Le passage d’un siècle à l’autre s’accompagne habituellement de l’idée que quelque chose d’inhabituel va se passer, quelque chose d’exceptionnel qui changera du tout au tout notre façon de vivre. En marge de ces idées futiles, on réalise aussi des analyses sérieuses et des études prospectives pour le développement des communautés individuelles, des nations et des États, et pour le développement global de l’humanité. À la veille du 21e siècle, des bilans des réalisations de l’humanité ont déjà été réalisés dans divers domaines de la science, des techniques et des technologies, de l’éducation, de la littérature et des arts, de la politique et de l’économie, des sports, etc. L’amélioration des technologies éducatives, la consolidation de l’idée d’éducation tout au long de la vie, l’émergence et le développement d’institutions éducatives œuvrant à la réalisation de ces idées sont parmi les tendances qui affectent le secteur éducatif avec lesquelles l’humanité franchira le cap du troisième millénaire. Ces processus caractérisent aussi notre pays. Il sera intéressant de faire une comparaison analogique de la place qu’occupaient l’éducation et la politique éducative de notre jeune État à la fin du 19e siècle, c’est-à-dire au seuil du 20e siècle. Pepka A. Boyadzieva est professeur à l’Institut de sociologie de l’académie bulgare des sciences; Elena P. Paspalanova et Entcho N. Gerganov travaillent à l’Institut de psychologie de la même académie. Elen P. Paspalonova est chargée de cours en psychologie sociale, Entscho N. Gerganov professeur de psychologie cognitive et de psycholinguistique.
À la fin du siècle dernier, un long et vif débat eut lieu à l’Assemblée et dans les revues et journaux scientifiques sur la politique éducative de l’État bulgare renouvelé, et en particulier sur le niveau d’éducation de la population bulgare et sur les atouts de l’enseignement supérieur sur le plan personnel et public . Le débat se déroulait à une époque où, selon les statistiques officielles, 84,37% de la population du royaume et 93,43% de femmes, étaient illettrés en 1893. Selon certains, il fallait réduire les coûts de l’éducation parce que l’État était pauvre, que les fonds étaient insuffisants, qu’il avait des problèmes beaucoup plus importants à résoudre et parce qu’il restait encore à prouver que l’enseignement supérieur avait des retombées positives sur l’économie. «L’éducation secondaire et supérieure est un luxe», dit Ivan Gesho dans le périodique de la Société bulgare de littérature, ajoutant qu’il fallait réduire l’enseignement secondaire parce qu’il produit un «prolétariat qui pense». Un enseignant insista «De l’instruction! De l’instruction!». Et le ministre des Finances et de l’Éducation populaire en personne, le libéral Petko Karavelov, répondit: «Du pain! Du pain! C’est cela notre slogan... Toutes les formes de travail sont sacrées mais le travail le plus sacré, c’est celui du laboureur».
Le point de vue adverse fut ardemment défendu par un autre membre de l’Assemblée, Stefan Stambolov, en ces termes: «Il est souhaitable que le vendeur d’olives et le juriste acquièrent la même éducation... Et plus nous donnerons au peuple la possibilité d’étudier, plus nous pourrons espérer qu’il saura comprendre ses intérêts; si nous continuons dans cette voie je suis convaincu que dans vingt ans, la Bulgarie sera méconnaissable». En dépit de grandes difficultés et d’une forte opposition, cette thèse finit par s’imposer dans la politique éducative de l’État bulgare. Les faits sont impressionnants: au début du 20e siècle, plus de 60% des enfants en âge scolaire étaient scolarisés; il y avait 26 écoles secondaires dans le pays; la première université bulgare ouvrit ses portes et fonctionna avec succès.
