La lutte contre la vulnérabilité des populations dans les pays en développement, en faveur de laquelle s’est engagée la communauté internationale à Doha en 2008, demande des ressources financières supplémentaires. Mais si l’on ne fait pas le lien entre la promotion des femmes et la protection de l’environnement, il ne sera jamais possible de réaliser les changements nécessaires. Les grandes organisations donatrices comme la Banque mondiale et les Banques de développement se sont engagées à respecter l’égalité de droits et la prise en compte du genre, mais un contrôle de la part de la société civile est indispensable.
Selon le rapport 2007 sur le développement humain publié par le PNUD, la communauté internationale investit très peu pour soutenir financièrement des activités d’adaptation au changement climatique. De plus, les fonds mis à disposition par les mécanismes de financement axés sur la protection contre les effets du changement climatique et l’aide bilatérale officielle s’élèvent à seulement 200 millions de dollars US. Le bilan négatif dressé par le PNUD et d’autres organismes au sujet de la mise en œuvre de plans nationaux d’adaptation au changement climatique est inextricablement lié au sous-financement de ces mêmes plans. Cette insuffisance de fonds est également intéressante du point du vue de la question du genre étant donné qu’un des effets du manque évident de volonté de la communauté des bailleurs d’atténuer la vulnérabilité de la population pauvre se traduit au bout du compte par l’intensification de la grande vulnérabilité de ces personnes, notamment des femmes, et du risque que le changement climatique puisse les priver de leurs moyens de subsistance.
Par rapport aux sommes investies dans la protection du climat et de la forêt, c.-à-d. mises à disposition pour obtenir un effet d’atténuation, on note un sous-financement considérable des mécanismes d’adaptation, même si les pays donateurs du Nord ont pris une foule de nouvelles mesures de financement. 1 Par exemple, à l’exception des sommes déjà fixées par le FEM (Fonds pour l’environnement mondial) et le Programme pilote de protection contre l’impact du changement climatique (PPCR) mis sur pied par la Banque mondiale, la plupart des aides bilatérales et multilatérales affectées à la protection contre les effets du changement climatique sont axées sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre par le biais du développement de technologies propres, la promotion des énergies renouvelables et de l’efficience énergétique, et par les investissements dans la protection des forêts – mais ils ne sont pas axés sur la réduction de la vulnérabilité des groupes de population marginalisés et des risques que les effets du changement climatique leur font courir. 2
La résolution adoptée par la Conférence internationale sur le financement pour le développement (Déclaration de Doha sur le financement pour le développement, 2008) présente un engagement à financer des mesures d’adaptation conçues pour réduire la vulnérabilité des gens dans les pays en développement. Suite à des négociations difficiles, les bailleurs de fonds ont réaffirmé leur engagement à procéder à un financement du développement équitable pour les deux sexes. «Promouvoir l’égalité des sexes» et «préserver l’environnement» sont des tâches spécifiées dans la foulée de l’aide officielle au développement pour réduire la pauvreté bien qu’aucun lien direct ne soit établi entre ces deux points (voir paragraphe 41).
Seul le Rapport de la 52 e session de la Commission de l’ONU de la condition de la femme (CSW 2008) 3 établit un lien entre les deux défis mondiaux que consti tuent l’inégalité des sexes et l’adaptation au changement climatique. Le rapport recommande d’incorporer l’élément du genre à tous les niveaux de la planification et de la prise de décisions concernant les questions liées au climat et de mettre des ressources à disposition pour assurer la pleine participation des femmes.
Toutefois, les choses se sont déroulées différemment lors de la conférence de Copenhague en 2009. Et comme le secrétaire général de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) Yvo de Boer l’a fait remarquer, le sommet de Copenhague s’est juste terminé sur un «Accord de Copenhague» négocié par quelques pays clés et sur le fait qu’on a «observé» la nécessité de limiter le réchauffement climatique mondial à 2 °C. Cet accord exigeait des engagements de la part des pays industrialisés et des pays en développement, sans toutefois nettement spécifier comment il faudrait s’y prendre.
Bien que pendant la COP 15, la 15 e réunion annuelle des participants de la CCNUCC, des composants liés au genre soient restés jusqu’au bout dans les documents de négociation, ces textes demeurent inutiles, sans résultat global comprenant la protection de l’existence de chacun et des moyens de subsistance. Néanmoins, si l’argument des spécialistes de la question du genre était axé sur l’égalité de l’accès aux technologies dans le domaine des stratégies de protection contre le changement climatique, le document final de la COP 15 ne faisait pas référence aux femmes, même pas dans ses sections essentielles sur le financement et le transfert de technologies.
