Au Pakistan, le système scolaire formel n’est pas en mesure de satisfaire les besoins éducatifs croissants du pays. Les écoles sont trop peu nombreuses et mal équipées, les enseignants sont mal formés et doivent travailler avec des élèves trop nombreux et des contenus d’apprentissage inadéquats. L’environnement culturel est particulièrement désavantageux pour les filles. Les programmes d’éducation de base non-formelle sont censés remédier à ces lacunes. Cet article étudie les chances de réussite des programmes mis en place dans le cadre d’un Plan national d’action, qui s’adressent plus particulièrement aux filles et aux femmes dans la province du Punjab.
La présente étude visait à évaluer les performances d’un projet d’écoles d’éducation de base non formelle (EBNF) initié dans la province du Pendjab avec le soutien de l’Agence internationale de coopération du Japon (JICA). Cette étude a été menée dans 120 écoles d’éducation de base non formelle situées dans quatre districts du Pendjab. Il s’agissait d’une enquête qui avait pour but de recueillir des informations auprès d’enseignantes, du personnel d’encadrement des établissements d’éducation de base non formelle, d’élèves et de leurs parents. Cent enseignantes d’écoles d’éducation de base non formelle, vingt membres du personnel d’encadrement ainsi que cinq cents élèves et leurs parents ont participé à l’enquête. Les informations ont été collectées au moyen de questionnaires et d’interviews. L’enquête a révélé que le projet atteignait ses objectifs comme prévu. Elle a également permis de constater que les pourcentages d’abandon étaient plus élevés et que les enseignantes étaient insatisfaites de leur structure professionnelle. Elle a en outre permis de conclure qu’une campagne médiatique adaptée pourrait être organisée pour mobiliser la communauté. L’étude a recommandé l’élaboration de supports d’apprentissage dans les langues régionales.
Femmes des campagnes au nord du Pakistan effectuant des recherches sur Internet
Source: Fazalur Rahman
Le Pakistan est un pays en développement à forte croissance démographique (2,6 % par an) qui dispose de ressources limitées. L’augmentation du taux d’inscription ne correspond pas à la croissance démographique du pays, et chaque année, des millions d’enfants en âge d’être scolarisés sont privés d’accès aux établissements formels en raison du nombre insuffisant d’écoles.
Durant les années 2000 – étant donné que la politique se concentrait alors sur les zones rurales – le nombre des écoles s’est nettement accru pour les garçons et les filles quoique le pourcentage d’écoles de filles soit resté constant. L’enquête menée en 2006-07 par le gouvernement pakistanais pour déterminer le niveau social et le niveau de vie au Pakistan a révélé que le pourcentage d’abandon augmentait chaque année chez les filles.
Un coup d’œil sur les pays voisins d’Asie du Sud montre qu’à l’aube du nouveau millénaire, les Maldives et Sri Lanka avaient atteint des pourcentages d’alphabétisation bien supérieurs à 90 %, et par conséquent considérablement plus élevés que la moyenne régionale de 54 %. De la même manière, nombre de pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine avaient adopté l’éducation non formelle avec un assez grand succès et proposent encore différents programmes de ce type. Des pays développés comme le Japon, la Norvège, les Pays-Bas, la France, le Royaume-Uni et les USA, et des pays en développement comme l’Inde, le Sri Lanka, le Bangladesh, le Népal et le Bhoutan ont sauté sur les avantages qu’elle offre pour répondre à des besoins éducatifs et sociaux urgents (Haq, 2002). Des systèmes d’éducation non formels sont employés avec efficacité dans différentes régions du monde pour résoudre les vieux problèmes de l’analphabétisme des masses et pour sensibiliser les sociétés à ce sujet. Il a été constaté que le système formel ne pouvait pas suffire à lui seul à résoudre l’analphabétisme et d’autres problèmes de l’éducation. Par conséquent, beaucoup de pays dans le monde, tant des pays développés que des pays en développement, ont pris conscience des avantages du système non formel, l’ont adopté et en ont fait une partie intégrante de leurs systèmes nationaux d’éducation. Néanmoins, il existe au Pakistan un besoin extrême de créer un mouvement national d’alphabétisation. Le pays est encore loin d’atteindre le pourcentage de 100 % fixé comme objectif pour l’alphabétisation dans la Déclaration de Dakar (2000).
Au Pakistan, le besoin d’utiliser l’éducation non formelle s’est non seulement fait sentir du fait que le système formel n’est pas capable de satisfaire la demande éducative croissante dans le pays eu égard à sa nature rigide, mais aussi en raison des coûts plus élevés de l’éducation formelle. Dans plusieurs de ses écrits, Ghafoor (1997) identifie deux types de facteurs – intra et extrascolaires – responsables de la lente évolution de l’éducation primaire. Les facteurs intrascolaires sont, entre autres, les suivants: installations et équipements de mauvaise qualité, pénurie de supports d’enseignement et d’apprentissage, manque d’enseignants formés et qualifiés, formation inadaptée des enseignants, climat d’étude inapproprié, rapport élèves/enseignant élevé, importance disproportionnée des contenus par rapport au développement de la personnalité, politiques et pratiques éducatives rigides, et curriculum axé sur la vie citadine. Les facteurs extrascolaires identifiés sont quant à eux entre autres les suivants: enfants appartenant à un milieu socio-économique défavorisé, malnutrition des enfants et problèmes socioculturels liés à l’éducation des femmes.
