l’éducation de la petite enfance, l’éducation primaire universelle, le soutien pour permettre aux jeunes et aux adultes de profiter de possibilités d’apprentissage tout au long de la vie et de se former à des compétences utiles dans la vie courante, l’amélioration significative des résultats de l’alphabétisation des adultes, l’égalité des sexes à tous les niveaux de l’éducation et la qualité de l’éducation pour tous sont les objectifs à atteindre d’ici 2015, mais qui ne font plus clairement l’objet d’une vive attention. Bien que la région Asie-Pacifique ait fait des progrès en direction de ces objectifs, elle n’est absolument pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs de l’EPT d’ici 2015, la date fixée pour cela, et bien des choses restent à faire pour renverser l’actuelle situation. Sans ralentir l’élan fourni pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), nous nous efforçons de rappeler aux gouvernements donateurs qu’un cadre d’action concernant l’engagement dans l’éducation a spécifiquement été formulé et que ce que stipule ce cadre doit guider l’assistance au développement à l’étranger (ADE) en matière d’éducation. Les six objectifs de l’EPT sont liés de façon significative, et atteindre l’un d’eux, quel qu’il soit, exige que l’on se consacre à tous les autres. Reconnaissant cette indivisibilité, nous demandons aux gouvernements de prendre ensemble ces six objectifs comme plan d’action et de ne pas privilégier l’un d’eux au détriment des autres.

Apporter ce qui est vital: mobiliser des ressources pour combler le manque de capitaux

Nous demandons aux bailleurs de fonds et aux bénéficiaires de combler les manques de ressources estimés par la Campagne mondiale pour l’éducation à 16 milliards d’USD par an. Pour les pays donateurs, cela exige de fournir un budget d’aide s’élevant immédiatement à 0,7 % du revenu national brut (RNB). En outre, nous demandons que 15 % de l’aide totale soient affectés au secteur de l’éducation

pour indiquer l’engagement sérieux des bailleurs de fonds quant à l’augmentation des aides dont il est régulièrement question dans les déclarations qu’ils ont couramment faites ces dernières années sur l’éducation.

Quelques pays comme la Norvège (0,95 %), la Suède (0,93 %), le Luxembourg (0,90 %), le Danemark (0,81%) et les Pays-Bas (0,81 %) subventionnent déjà des programmes d’aide, même au-delà des niveaux convenus et fournissent ainsi la preuve que ce n’est ni trop lourd pour leur budget domestique, ni impossible. Malheureusement, les pays octroyant des aides à la région, et disposant de RNB considérables comme le Japon et les USA, ont affecté les plus faibles niveaux d’assistance au développement à l’étranger pendant des années – avec tout récemment 0,17 et 0,16 % de leurs RNB respectifs – et ce, même avant l’apparition de la crise financière mondiale.

De la même façon, nous rappelons aux gouvernements bénéficiaires que les accords internationaux prévoient que c’est d’abord à eux qu’incombe la respon sabilité de l’éducation. Par conséquent, nous demandons que les gouvernements nationaux bénéficiaires démontrent leur engagement envers l’éducation en finançant ce secteur à hauteur d’au moins 6 % de leurs PNB ou d’au moins 20 % de leurs budgets nationaux. Fournir des ressources au moins à ces niveaux et investir de façon à combler la pénurie d’enseignants, dont il manque chaque année quelque trois millions, devrait aussi améliorer les taux de rétention et de complétion.

Apporter des muscles: assurer une gouvernance efficace de l’assistance au développement

Une bonne gouvernance est essentielle pour offrir une ADE de qualité, et il est impératif qu’elle soit mise en place à tous les niveaux, y compris aux niveaux des bailleurs de fonds et des gouvernements bénéficiaires, et au plan local. Tant les bailleurs de fonds que les bénéficiaires doivent garantir l’adéquation et la qualité de l’aide qu’ils donnent et reçoivent. Les Principes de Paris sur l’efficacité de l’aide représentent le cadre d’action des bailleurs de fonds; ainsi,

les programmes donateurs devraient engager les gouvernements à refléter les priorités des gouvernements bénéficiaires, à assurer l’appropriation au plan local et à veiller à l’harmonisation des programmes et politiques de tous les bailleurs de fonds opérant dans les pays concernés. Assurer la transparence et l’obligation redditionnelle permettra aussi la mise en place de mécanismes de suivi et d’évaluation pour déterminer comment l’aide est distribuée à tous les niveaux, y compris aux plus marginalisés, et comment la qualité est garantie par des personnels enseignants efficaces, un appareil gouvernemental compétent et des professionnels de la gestion de l’éducation en nombre suffisant. Les organisations de la société civile (OSC) et la communauté au sens plus large ont besoin de pouvoir accéder à l’information pour se consacrer et participer aux processus d’utilisation de l’ADE, entre autres pour assurer que l’aide reçue par un pays ne devienne pas la proie de la corruption et ne soit pas utilisée anormalement. Par conséquent, il est essentiel qu’un calendrier de la bonne gouvernance prévoie une mesure de soutien à la création de capacités pour la société civile de façon à permettre un suivi efficace ainsi qu’une mesure d’éducation au développement pour la communauté au sens plus large afin d’assurer une participation plus utile des dépositaires d’enjeux.

