L’étude a porté sur le rôle des médias dans la formation agricole des adultes dans l’État du Delta au Nigeria. Les données ont été collectées auprès de 1 104 personnes à l’aide de questionnaires et d’interviews soumis à des tests préliminaires. Les données ont été analysées à l’aide de pourcentages, de moyennes et du coefficient de corrélation de Pearson. Les résultats révèlent entre autres que la dissémination des informations agricoles que les médias destinent aux fermiers est insatisfaisante du fait que la plupart des régions où les agriculteurs ont précisément besoin d’informations ne sont pas encore couvertes. De même, les fermiers préfèrent la télévision aux autres médias. Il y a une corrélation positive entre l’utilisation des médias et le rendement agricole (P<0,05). L’analyse a une utilité certaine pour la mise en place de programmes destinés à améliorer la productivité agricole et la sécurité alimentaire au Nigeria. Patrick E. Egbule travaille au département de formation professionnelle de la Delta State University à Abraka et Edna Mathews au département de vulgarisation agricole à la University of Technology d’Owerri, Nigeria.
La transmission effective des résultats de recherche et des technologies agricoles modernes aux fermiers est un moyen très prometteur d’améliorer la productivité. Il s’agit généralement des techniques d’application des engrais, des insecticides et des fongicides sur les cultures, de l’emploi de méthodes de cultures améliorées, des techniques de conservation des sols, des techniques de plantation, d’entretien, de récolte et de stockage des cultures, mais aussi des nouvelles méthodes technologiques d’élevage et de transformation et de commercialisation des produits agricoles. Si l’on veut que les fermiers acceptent les nouvelles technologies et les utilisent, il faut faire pénétrer les idées nouvelles jusque dans les exploitations et les foyers au moyen d’une vulgarisation ciblée et des médias.
Grâce au matériel de vulgarisation, les médias deviennent de plus en plus l’instrument de la transformation de l’agriculture nigériane. Leur rôle primordial est d’envoyer un flux d’information d’un ou plusieurs expéditeurs à un grand nombre de destinataires, mais ils jouent également un rôle important dans les domaines des distractions, de l’information et de l’éducation. Ils sont aussi un instrument de l’immense potentiel de croissance et de développement total de l’être humain et donnent aux populations les moyens de se comporter de manière sélective et de choisir elles-mêmes le type d’information qu’elles veulent ou ne veulent pas.
Dans la plupart des communautés urbaines et rurales, l’audience est large même si les gens qui ne travaillent pas directement dans le secteur agricole ont un plus grand besoin d’information sur certains domaines de la production agricole. Ces gens auront un plaisir indéniable à apprendre comment est produite leur nourriture journalière et pourront même avoir envie de se mettre à cultiver eux-mêmes la terre. De même, vu l’environnement compétitif dans lequel nous vivons et les changements rapides qui interviennent dans les tâches professionnelles et technologiques, il faut prévoir pour la formation agricole des adultes des approches multidimensionnelles, globales et interculturelles au niveau des contenus et des systèmes si l’on veut améliorer la production alimentaire.
Au Nigeria, les grands systèmes médiatiques qui entrent en ligne de compte sont la radio, la télévision et la presse écrite. Dans l’État du Delta, le Delta Broadcasting Service (DBS), la Delta Television (DTV) et les journaux «Pointer» sont les trois principaux outils médiatiques. Les informations dont nous disposons montrent que le Nigeria a un système de radio-télévision bien développé et fiable par rapport aux autres pays en développement. Néanmoins, les possibilités offertes par ces équipements médiatiques pour la formation agricole des adultes ne sont pas encore totalement exploitées en raison des coûts de transmission élevés et de l’absence de cadre approprié capable d’intégrer les médias dans les programmes de développement agricole. Les systèmes médiatiques dans la plupart des États du Nigeria sont d’autre part extrêmement centralisés et concentrés sur les zones urbaines de sorte que seule une part infime de l’information nécessitée parvient jusqu’aux communautés rurales, alors que c’est précisément dans ces communautés que se concentre la majorité de la population et des activités agricoles.