Bien que notre pays diffère beaucoup de ce qu’il était à la fin du siècle dernier, il est actuellement confronté aux mêmes dilemmes. Quel type de politique éducative devons-nous adopter? Celle qui consiste à freiner ou celle qui stimule le désir d’éducation du peuple? Quelles sont les domaines prioritaires à financer? L’éducation en fait-elle partie vu les conditions actuelles de restrictions budgétaires et la nécessité d’introduire des changements radicaux dans les domaines structurels-clés de la société? De combien d’organismes éducatifs, de combien d’écoles et d’universités a besoin un État où les gens qui ont reçu une éducation supérieure soutiennent leur famille en exerçant des activités non qualifiées – les plus riches étant loin d’être les mieux éduqués, alors que la population à l’âge où l’on fait traditionnellement des études décroît? Quelle est l’attitude de l’État vis-à-vis de l’éducation permanente et des institutions prestataires?
Alors que la politique éducative des partis politiques est déclarée publiquement et qu’elle se laisse facilement évaluer si l’on veut connaître l’étendue de son implémentation, les intentions et aspirations éducationnelles des Bulgares de même que la place qu’occupe l’éducation dans leur système de valeurs ne peuvent être évalués qu’au moyen d’études sociologiques et psychologiques spéciales.
L’étude présentée dans cet article vise à analyser les fluctuations des intentions de poursuivre leur formation manifestées par les Bulgares au seuil du 21e siècle et à mettre en lumière leurs aspirations éducationnelles au moment où ils entrent dans le nouveau millénaire. Nous avons réalisé à cet effet une analyse comparative à l’aide des données tirées de deux études socio-psychologiques représentatives à l’échelle nationale sur les intentions des personnes interrogées de poursuivre leur formation même après avoir acquis un certain niveau d’éducation, réalisées à six ans d’intervalle en 1993 et en 1999.
L’enquête par sondage de 1993 a été réalisée auprès d’environ 1 300 personnes. L’analyse des résultats de l’époque a été publiée dans l’ouvrage «L’éducation hors des murs de l’école».1 En mai 1999, nous avons réalisé une nouvelle enquête à l’aide du même questionnaire, à partir d’un échantillon représentatif de la nation auprès de quelque 1 050 personnes. Pour mesurer l’intensité du désir de la personne interrogée de poursuivre des études, nous avons posé la question suivante dans les deux études:
Mon intention est: | ||||||
je n’en ai pas l’intention du tout | très faible | plutôt faible que forte | aussi forte que faible | plus forte que faible | forte | très forte |
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 |
Le désir plus ou moins fort de poursuivre leur formation était en rapport direct avec les aspirations des personnes interrogées en matière d’éducation, ce qu’a confirmé la question suivante:
Nous présenterons ici les résultats des deux enquêtes sous forme de diagrammes pour comprendre les fluctuations des intentions et des aspirations des Bulgares en matière d’éducation. Nous prendrons comme variables fiables l’échelle de l’intention de la personne interrogée de continuer à étudier d’un côté et l’échelle de ses aspirations éducationnelles de l’autre, et comme facteurs indépendants – le moment de la collecte des données et de quelques caractéristiques socio-démographiques importantes comme l’âge et le niveau d’éducation de la personne interrogée, le type d’habitat, son appartenance ethnique, etc.
Le résultat le plus frappant des deux enquêtes est le fait que l’intention de continuer à se former et le niveau des aspirations en matière d’éducation sont en hausse. En 1993, près des deux tiers des personnes interrogées, soit 73%, indiquent qu’elles n’ont aucune intention de se former; seules 1,5% d’entre elles qualifient leur intention de très forte, 4,5% de forte et 5,1% de plus ou moins forte. Les données de 1999 révèlent une image tout à fait différente: le pourcentage de celles qui ne lient pas catégoriquement leur futur à une activité d’éducation a considérablement diminué, soit 53,8%. Parallèlement, le pourcentage des personnes interrogées qui déclarent une intention éducative plutôt claire, soit 5,3%, définit son intention comme forte, et 8,7% - comme plus ou moins forte. On le voit très bien sur la fig. 1.