Presque tous les bailleurs de fonds ainsi que l’ONU, la Banque mondiale et les banques régionales de développement se sont engagés – à la différence de la CCNUCC – dans leurs lignes directrices politiques à faire progresser l’égalité des chances et une approche intégrée de l’égalité des sexes. Néanmoins, on ne peut pas demander de comptes aux banques quand elles ne remplissent pas les engagements sociaux et politiques qu’elles ont volontairement pris. Le problème réside toutefois dans le fait que gouvernements et marchés accordent trop peu de considération au traitement équitable des sexes dans leurs politiques d’adaptation au changement climatique de même qu’elles manquent de reconnaître les droits des femmes.
Les réformes institutionnelles et mécanismes prenant en compte la dimension du genre constituent le seul moyen de surveiller et d’aborder activement la contradiction entre les obligations existantes et la pratique politique d’affectation des ressources.
Une volonté politique articulée et une augmentation substantielle des ressources financières sont nécessaires pour réaliser l’équité entre les sexes dans les politiques d’adaptation au changement climatique. Si nous n’y parvenons pas, aucune politique d’adaptation axée sur la pauvreté ne sera réellement mise en œuvre et n’aura d’effet, et il est très probable que le troisième OMD ne sera pas atteint. Or, la réalisation de tous les OMD passe d’abord de différentes manières essentielles par celle de ce troisième OMD.
Cercle Reflect au Mali
Source: DVV International
1 Les fonds mis à disposition le sont fait volontairement ou en compensation par les pays principalement responsables du changement climatique (Protocol de Kyoto et Plan d’action de Bali). Dans la Déclaration de Doha sur le financement pour le développement, les pays industrialisés réaffirment leurs obligations de débloquer de nouveaux fonds supplémentaires pour financer l’adaptation au changement climatique. Il n’est toutefois pas clair si le terme «additionnels» s’applique à des sommes supplémentaires à celles déjà affectées à l’adaptation au changement climatique ou aux fonds affectés aux aides officielles au développement (AOD). La communauté bailleresse est également divisée quant à la demande de mobiliser des sommes pour l’adaptation au changement climatique en plus de ce que prévoit l’objectif 0.7, à savoir sans les compter comme contributions aux AOD.
2 Les programmes d’action nationaux pour d’adaptation au changement climatique (PANA), par exemple, sont le produit du Fonds pour les pays les moins avancés (FPMA) qui, à l’instar du Fonds spécial pour le changement climatique (FSCC), est géré par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM). Le FPMA dispose de moins de 10 millions d’USD dont 200 000 USD sont mis à la disposition de chaque pays préparant un PANA. Seuls onze sur un total de trente-huit PANA ont été achevés jusqu’à présent. Ce chiffre, beaucoup trop faible, est non seulement le reflet de la sous-estimation générale des coûts mondiaux de l’adaptation au changement climatique, mais aussi du peu d’importance politique attachée aux efforts conçus pour réduire la vulnérabilité et les coûts sociaux. Jusqu’à présent, leur mise en œuvre n’a pas été notablement soutenue par la communauté bailleresse bilatérale et multilatérale, et les fonds de la Convention-cadre sur le changement climatique sont insuffisants.
3 «(jj) Intégrer l’aspect du genre dans la conception, la mise en œuvre, la surveillance, l’évaluation des politiques nationales de l’environnement et les rapports à leur sujet, renforcer les mécanismes et fournir aux femmes des ressources adéquates pour assurer leur pleine participation, sur un pied d’égalité aux prises de décisions à tous les niveaux des questions environnementales, notamment en ce qui concerne les stratégies liées à l’impact du changement climatique sur l’existence des femmes et des filles.» (Commission de l’ONU sur la condition des femmes. Rapport sur la 52 e session, du 25 février au 7 mars et le 13 Mars 2008; E/ CN.6/2008/11, 8).
4 Le Malawi, une exception notable, a fait du genre un secteur à part et pas simplement une question intersectorielle: plusieurs interventions sont proposées pour cibler les femmes dans des situations particulièrement vulnérables: (i) autonomisation des femmes grâce à l’accès aux microfinancements afin de diversifier les revenus potentiels; (ii) assurer un accès plus aisé à l’eau et aux sources d’énergie en creusant des puits et en plantant des arbres sur des terrains boisés; (iii) utiliser l’électricité fournie par l’intermédiaire du programme d’électrification rurale (PANA du Malawi, mars 2006, x– xi, dans: WEDO, ibid.).
5 Après le passage de l’ouragan Mitch en 1998, le Honduras ne fit état d’aucune victime. Six mois auparavant, une organisation d’aide et de prévention des risques liés aux cataclysmes avait organisé des projets éducatifs de proximité prenant en compte la dimension du genre et qui portaient sur les systèmes d’alerte précoces et la gestion des risques. Les femmes étaient capables d’assumer la surveillance continuelle de ce système d’alerte précoce et la municipalité put faire évacuer rapidement la zone qui allait être frappée par l’ouragan Mitch.