La proportion élevée d’illettrisme pose également un problème puisque la majorité des agriculteurs ne peuvent ni lire ni comprendre l’information qu’on leur propose. De plus, le prix élevé des journaux, de la radio et de la télévision réduit les possibilités d’utiliser ces moyens d’information pour les fermiers professionnels ou potentiels. Les éditeurs et directeurs de programmes quant à eux préfèrent proposer des programmes à valeur commerciale. La plupart du temps, les rares programmes agricoles qui existent ne sont pas adaptés aux besoins des fermiers et la majorité d’entre eux sont obligés de se fier aux informations de tierces personnes qui ne sont pas toujours objectives.
C’est dans ce contexte et pour répondre aux questions suivantes que nous avons procédé à cette étude:
La population concernée se compose de tous les exploitants agricoles de l’État du Delta, soit 1 140 000 personnes (ministère de l’Agriculture et des Ressources naturelles, État du Delta). Les fermiers se différencient par leurs particularités respectives et la taille de leurs fermes, et sont répartis dans les 25 États régionaux du pays.
Nous avons choisi au hasard un État régional dans chacune des trois zones agricoles de l’État du Delta (Nord, Centre et Sud). Nous avons également sélectionné au hasard deux communautés rurales dans chacun des États régionaux à raison de 200 fermiers par communauté. L’échantillon de l’étude se compose donc de 1 200 fermiers.
Comme instruments de collecte des données, nous avons choisi un questionnaire structuré et des interviews. Nous avons établi un questionnaire en 24 points divisé en cinq parties. La partie A est consacrée aux données démographiques, la partie B à la question de savoir dans quelle mesure les médias ont transmis les informations agricoles appropriées aux fermiers. La partie C est focalisée sur la nature des informations agricoles disséminées, la partie D sur l’ordre de préférence des médias. Enfin, la partie E cherche à établir le rapport entre l’utilisation des mass-médias par les fermiers et le niveau de productivité.
Les instruments ont été validés par des spécialistes de l’éducation agricole et par des groupes de vulgarisation agricole de la Delta State University, Abraka, Nigeria. La fiabilité de l’instrument (0,83) a été déterminée à l’aide d’un processus soumis à un test préliminaire.
Le chercheur, assisté de trois personnes issues respectivement de chaque zone agricole de l’État du Delta, a distribué et collecté l’instrument une fois celui-ci rempli. Les personnes interrogées ont rempli 92 pour cent du questionnaire.
Les données collectées ont été analysées à l’aide de pourcentages, de moyennes et du coefficient de corrélation de Pearson. Les conclusions statistiques ont été tirées avec un seuil de signification de 0,05.
Les résultats de l’étude sont présentés aux tableaux 1 à 4.
Tableau 1: Dans quelle mesure les mass médias ont-ils transmis les informations agricoles aux fermiers?
Mass médias | Réponse moyenne | Remarque |
Radio | 3,22 | Taux élevé |
Télévision | 1,55 | Taux bas |
Journaux | 1,86 | Taux bas |
Ces données montrent que seule la radio, en tant que moyen de transmission d’informations agricoles aux fermiers, obtient un taux moyen élevé de 3,22. La télévision et les journaux obtiennent respectivement un taux bas de 1,55 et 1,86. On peut donc dire que la radio est le média qui transmet le mieux les informations agricoles aux fermiers de l’État du Delta, Nigeria.
Tableau 2: Nature de l’information agricole disséminée par les médias
N° | Variables | Réponses | |
Nombre | % | ||
1 | Variétés de cultures améliorées | 663 | 60,05 |
2 | Application des engrais | 382 | 34,60 |
3 | Transformation et stockage | 450 | 40,76 |
4 | Location de tracteurs | 64 | 5,80 |
5 | Lutte contre les insectes et les maladies | 228 | 20,65 |
6 | Contrôle de l’érosion | 156 | 14,13 |
7 | Contrôle des mauvaises herbes | 128 | 11,56 |
8 | Commercialisation des produits fermiers | 110 | 9,96 |
9 | Techniques de plantation améliorées | 546 | 49,45 |
10 | Gestion du bétail | 410 | 37,14 |
Les données recueillies au tableau 2 montrent que 663 personnes interrogées, soit 60,05%, ont déclaré avoir été informées par les médias sur les variétés de cultures améliorées. 382 personnes, soit 34,60%, ont été informées sur l’application des engrais et 450 personnes (40,76%) sur la transformation et le stockage des produits agricoles. Seules 64 personnes interrogées (5,80%) ont eu des informations sur les possibilités de louer des tracteurs, 228 (20,65%) sur la lutte contre les insectes et les maladies, 156 (14,13%) sur le contrôle de l’érosion et 128 (11,59%) sur le contrôle des mauvaises herbes. Seuls 110 fermiers (9,96%) ont eu des informations sur la commercialisation des produits fermiers, 546 (49,45%) sur les techniques de plantation améliorées et 410 (37,14%) sur la gestion du bétail. Comme le montrent les réponses, la plupart des agriculteurs ont choisi deux ou plusieurs activités.