Fig. 1: Pourcentage des personnes interrogées par rapport à l'intensité de leur intention de continuer à se former
L’analyse des données montre une différence sensible au niveau statistique entre les intentions éducatives des personnes interrogées en 1993 et en 1999. La valeur moyenne de l’intention de la personne interrogée en 1993 est de 2,02 alors qu’elle est passée à 2,46 en 1999.
La différence au niveau des aspirations éducationnelles des deux groupes de personnes interrogées (fig. 2) est par contre beaucoup plus grande. En 1993, 78,3% d’entre elles se déclarent satisfaites de leur niveau d’éducation; 5,2% souhaitent acquérir une éducation secondaire, 2,9% - le niveau du collège technique, 9,1% - le niveau universitaire, alors que 1% visent un diplôme scientifique. En 1999, le pourcentage des personnes satisfaites de leur niveau d’éducation est tombé à 55,1%, celles qui souhaitent obtenir un diplôme secondaire représentent 11,2%, du collège 2,9%, universitaire 20,5%, scientifique 3,7%. L’analyse montre que la différence au niveau des aspirations des personnes interrogées dans les deux enquêtes est très importante, la valeur moyenne atteignant 2,2 en 1993 et 3,6 en 1999.
Fig. 2: Pourcentage de personnes interrogées souhaitant acquérir un niveau d'éducation plus élevé par rapport au niveau qu'elles ont actuellement
Il faut avouer que le changement significatif qui apparaît dans les intentions et les aspirations éducationnelles nous a quelque peu surpris. Nous nous attendions certes à une évolution, mais nous sommes surpris par son ampleur. En l’espace de cinq ans seulement, les intentions éducationnelles de la population bulgare ont tellement évolué qu’elles donnent une nouvelle image de la société tout entière. Une société dont 25% des membres incluent dans leurs projets de vie un certain type d’activité sociale n’est guère différente d’une société dans laquelle 35% des gens ont une intention similaire. Mais si ce genre de comportement social devient l’objectif de la moitié de la population, comme c’est le cas dans l’enquête de 1999, cela prouve que des changements profonds se sont produits au sein de ladite société. D’autant plus quand ces intentions sont d’ordre éducationnel, l’éducation étant une sphère de projection à la fois personnelle et sociale.
Comment interpréter les différences observées? Quels facteurs sont responsables de l’intérêt accru pour les services éducatifs et du désir d’acquérir des niveaux d’instruction plus élevés? Quel est le sens de l’activité éducative et quelle est la valeur de l’érudition-même dans les conditions d’une démocratie et d’une société civile qui s’affirme, mais aussi dans celles d’un nouvel appauvrissement, d’un taux uniformément élevé de chômage et d’un fossé social en voie d’élargissement? Nous allons chercher ci-après les réponses à ces questions en analysant l’influence des facteurs socio-démographiques sur les personnes interrogées.
Rapport entre l’intention de continuer à se former et les aspirations en matière d’éducation, et l’éducation déjà acquise
Pour la présentation des résultats des études empiriques, nous suivrons la procédure suivante: nous commencerons par étudier l’influence du facteur indépendant donné sur les intentions éducationnelles, uniquement pour le groupe de personnes qui a fait l’objet de l’étude de 1999, par deux tableaux de mesures statistiques. Puis, par une analyse de dispersion à deux facteurs, nous pisterons l’influence de ce facteur sur les deux groupes de personnes interrogées en 1993 et en 1999.
Dans l’enquête de 1993 et dans la présente, le niveau d’éducation est devenu un déterminant extrêmement important des intentions éducationnelles. Il y a un rapport très net entre l’intention de la personne interrogée de continuer à se former et son niveau d’éducation – plus son niveau d’éducation est élevé, plus elle souhaite atteindre un niveau d’éducation élevé. Par exemple, dans le groupe de gens possédant une formation universitaire, 31,93% indiquent qu’ils n’ont pas l’intention de continuer leur formation; dans le groupe des gens de niveau secondaire, ce pourcentage monte à 47,3% pour atteindre dans les groupes de gens de niveau primaire et inférieur au primaire respectivement 78,65% et 92,86%. Parmi ces diplômés, 16,87% déclarent vouloir fortement à très fortement continuer à se former alors que parmi ceux de niveau secondaire, ce pourcentage chute à 12,86%; parmi ceux de niveau primaire à 6,74% et ceux ayant le niveau le plus bas d’éducation à 4,76%.