ADE pour l`éducation dans le pays d'Asie-Pacifique, 2006

 Aide totale à l'éducation
en 2006
Millions d'USD
Part de l'éducation sur le
total de l'ADE
%

 Pays de l'ASEAN

 Brunei Darussalam 0 nd
 Cambodge 51 11
 Indonésie 423 13
 Laos  19 8
 Malaisie 86 75
 Myanmar 20 14
 Philippines 43 9
 Singapour 0 nd
 Thaïlande 34 10
 Vietnam 220 8
Total partiel ADE éduc.
pour les pays de l'ASEAN
 906 

AUTRES PAYS D'ASIE DE L'EST

Chine 85435
RD de Corée 2 3
Timor-Leste 3135
Rép. de Corée 0nd

 PACIFIQUE

Fidji 917
Îles Marshall 1323
Papouasie-Nouvelle Guinée 3411
Samoa 2149
Îles Salomon 42
Tonga 1557
Vanuatu 1110
Total partiel ADE éduc. pour le
Pacifique (pays sélect.)
 107 

ASIE DU SUD

 Afghanistan 1434
 Bangladesh 23710
 Bhoutan 913
 Inde 1604
 Iran 5043
 Maldives 59
 Népal 5612
 Pakistan 27613
 Sri Lanka 486
 Total partiel ADE éduc.
pour l'Asie du Sud
 984 

Source: Rapport mondial de suivi sur l'EPT 2009

Apporter de la force: développer et mettre en place des plans nationaux de l’Éducation étalés sur des durées déterminées et dont le coût est calculé

En même temps que nous demandons aux bailleurs de fonds et aux gouvernements nationaux de prendre au sérieux ce qu’implique une bonne gouvernance, nous cherchons encore à rappeler aux gouvernements nationaux qu’ils sont les premiers responsables du secteur de l’éducation. Il est par conséquent nécessaire que les gouvernements nationaux veillent eux-mêmes à être capables d’engager des bailleurs de fonds dans un cadre reposant sur leurs priorités et de présenter des arguments pour obtenir des ressources leur permettant de répondre à leurs besoins.

Des plans de l’Éducation doivent être conçus avec des programmes mesurables, étalés sur une durée déterminée, dont le coût est calculé et qui sont intégrés au sein de programmes cadres de lutte contre la pauvreté qui assureront l’atteinte de tous les objectifs de l’EPT d’ici 2015. Tenant compte de l’indivisibilité des objectifs de l’EPT et faisant observer qu’à mi-chemin de la réalisation de l’EPT, les priorités les plus négligées actuellement sont l’éducation durant la petite enfance, l’alphabétisation des adultes et les possibilités pour tous les jeunes et les adultes de se former à des compétences nécessaires dans la vie courante et de suivre des offres d’apprentissage tout au long de la vie, les gouvernements peuvent manifester une volonté renouvelée d’atteindre tous les objectifs de l’EPT en veillant à ce que dans leur conception, les secteurs nationaux de l’Éducation comportent, pour atteindre ces objectifs, des stratégies étalées sur des périodes déterminées et dont le coût est calculé. Les gouvernements, en particulier, doivent regarder où ils se trouvent par rapport aux arguments préconisant partout dans le monde que 6 % du budget de l’Éducation doivent être réservés à l’éducation des adultes, la moitié de ce pourcentage (soit 3 %) devant être affectée à l’alphabétisation des adultes.

Apporter de la vitesse: la réforme de l’Initiative de mise en œuvre accélérée de l’EPT (IMOA)

Nous demandons à la communauté des bailleurs de fonds et la Banque mondiale d’entreprendre des réformes essentielles de l’Initiative de mise en œuvre accélérée de l’EPT (IMOA) de façon à ce qu’elle réponde mieux aux nécessités et s’étende à davantage de pays ayant besoin de ressources pour atteindre TOUS les objectifs de l’EPT. Nous demandons spécifiquement l’élargissement de ce que couvre l’IMOA au-delà des deux OMD touchant à l’éducation (n° 2: l’éducation primaire universelle et n° 3 l’égalité des sexes dans l’éducation), de façon à ce qu’elle inclue tout le calendrier de l’EPT. Faisant observer que 2015 est très proche, nous demandons à l’IMOA d’accélérer ses activités et d’élargir ce qu’elle couvre de façon à inclure des pays en situation de conflit ou postconflictuelle, et les pays risquant de ne pas réaliser l’EPT à cause de leur pauvreté, de disparités, d’un remboursement insoutenable de leurs dettes et de pétrins fiscaux chroniques. Nous demandons à l’IMOA d’aller au-delà de l’aide offerte par le fonds catalytique. Dans l’axe de ces réformes, nous demandons à la Banque mondiale de garantir que des fonds soient mis à disposition de façon prévisible et d’améliorer l’emploi de ces capitaux, les processus décisionnaires et l’efficacité du système. Dans la foulée, nous recommandons la mise en place d’un comité directeur de l’IMOA réformé, plus résolu, obéissant à des procédures claires, démocratiques et transparentes. Nous pensons que pour apporter des changements à l’actuelle structure de l’IMOA, il pourrait être nécessaire d’instaurer une certaine distance entre la Banque mondiale et l’IMOA.