Tableau 3: Médias par ordre de préférence
Mass médias | Réponses | |
Nombre | % | |
Radio | 423 | 38,31 |
Télévision | 545 | 49,37 |
Journaux | 136 | 12,32 |
Ce tableau montre que 423 personnes interrogées, soit 38,31%, préfèrent la radio comme source d’information agricole. 545 (49,37%) des fermiers préfèrent la télévision et seuls 136 (12,32%) les journaux. La source d’information agricole préférée des fermiers est donc la télévision.
Tableau 4: Coefficient de corrélation de Pearson entre l’utilisation des médias et le rendement agricole
Variable | X | SD | R |
Utilisation des médias | 3,49 | 3,99 | 0,62* |
Rendement agricole | 3,92 | 4,11 | 0,62* |
* P < 0,05, df 1,102
Le tableau 4 montre qu’il y a une corrélation positive et significative entre l’utilisation des médias et les rendements agricoles (r = 0,62; df 1,102). Ceci veut dire que le rendement agricole général des fermiers va croître avec l’accroissement de l’utilisation des informations agricoles fournies par les médias.
Les résultats de cette étude montrent que la majorité des fermiers s’informent au moyen de la radio sur les pratiques agricoles modernes. Autrement dit, la télévision et les journaux ne sont pas des sources d’information importantes. Les fermiers ont cependant tendance à préférer la télévision à la radio et aux journaux; il faut donc concevoir un cadre approprié permettant de transmettre les informations agricoles améliorées aux fermiers par l’intermédiaire de la télévision. Non seulement la télévision donne aux fermiers les moyens de voir et d’entendre, mais elle permet aussi au présentateur de leur montrer des exemples concrets. Il faut donc essayer de résoudre avec plus de réalisme les problèmes qui s’opposent à ce que les fermiers utilisent les médias et adoptent des pratiques agricoles améliorées.
Cette étude montre aussi que les médias de l’État du Delta ont sans aucun doute mal disséminé les informations agricoles. Si certains succès ont été enregistrés au niveau de l’information sur les variétés améliorées de cultures, les techniques de plantation et l’emploi d’engrais, la majorité des secteurs par contre ont été négligés, notamment la transformation et le stockage, les possibilités de louer des tracteurs, la lutte contre les insectes et le contrôle des maladies, la lutte contre l’érosion, le contrôle des mauvaises herbes, les principes de gestion du bétail et la commercialisation des produits fermiers. Pour améliorer la productivité et le bien-être général, les fermiers nécessitent une grande quantité d’informations dans les divers secteurs agricoles et les activités qui y sont liées.
Les résultats de cette étude ont des conséquences importantes pour la mise en place de politiques appropriées et de programmes destinés à l’amélioration de la production alimentaire dans les communautés rurales. Le personnel des médias doit reconnaître qu’il a un rôle crucial à jouer dans la dissémination des informations agricoles qui permettront d’améliorer la production alimentaire et le développement d’une agriculture soutenable. Le personnel peut s’engager en faveur du développement agricole en établissant des programmes spéciaux et en consacrant plus de temps aux programmes de formation agricole pour adultes. Pour obtenir le succès souhaité, il faut autonomiser les fermiers par le biais de l’éducation, de financements et du développement rural intégré des communautés.
Nous avons tenté de définir dans quelle mesure les médias ont transmis les informations agricoles aux fermiers, d’évaluer la nature des informations agricoles disséminées et d’identifier les médias préférés des fermiers. Nous avons aussi évoqué le fait que la dissémination effective des informations agricoles est l’une des conditions du développement agricole soutenable. Étant donné que les fermiers préfèrent la télévision aux autres médias, il faut installer des stations de télévision communautaires @ rurales qui leur proposent des programmes agricoles spéciaux.