L’influence de facteurs comme le niveau d’éducation de la personne interrogée et l’année de l’enquête sur l’intention de continuer des études s’affiche clairement sur la fig. 3.
Fig. 3: Intensité de l'intention des personnes interrogées de continuer à étudier en fonction de de leur éducation et de l'année de l'enquête
Les facteurs année de l’enquête et niveau d’éducation des personnes interrogéesýont une influence considérable sur les intentions de poursuivre sa formation. Les gens ayant un niveau d’éducation plus élevé ont de plus fermes intentions de continuer des études. Parallèlement, les personnes interrogées en 1999 ont en moyenne une intýntion plus marquée de continuer à se former par rapport à celles interrogées en 1993. Le fait que l’interaction entre les deux facteurs indépendants affecte sensiblement les intentions de formation mérite une attention particulière. En d’autres termes, en 1993 et en 1999, on constate une différence dans la manière où l’éducation acquise par la personne influe sur son désir de continuer à se former. Comme on le constate à la fig. 3, en 1999, l’effet sur les intentions éducationnelles des gens de niveau du collège technique supérieur d’une part et universitaire d’autre part, est presque égal. On observe donc un recul de l’écart important dans le degré d’intention constaté en 1993, entre l’influence de l’éducation secondaire et de l’éducation primaire. Si ces changements se maintiennent et s’amplifient au cours des années à venir, nous aurons toute raison de parler de l’effet cumulatif des préférences éducatives. En d’autres termes, le degré de l’intention de continuer à se former sera approximativement égal pour les gens de niveau d’éducation différent.
On constate une forte influence des facteurs étudiés sur les aspirations éducationnelles. La fig. 4 montre que les personnes interrogées de niveau du collège et du secondaire ont en moyenne des ambitions plus élevées que les autres. Dans ce cas, le profil de la personne interrogée en 1999 est plus élevé que celui de la personne interrogée en 1993, c’est-à-dire que les ambitions des personnes interrogées en 1999 sont considérablement plus fortes que celles de1993.
Fig. 4: Aspirations des personnes interrogées en matière d'éducation en fonction de leur éducation et de l'année de l'enquête
L’interaction entre les deux facteurs indépendants a aussi un effet essentiel sur les aspirations éducationnelles. Ceci est dû au fait qu’en 1999, le «comportement» des personnes de niveau du collège technique change du tout au tout: elles sont fortement motivées à acquérir un niveau plus élevé d’éducation par rapport à toutes les autres.
L’analyse de l’effet des facteurs démographiques sociaux, notamment l’âge, le lieu de résidence, l’origine ethnique, le sexe et l’appartenance sociale sur les intentions et les aspirations de la personne montrent la tendance de l’éducation à devenir un domaine social ouvert d’activité publique.
Rapport entre l’intention de continuer à se former et les aspirations éducationnelles, et l’âge de la personne interrogée
L’âge de la personne est un facteur significatif en ce qui concerne ses intentions en matière de formation. Les données recueillies lors de notre enquête confirment la tendance déjà constatée dans d’autres enquêtes: plus la personne interrogée est jeune, plus forte est son aspiration à une activité de formation. Ainsi, par exemple, dans le groupe des personnes interrogées du groupe d’âge 18-30 ans, 19,63% d’entre elles déclarent qu’elles n’ont aucunement l’intention de continuer à se former; dans le groupe 31-40 ans, ce pourcentage augmente à 38,66% tandis que parmi les quinquagénaires et les personnes de plus de 60 ans, il passe à respectivement 79,03% et à 91,7%. L’analyse des réponses à l’autre bout de l’échelle n’est donc pas surprenante: 26,29% des personnes interrogées dans le groupe d’âge des 18-30 ans expriment un souhait fort à très fort de continuer à se former; dans le groupe d’âge des 31-40 ans, ce pourcentage tombe à 10,31%; dans le groupe d’âge des 41-50 ans à 6,47%, dans celui des 51-60 ans à 2,42% et parmi les plus âgés (plus de 60 ans) à 3,73%.