Un rapport de l’UNESCO datant de 1999 sur l’éducation de base au Pakistan, indique que par le passé, plusieurs programmes d’éducation non formelle ont été organisés. Au départ, le Programme d’éducation de base non formelle avait été lancé au Pakistan dans les années cinquante sous le nom de Programme d’éducation de base des adultes. Plusieurs programmes d’éducation non formelle ont certes été organisés, mais aucun effort n’a été jusqu’à présent entrepris pour étendre un programme de ce type à tout le pays, bien que les choses soient peut-être en train de changer.
Parmi les importants projets mis en œuvre en vue de réaliser l’éducation pour tous, signalons le Programme d’action sociale (SAP), les Réformes du secteur de l’éducation (ESR) et le Plan national d’action (NPA) ciblant spécifiquement l’éducation des filles et ayant affecté à cet effet d’importantes sommes. Ceci a été un facteur favorable à l’égalité des sexes dans l’éducation. Le Plan national d’action (2000) est une feuille de route devant servir à atteindre tous les objectifs de l’éducation pour tous (EPT). Il incarne la volonté de réussir avec détermination à faire participer à 100 % les élèves des deux sexes à l’éducation de base (classes 1 à 5/du CP au CM2) d’ici à 2015.
Les premières écoles d’éducation de base non formelle ont été créées en 1996 sous la houlette de la commission à l’Alphabétisation du Premier ministre à Islamabad. Le concept de ces écoles repose sur une philosophie exigeant la participation des parents, de la communauté et des organisations non gouvernementales à la promotion de l’éducation par le biais de moyens non formels. Ces établissements ont entre autre pour objectif d’universaliser l’éducation primaire, d’accroître la participation de la communauté et des ONG, d’offrir aux personnes instruites des possibilités de travailler et d’autonomiser les femmes des campagnes. Les écoles d’éducation de base non formelle sont calquées sur le modèle des «home schools». Les communes choisies mettent respectivement à disposition un enseignant rémunéré avec un salaire mensuel fixe de 1000 roupies. Le programme de cinq ans d’éducation primaire est enseigné en trois ans et trois mois. Le gouvernement octroie des fonds à ces communes par l’intermédiaire d’organisations non gouvernementales (ONG). Ainsi, des écoles d’éducation de base non formelle ont été créées dans tout le pays, leur réseau s’étendant aux bidonvilles urbains, aux petites villes et aux villages isolés. Leur objectif: permettre à des jeunes de 10 à 14 ans en rupture de scolarité formelle d’achever leur scolarité primaire en 2 à 3 ans alors que les élèves des niveaux 5 à 9 doivent suivre ce cours pendant 3 à 4 ans au lieu de 5 à 6 ans, la durée de l’enseignement dans le secteur formel.
Selon la commission de planification des écoles d’éducation de base non formelle (1998), ces établissements doivent constituer un complément à la scolarité formelle en intervenant dans les zones dépourvues d’écoles primaires ordinaires et où les enfants ne sont pas scolarisés pour différentes raisons. Ce modèle d’enseignement requiert moins de ressources. Les communes mettent à disposition les bâtiments scolaires et prennent en charge la gestion des établissements. Les enseignants des écoles d’éducation de base non formelle n’ont pas à se soucier d’être mutés et accomplissent par conséquent leur travail avec un zèle ardent. Selon la commission de planification des écoles d’éducation de base non formelle (1996), le programme des écoles d’éducation de base non formelle est mis en œuvre par l’intermédiaire d’ONG et d’organisations de proximité qui déterminent les sites d’implantation des établissements, les supervisent, fournissent des conseils et des aides pédagogiques, et paient les salaires des enseignants. Ces ONG se chargent aussi de former les enseignants, de créer des comités parents-enseignants au niveau local et d’organiser des réunions avec les enseignants et la communauté. En plus des récompenses pour leurs excellentes prestations, elles reçoivent tous les mois 200 roupies par école.
Actuellement, tout un ensemble de systèmes et projets ont été mis en œuvre dans le pays. Dans cet ordre d’idées, un programme de cinq ans a été élaboré en vue d’éduquer et de développer les compétences d’illettrés incarcérés dans des prisons ou travaillant dans des usines, dans le but de les réhabiliter et de leur ouvrir des possibilités économiques. Un projet d’alphabétisation intitulé «Districts modèles pour que les campagnes d’alphabétisation permettent d’atteindre un pourcentage d’alphabétisation de 100 %» a été lancé avec l’aide de l’Agence de coopération internationale du Japon (JICA) dans quatre districts du Pendjab. Ce projet a été approuvé en 2004. Il repose principalement sur les éléments suivants: création de centres d’alphabétisation des adultes et de centres d’éducation de base non formelle, et organisation de campagnes de sensibilisation. Les objectifs de ce projet consistent à atteindre un niveau d’alphabétisation de 100 % dans quatre districts du Pendjab (Khushab, Khanewal, Mandi Bahauddin et Dera Ghazi Khan).
