À l'occasion du forum intitulé «Formation continue en Europe - qui paye quoi et pourquoi?», le Dr Hannelore Bastian, directrice des universités populaires de la ville de Hambourg, a montré en fournissant des exemples ce que signifiaient les réductions budgétaires pour les universités populaires et les efforts que ces dernières doivent entreprendre pour poursuivre leurs activités et remplir leur mission éducative avec des moyens et un personnel réduits.
Étude de cas à Hambourg
Je suis membre de la direction des universités populaires de Hambourg. Récemment, nous avons dû faire face à des réductions importantes de subventions publiques. Je vais donc vous parler des restructurations auxquelles nous avons procédé pour pouvoir poursuivre notre travail, bien que sur une base nouvelle et différente. Dans un sens, ça n'a été qu'une expérience locale, mais elle est en même temps révélatrice de ce qui se passe dans tous les pays du monde, et je vais tenter d'en dégager les lignes essentielles.
Pour vous donner une idée de l'institution en question, tout d'abord quelques informations sur Hambourg et son Université populaire.
Depuis 1990, l'Université populaire de Hambourg a le statut d'une entreprise d'utilité publique contrôlée par le gouvernement de l'État fédéral de Hambourg.
Contrairement à d'autres États fédéraux allemands, l'État de Hambourg n'a jamais adopté de loi sur la formation continue des adultes. Hambourg est une métropole qui a toujours compté de multiples institutions de formation d'adultes, privées bien sûr, mais aussi publiques. L'Université populaire de Hambourg n'a donc jamais été le principal centre de formation d'adultes de la ville, mais seulement un parmi d'autres.
Jusqu'à l'année dernière, 50% de notre budget annuel provenait de l'État de Hambourg, et 38% des frais d'inscription des participants, ce qui représente 70 000 personnes par an. Ce rapport est en train de s'inverser. Depuis l'année dernière, nous avons perdu environ un tiers des subventions du gouvernement de Hambourg, ce qui représente 2 millions d'euros. Ceci veut dire qu'à partir de cette année, les frais d'inscription doivent représenter 50% de notre budget, et non plus 38%.
Nous ne pouvions pas gérer une réduction du tiers de notre budget en économisant un peu par ci, un peu par là.
Notre conseil de l'Éducation a donc chargé un groupe ad hoc de faire des propositions sur l'avenir de l'institution. Les principales questions dont il a traité reflètent le débat public actuel sur l'éducation des adultes, mais aussi la nouvelle conception de la responsabilité publique en général.
Voici les directives du conseil de l'Éducation:
Réduisez vos coûts - Allégez votre production de services
Maintenez vos critères de qualité, ou plutôt: améliorez-les pour attirer les clients
Les subventions sont uniquement destinées aux programmes éducatifs ci'«intérêt public»
Ne dépensez pas d'argent pour financer des formations subventionnées dans d'autres institutions
Ne concurrencez pas les institutions non subventionnées en proposant les mêmes formations à des prix plus intéressants
Assurez-vous que seules les personnes défavorisées aient droit aux tarifs réduits
Concentrez-vous sur les programmes pour les personnes défavorisées
Assurez-vous que vos formations soient plus lucratives
Vous vous imaginez les discussions ardues que nous avons menées avant d'adopter ces directives, d'autant que certaines étaient contradictoires en soi. Ça nous a pris une année, et voici les solutions que nous avons choisies.
La nouvelle structure devait pouvoir fonctionner avec un personnel drastiquement réduit, étant donné que les coûts de personnel représentaient les trois quarts des coûts totaux (45 % pour le personnel fixe, 28% d'enseignants indépendants). Il a donc fallu réduire le personnel et licencier 40 personnes, dont 14 enseignants du «programme de la seconde chance» pour les jeunes ayant quitté l'école sans certificat - le programme a dû être abandonné après 29 années de fonctionnement.
Étant donné qu'ils avaient un contrat de travail avec l'État de Hambourg, ces enseignants ont pu retrouver un emploi dans d'autres secteurs au sein du conseil de l'Éducation ou autre part, ce qui est une grande chance étant donné la situation actuelle sur le marché du travail.
Mais comment travailler avec un personnel réduit?
L'idée principale était de centraliser l'expertise au sein d'unités travaillant au service de tous les départements, ce qui permettrait de
maintenir en place nos centres éducatifs dans presque tous les quartiers de Hambourg
maintenir les critères de qualité de nos formations, de nos enseignants, de nos actions de marketing et du niveau de nos services.
Nous avons donc mis en place des départements centralisés chargés du recrutement et de la qualification des enseignants, de la planification des programmes et du marketing. Ceci nous a permis de maintenir nos centres régionaux dans tout Hambourg, chaque centre fonctionnant avec un directeur et un personnel administratif, mais sans son ancienne équipe pédagogique. Nous sommes en train d'en tester le fonctionnement. Les directeurs des centres sont appuyés par les unités de services et sont responsables de leurs programmes. Ils signent des contrats annuels avec l'administration des universités Populaires sur les ressources disponibles et les revenus qu'ils sont censés générer.
Dans ces conditions, quels sont les futurs objectifs de l'Université populaire?
Pour en revenir aux directives contradictoires mentionnées plus haut, je dois dire que si nous avions suivi à la lettre deux d'entre elles, nous aurions dû renoncer définitivement à deux principes fondamentaux de l'Université populaire: proposer une large palette d'offres et être ouverte à tous.