Conformément à nos hypothèses initiales, l’analyse de dispersion à deux facteurs montre que l’âge a un fort impact sur les intentions éducationnelles des personnes interrogées en 1993 et en 1999. Il n’y a pas de différences notoires dans l’interaction entre les deux années, ce qui implique qu’au niveau statistique, les courbes des intentions éducationnelles pour les deux années sont parallèles.
La fig. 5 montre clairement que l’impact considérable du facteur de l’année de l’enquête sur les intentions d’éducation est dû au désir d’éducation plus fort exprimé en 1999 par les personnes des groupes d’âge plus avancé. Ce résultat mérite une attention spéciale car il montre que dans notre pays aussi, tout comme dans les pays avancés d’Europe occidentale, l’activité éducative n’est déjà plus un privilège pour les jeunes mais qu’il s’avère progressivement un choix de vie réel pour les gens de tout âge.
Fig. 5: Intensité de l'intention des personnes interrogées de continuer à se former en fonction de leur âge et de l'année de l'enquête
L’âge a aussi un impact significatif sur les aspirations éducationnelles des personnes interrogées en 1993 et en 1999 (voir fig. 6).
Fig. 6: Aspirations éducationnelles des personnes interrogées en fonction de leur âge et de l'année de l'enquête
On constate aussi un effet significatif sur les aspirations en ce qui concerne l’année d’étude d’une part, l’interaction entre l’âge et l’année de l’étude d’autre part. Le dernier résultat est évidemment lié aux aspirations éducationnelles accrues des personnes interrogées dans le groupe d’âge des 41-50 ans.
Rapport entre l’intention de continuer à se former et les aspirations éducationnelles, et le lieu de résidence des personnes interrogées
Le lieu de résidence d’une personne est un facteur déterminant de son attitude vis-à-vis de l’éducation – 9,26% des personnes vivant dans les villages, 5,06% des habitants des petites villes, 15,7% des habitants des grandes villes et 13,01% des habitants de la capitale expriment un fort et très fort désir de formation continue.
La fig. 7 présente l’impact de facteurs comme le lieu de résidence et l’année de l’enquête sur les intentions éducationnelles.
Fig. 7: Intensité de l'intention des personnes interrogées de continuer à se former en fonction du lieu de résidence et de l'année de l'enquête
Les deux facteurs ont un impact important sur les intentions éducationnelles de la personne. Une influence sensible sur le désir de continuer à se former est aussi exercée par l’interaction entre les deux facteurs. La différence visible dans l’impact du lieu de résidence sur les intentions d’éducation durant les deux années étudiées est d’une grande importance. En 1999, le souhait de continuer à se former a considérablement augmenté chez les habitants des villages, des petites et des grandes villes, ce qui signifie que l’éducation est désormais un domaine d’activité qui s’ouvre à des couches plus larges de la société.
Si l’on en croit les résultats de l’analyse de dispersion à deux facteurs, le lieu de résidence des personnes interrogées ainsi que l’année de l’enquête ont un effet considérable sur les aspirations éducationnelles (voir fig. 8).
Fig. 8: Aspirations éducationnelles en fonction du lieu de résidence et de l'année de l'enquête
Dans les deux groupes enquêtés en 1993 et 1999, le facteur lieu de résidence a une influence similaire du fait qu’au niveau statistique, les profils de la fig. 8 sont parallèles. On constate une certaine augmentation dans les aspirations des habitants des villages et les petites villes. En comparaison toutefois avec les changements observés en 1999 sur le mode d’impact du facteur lieu de résidence sur les intentions, on n’enregistre pas de changement statistiquement significatif en relation avec les aspirations.