L’étude avait les objectifs suivants:
Il s’agissait d’une enquête menée dans les écoles d’alphabétisation de quatre districts du Pendjab et intitulée «Districts modèles pour que les campagnes d’alphabétisation permettent d’atteindre un pourcentage d’alphabétisation de 100 %». Des questionnaires et interviews ont servi à recueillir des informations.
L’échantillonnage de l’étude était composé comme suit:
Deux questionnaires avaient été élaborés pour collecter des informations. Le premier, composé de 21 points, était destiné à des enseignantes d’écoles d’éducation de base non formelle. Le second avait été élaboré à l’intention des membres du personnel d’encadrement des écoles d’éducation de base non formelle et comportait 12 points. Une interview structurée a été menée avec les élèves et leurs parents.
Une fois les questionnaires recueillis, les informations ont été analysées. Vous en trouverez un résumé ci-après.
1. Résumé du questionnaire des enseignantes
Les enseignants du système formel ne sont pas aussi profitables à l’éducation de base non formelle du fait que ces deux systèmes reposent sur des philosophies différentes.
Résumé des suggestions émises par les enseignantes des écoles d’éducation de base non formelle
2. Analyse du questionnaire des membres du personnel d’encadrement des écoles d’éducation de base non formelle
Sans participation active de la communauté, l’éducation non formelle ne peut pas réussir. Il faudrait évaluer davantage les besoins avant de créer des écoles d’édu cation de base non formelle.
3. Pourcentages D. n° Déclaration Oui Non Dans une certaine mesure
Ce tableau révèle que les parents sont très contents des prestations fournies par les écoles d’éducation de base non formelle. Ils sont d’avis que leurs enfants ont acquis de nombreuses compétences et peuvent désormais communiquer correcte ment. Ils ont toutefois déclaré que les enseignantes ne les informaient pas au sujet des progrès de leurs filles.
4. Résumé de l’interview avec les élèves
Les élèves ont approuvé la majorité des déclarations concernant les prestations de leurs enseignantes, mais toutefois indiqué que les installations scolaires nécessitaient encore des améliorations.
Femmes des campagnes écou tant un formateur
Source: Fazalur Rahman
C’est un fait que le développement social et économique d’un pays dépend de l’éducation. Les nations qui la négligent se font distancer dans la marche de la civilisation et en subissent les conséquences. L’histoire du subcontinent montre qu’après l’effondrement de l’empire moghol, les hindous se sont rapidement tournés vers l’éducation alors que les musulmans ne s’intéressaient pas à l’acquisition d’une instruction moderne. Dans le monde actuel, chaque pays augmente les sommes dépensées pour l’éducation, bénéficiant ainsi des avantages qu’elle procure. Malgré l’importance accordée à l’éducation au 21 e siècle, les pays du tiers-monde n’ont pas atteint leurs objectifs en la matière. Le Pakistan compte parmi les pays malheureux dont le pourcentage des personnes alphabétisées reste faible. Pour surmonter ce problème, une conférence nationale avait été organisée juste après la création du Pakistan afin de réformer le système de l’éducation dans le pays. Toutefois, l’absence de stabilité politique durant la phase initiale de cette réforme a empêché la mise en œuvre de mesures réformatrices. Bien que d’une manière générale le pourcentage national d’adultes alphabétisés soit faible – la moitié de la population est illettrée – d’impressionnants progrès ont été réalisés ces deux dernières décennies, notamment dans les zones rurales où les taux d’alphabétisation ont doublé chez les femmes (enquête menée en 2007- 08 pour déterminer le niveau social et le niveau de vie au Pakistan).
La présente étude visait à évaluer les résultats du projet de création d’écoles d’éducation de base non formelle organisé dans la province du Pendjab avec l’aide de l’Agence de coopération internationale du Japon (JICA). Cette étude a été menée auprès de cent écoles d’éducation de base non formelle dans quatre districts du Pendjab. Elle a permis de tirer des conclusions essentielles sur lesquelles se basent les recommandations suivantes:
Academy of Educational planning & Management. (2007). Statistiques 2006-2007 de l’édu cation au Pakistan 2006-07.
Ghafoor, A. (1997). Non-formal education in Pakistan. Islamabad: EPAM.
Gouvernement du Pakistan. (2000). Plan d’action national. Islamabad: commission de planification.
Haq, M. (2002). Human development in South Asia. Karachi: Oxford University Press.
UNESCO (1999). Basic education in Pakistan. Islamabad: auteur.
UNESCO (2003). Education for all: Where do we stand? Islamabad: auteur.
Banque mondiale. (1980). Education sector paper. Genève: auteur.