Limiter nos futures activités aux programmes éducatifs pour les personnes défavorisées revenait à transformer l'Université populaire en une sorte de «ghetto éducatif» refusant tous les autres
Renoncer aux programmes éducatifs proposés par d'autres institutions signifiait nous limiter à un nombre minime de formations, et donc cesser d'être une institution de formation générale des adultes.
Nous avons heureusement pu trouver un compromis pour répondre à ces attentes. Le contrat signé récemment entre l'Université populaire et le conseil de l'Éducation définit les trois domaines d'activités suivants:
Les formations de base pour groupes cibles spéciaux - formations pour analphabètes, «allemand langue étrangère» et formations pour handicapés - sont le secteur le plus subventionné, pour lequel notre contrat avec le conseil de l'Éducation prévoit un budget annuel fixe (presque 20 %). Le nombre total d'heures de cours proposées à ces groupes cibles est également défini dans le contrat. Les frais d'inscription sont trop bas pour couvrir les coûts.
Les formations ouvertes représentent la majorité des offres et attirent le public le plus nombreux depuis des dizaines d'années. Si nous voulions poursuivre ces formations, il fallait respecter en même temps trois des directives, à savoir:
limiter les subventions aux programmes û'«intérêt public»;
ne pas proposer de formations proposées par d'autres;
éviter la concurrence en proposant des prix subventionnés.
Pour pouvoir maintenir en place cette large palette d'offres, qui ne fait pas partie des formations de base fortement subventionnées, nous l'avons divisée en trois niveaux:
débutant
avancé
cours spécialisés
Si l'on regarde bien la figure, on s'aperçoit que ces niveaux ne sont pas tous subventionnés sur la même base:
le niveau de base répond à la mission de l'Université populaire, qui consiste à se concentrer sur l'éducation tout au long de la vie en proposant des cours pour les débutants dans diverses matières (ce qui, pour les langues, correspond aux niveaux de base jusqu'au B1/B2 du cadre européen commun de référence).
Le niveau avancé est moins subventionné. Les gens qui ont dépassé le niveau de base sont supposés participer au coût total de leur formation. À ce niveau, les formations peuvent être considérées comme des «points de vente spéciaux» des Universités populaires et requérir des équipements ou des locaux particuliers.
Aucune subvention publique n'est prévue pour le troisième niveau, car la majorité des participants prennent part aux formations pour des motifs privés (avantages professionnels personnels, activités de loisirs très particulières). Dans ce cas, l'Université populaire est concurrencée par le marché éducatif non subventionné.
Les prix ont été définis en fonction de chacun de ces trois niveaux: «blanc», «bleu» et «platine», ce dernier étant généralement réservé au troisième secteur (formations sur demande des entreprises et des institutions).
Hormis l'appui institutionnel que nous recevons de l'État de Hambourg, nous pratiquons aussi des tarifs réduits pour les personnes à bas revenus. Ces réductions s'appliquent à la majorité des formations pour les personnes éligibles. Avant la réduction budgétaire, nous percevions 1,2 million d'euros qui nous permettaient de proposer ces tarifs réduits, et les critères étaient assez souples. Nous avons dû revoir notre politique, mais étant donné que la directive initiale était de supprimer tous les tarifs réduits, nous sommes heureux d'avoir pu en préserver au moins un certain nombre.
Dans ce contexte, nous citerons deux décisions intéressantes:
«les personnes âgées ne sont pas considérées comme personnes dans le besoin; quant aux étudiants, ils appartiennent à un groupe de population déjà largement subventionné et n'ont droit à des tarifs réduits que s'ils sont boursiers.»
Les conséquences, y compris l'augmentation des frais d'inscription de 10% en moyenne pour compenser les réductions budgétaires, commencent à se faire sentir. Nous avons, par exemple, enregistré un recul impressionnant du nombre d'étudiants inscrits, et nous allons peut-être devoir réviser notre décision.
Quelles seront nos activités futures? Nous commencerons par améliorer notre marketing après avoir mieux identifié les besoins éducatifs et les habitudes des différents groupes sociaux, et par coopérer avec des entreprises connues. Nous coopérons ainsi depuis peu avec une grande chaîne de droguerie qui a de nombreuses filiales dans tout Hambourg.
J'aimerais ici mentionner une organisation à but non lucratif enregistrée à Hambourg, «Bien-être du citoyen», fondée dans le but d'aider l'Université populaire à gérer cette situation nouvelle et financièrement difficile.
Ses objectifs particuliers sont les suivants:
garantir que les groupes défavorisés et à bas revenus bénéficient de tarifs réduits
ou bien garantir que les formations qui s'adressent à ces groupes cibles soient financées.
«Bien-être du citoyen» collecte des fonds par l'intermédiaire de ses cotisations, de manifestations publiques - concerts publics-, ou encore de sponsorisations. Dans un sens, on peut dire que cette organisation est une réponse privée aux réductions budgétaires publiques, et qu'elle va peut-être contribuer à préserver les principes fondamentaux de l'éducation de base au sein des universités populaires, même si l'on peut craindre un désengagement des responsables politiques. Pour notre part, nous pensons que c'est au contraire enrichissant, dans la mesure où cela nous permet d'atteindre des gens qu'il nous est impossible d'atteindre autrement.