Rapport entre l’intention de continuer à se former et les aspirations éducationnelles, et l’origine ethnique de la personne interrogée
La tendance de l’éducation à devenir une sphère d’activité sociale ouverte s’affiche de manière particulièrement éclatante au niveau de l’analyse de l’impact du facteur origine ethnique sur les intentions éducatives. Concernant le nombre de personnes étudiées en 1999, cet impact s’avère statistiquement insignifiant. Les buts éducatifs des personnes interrogées issues de différents groupes ethniques sont pratiquement identiques: 11,7% des Bulgares, 10,61% des Turcs de Bulgarie et 15% des Roms déclarent qu’ils souhaitent fortement continuer à se former; 53,33% des Bulgares, 51,52% des Turcs de Bulgarie et 65% des Roms déclarent qu’ils n’ont aucun désir de continuer à se former.
La fig. 9 fait ressortir la différence dans les intentions éducationnelles des groupes ethniques spécifiques en 1993 et 1999.
Fig. 9: Intensité de l'intention des personnes interrogées de continuer leurs études en fonction de leur appartenance ethnique et de l'année de l'enquête
Si en 1993, l’appartenance ethnique de la personne interrogée était un facteur qui influençait fortement son désir de continuer à se former, en 1999, elle est statistiquement insignifiante. L’augmentation des intentions de se former des Turcs de Bulgarie et des Roms est particulièrement remarquable.
L’appartenance ethnique a un impact important sur les aspirations éducationnelles des personnes interrogées en 1993 et 1999 (voir fig. 10)
Fig. 10: Aspirations éducationnelles en fonction de l'appartenance ethnique et de l'année de l'enquête
De nouveau, l’année de l’enquête est primordiale de même que l’interaction entre les deux facteurs indépendants. La différence essentielle dans l’impact du facteur origine ethnique sur les aspirations éducationnelles des deux groupes enquêtés est due en majeure partie à l’accroissement exceptionnel des aspirations éducationnelles des Turcs de Bulgarie. Les résultats obtenus montrent une tendance à l’équilibre entre les souhaits des citoyens bulgares d’origine ethnique différente. La question de savoir si cette tendance impliquera aussi l’égalité au niveau des chances éducatives dépendra de la politique et des stratégies éducatives individuelles envers les divers groupes ethniques de notre pays.
Les résultats de nos enquêtes montrent que l’impact du milieu social et du capital culturel de la personne sur ses intentions et ses aspirations éducationnelles s’est maintenu et même reproduit.
Rapport entre les intentions de continuer à se former et les aspirations éducationnelles, et l’appartenance à un groupe social
En 1999 comme en 1993, on note des différences sensibles au niveau des intentions éducationnelles des personnes interrogées en fonction du groupe social auquel elles appartiennent. Les agriculteurs et les sans-emplois ont tendance à être satisfaits de l’éducation acquise: 74,39% du premier groupe et 74,52% du second indiquent qu’ils n’ont aucunement l’intention de continuer à se former. Parmi les travailleurs, ce pourcentage chute à 58,82% parmi eux, les free-lances et les employés respectivement 36,84% et 37,38%.
L’année de l’enquête n’influe pas essentiellement sur les intentions en matière d’éducation de personnes provenant de groupes sociaux différents.
La position sociale des personnes interrogées qui expriment les intentions les plus faibles de se former, à savoir les sans-emplois, les agriculteurs et les travailleurs, mérite une attention particulière. Ceci pourrait signifier que si ces groupes ont un désir également faible de continuer à se former, la mobilité sociale verticale leur restera fermée et ils ne pourront changer d’appartenance sociale. Dans le cas où ces résultats seraient confirmés par d’autres enquêtes, on aura des raisons de parler d’un effet de «prise au piège» que l’appartenance au groupe social de la personne exerce sur son avenir. Ceci pourrait impliquer que notre pays est encore loin de mettre en place une société démocratique et pluraliste.