Produire un effet: une ADE efficace reposant sur un vrai transfert de ressources

Enfin, nous cherchons à rappeler aux bailleurs de fonds que pour réussir un développement aussi efficace que possible dans les pays partenaires, l’ADE doit constituer un véritable transfert de ressources et de capitaux frais. Sans nier la réalité du fait que l’assistance au développement est dictée par les priorités nationales des pays donateurs, nous prétendons qu’un vrai transfert de ressources portera davantage ses fruits et que des effets meilleurs dans les pays partenaires ouvriront également des possibilités considérablement accrues aux gouvernements donateurs. Dans cet esprit, nous demandons aux gouvernements donateurs de s’abstenir de fournir des aides là où les ressources sont rapidement canalisées de façon à retourner vers les gouvernements donateurs. Ceci inclut des niveaux élevés d’aide à l’éducation sous forme de bourses offertes à des étudiants de pays partenaires pour suivre des études (exclusivement) dans le pays donateur, l’aide donnée sous forme de prêts plutôt que de subventions et l’aide liée par opposition à l’aide déliée.

De la même manière, l’annulation de la dette garantira que les budgets des pays partenaires ne sont pas dominés par le remboursement des emprunts et que les ressources domestiques peuvent être utilisées en vue d’atteindre les OMD, les objectifs de l’EPT et d’autres objectifs convenus au plan international. Annuler la dette et augmenter la part de l’aide fournie sous forme de subventions plutôt que de prêts donnera aux gouvernements des pays la meilleure occasion d’optimiser leurs ressources domestiques pour contribuer au développement de secteurs divers.

Ainsi, l’adoption aujourd’hui par les partenaires du développement d’une stratégie jumelle de vrais transferts de ressources et d’appropriation accrue donnera un sens à l’aide réellement dispensée demain, faisant d’elle une stratégie mondiale de développement durable.

Organisations signataires

Asia South Pacific Association for Basic and Adult Education (ASPBAE)
Programme Real World Strategies
ODA Asia Forum Secretariat
Global Call to Action against Poverty (GCAP)–SENCA
Coalition d’ONG asiatique pour la réforme agraire et Campagne de développement rural pour l’éducation populaire (CAMPE, Bangladesh)
Réseau de la société civile pour les réformes de l’Éducation (E-Net Philippines)
Coalition for Educational Development (CED, Sri Lanka)
E-Net for Justice (Indonésie) National Coalition for Education (NCE, Inde)
Pakistan Coalition for Education (PCE)
Shanti Volunteer Association/Japan NGO Network for Education (JNNE, Japon)
NGO Education Partnership (NEP, Cambodge)
Papua New Guinea Education Advocacy Network (PEAN, Papouasie-Nouvelle Guinée)
Coalition for Education in Solomon Islands (COESI)
Campagne mondiale pour l’éducation (CME) au Népal
ODA Watch Philippines
Social Watch Philippines
Freedom from Debt Coalition (Philippines)
Action for Economic Reforms (Philippines)
Mouvement philippin de reconstruction rurale AKBAYAN (Philippines)
Arugaan (Philippines)
ASSERT (Philippines)
Development Action for Grassroots Learning and Empowerment (Philippines)
Education for Life Foundation (Philippines )
Eskwelahan Sang Katawhan Negros (ESKAN, Philippines )
Kabataan Kontra Kahlrapan (Les jeunes contre la pauvreté, Philippines )
KMBM (Philippines )
KPACIO (Philippines )
Manituran Development Foundation, Inc. (Philippines )
Notre Dame Foundation for Charitable Activities – Women in Enterprise Development (Philippines)
People’s Empowerment for Popular Education (Philippines)
People’s Initiative for Learning and Community Development (PILCD, Philippines)
Philippine Rural Reconstruction Youth Association
Pig las Kababaihan (Philippines)
PINASAMA (Philippines)
Public Services Labor Independent Confederation (Philippines)
Student Council Alliance of the Philippines
Sentro ha Pagpauswag ha Panginabuhi, Inc. (SPPI ou centre pour le développement de l’économie locale, Philippines)
Teacher’s Dignity Coalition (Philippines)
Teachers en Employees’ Association for Change, Education Reforms and Solidarity,
Inc. (TEACHERS, Inc. Philippines)
Unang Hakbang Foundation (Philippines)
UNLAD Kabayan (Philippines)
WomanHealth Philippines
Youth against Debt (Philippines)
Youth for Nationalism and Democracy (Philippines)
Save the Children Sweden
Plan Philippines

Personnes signataires:

M. Geoffrey Odaga, Campagne mondiale pour l’éducation, coordinateur mondial du programme Real World Strategies
Mme Chikondi Mpokosa, conseillère sur l’éducation dans le monde, Oxfam Grande-Bretagne

 

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