Le facteur de l’appartenance à un groupe social a également un impact sensible sur les aspirations des groupes interrogés (voir fig. 11).
Fig. 11: Aspirations éducationnelles en fonction de l'appartenance socioprofessionnelle et de l'année de l'enquête
En dépit de l’accroissement général des aspirations éducationnelles des personnes interrogées en 1999, on n’observe pas de différence significative dans l’impact de leur appartenance à un groupe social par rapport à 1993. La seule tendance positive enregistrée est celle de l’accroissement des aspirations éducationnelles des hommes d’affaires du secteur privé. En revanche, au niveau de leurs intentions et de leurs aspirations, les agriculteurs, les sans-emploi et les travailleurs «restent à la traîne» des autres groupes sociaux.
Rapports entre l’intention de continuer à se former et le milieu culturel familial de la personne interrogée
On a choisi comme indicateur du milieu culturel familial le niveau d’éducation du père. L’analyse montre la présence d’une corrélation significative entre l’éducation acquise par le père et les intentions éducatives de la personne interrogée. Parmi le groupe de personnes interrogées dont les pères ont joui d’une éducation universitaire, 23,81% n’avaient pas l’intention de continuer à se former; dans le groupe de celles dont les pères ont une formation technique supérieure et secondaire, ce pourcentage est respectivement de 31,25% et de 29,58% alors que parmi les personnes interrogées dont les pères ont une éducation primaire, ce pourcentage s’élève à 58,50% et passe à 81,71% dans le groupe de celles dont les pères ont reçu une éducation primaire. 23,81% des personnes interrogées dont les pères ont un niveau universitaire et seulement 2,44% de celles dont les pères ont une éducation primaire manifestent un fort à très fort désir de formation continue.
Il ne fait donc aucun doute que le milieu familial est un important facteur qui influe sur les aspirations et les objectifs personnels. La question est maintenant de savoir comment l’environnement public plus large et les diverses institutions sociales peuvent aider les personnes issues d’un milieu culturel inférieur à neutraliser ou tout au moins à diminuer les effets négatifs de leur socialisation primaire.
L’analyse des résultats des deux enquêtes psychosociales a montré que des changements profonds ont eu lieu ces cinq dernières années dans l’attitude des Bulgares vis-à-vis de l’éducation permanente et aussi dans leurs aspirations. La majorité des gens de notre pays sont prêts à étudier toute leur vie, à accroître leur niveau d’éducation en acquerrant de nouvelles compétences, une spécialisation et des niveaux d’éducation plus élevés en vue de se consacrer à l’éducation permanente sous des formes variées. Les Turcs de Bulgarie et les Roms, qui étaient traditionnellement satisfaits de leur bas niveau d’éducation, expriment d’ores et déjà leur intention de continuer des études et d’acquérir des niveaux d’éducation plus élevés. En ce qui concerne leurs aspirations, ils ne diffèrent pas des autres Bulgares. La formation tout au long de la vie occupe déjà une place plus importante dans le système de valeurs de notre peuple. Cela montre que les ressources psychologiques en vue d’une activité éducative sont un réel défi auquel sont confrontées les institutions éducatives non gouvernementales qui doivent améliorer leurs activités pour satisfaire au maximum les besoins éducatifs accrus des citoyens bulgares. Ceci comprend l’étude des besoins de types variés de savoirs et de techniques ainsi que le développement de technologies d’enseignement modernes et efficientes. Ce qui jouera le rôle le plus important dans la pratique éducative du siècle prochain, ce seront les exigences en connaissances des individus et leur aptitude à faire davantage pour assurer leur épanouissement personnel et améliorer leur niveau de vie.
1 Boyadzieva P., Gerganov E., Dilava M., Paspalanova E. et Petkova KR: L’éducation hors des murs de l’école, Sofia, GAL-ICO, 1994