Priti Sharma
PRIA International Academy
Inde
Résumé – Cet article est consacré au savoir-être, et en particulier à l’importance qu’il revêt pour les jeunes et le système d’éducation non formelle. Le lecteur y découvrira les efforts déployés par la Société de recherche participative en Asie (PRIA) pour combler les lacunes en matière de savoir-être. En nous inspirant de l’Objectif de développement durable ODD 4 et du débat au niveau mondial, nous tenterons ici d’expliquer les effets et l’utilité du savoir-être.
Au cours des dernières années, le savoir-être a pris une importance croissante dans le monde. Il ne suffit plus de savoir maîtriser les aspects techniques d’un travail, il faut savoir utiliser ces connaissances au profit de la productivité. Nos comportements, nos attitudes, nos compétences en communication, etc. jouent un rôle important, que ce soit au travail ou dans la recherche d’emploi.
Ces compétences sont souvent appelées « compétences du 21e siècle » ou « savoir-être ». C’est une large palette de compétences, d’habitudes professionnelles et de traits de caractère considérés – par les éducateurs, les responsables des réformes scolaires, les enseignants des collèges, les employeurs, etc. – comme cruciales pour pouvoir réussir dans le monde d’aujourd’hui, notamment dans le cadre des carrières et des emplois modernes.
De nos jours, personne ne travaille seul. Nous sommes tous connectés les uns aux autres dans un scénario professionnel précis. Il faut des équipes pluridisciplinaires pour résoudre des problèmes complexes. Et pour faire face à ces problèmes et à ces défis complexes, nous avons besoin de savoir-être. Ainsi, connaître un sujet à fond sans avoir de bons rapports avec son équipe ni savoir la diriger ne donnera pas de bons résultats, et tout le monde sera malheureux.
Le savoir-être inclut l’éthique professionnelle, les attitudes, les compétences en communication, l’intelligence émotionnelle et une foule d’autres qualités personnelles. Tôt ou tard, le débat à propos du savoir-être évoque un autre concept : le savoir-faire, qui englobe les compétences professionnelles et les connaissances spécialisées comme la comptabilité, la dactylographie, l’utilisation de machines, etc. Ces compétences sont quantifiables et leur application est universelle. Les savoir-faire sont des capacités spécifiques à la fois enseignables et nécessaires pour exercer un emploi.
Pourquoi se concentrer sur le savoir-être
Le Rapport mondial de suivi sur l’Éducation pour tous publié en 2012 par l’UNESCO suggère de mettre l’éducation au travail lorsque l’on parle de jeunesse et de compétences. Il nomme les trois compétences qu’il est indispensable d’acquérir :
De nombreux concepteurs/formateurs en savoir-être évoquent les 4C de l’apprentissage : communication, pensée critique, créativité et collaboration.
Commencez par vous-même. Regardez autour de vous. L’hétérogénéité des groupes qui travaillent ensemble s’est accrue au cours des ans. Les gens, et plus particulièrement les jeunes, sont partis sur d’autres continents en quête de meilleures opportunités d’emploi. Au travail, des équipes venant d’horizons divers travaillent avec des communautés et des groupes nouveaux. Ces groupes hétérogènes ont besoin de savoir-faire technique pour travailler, mais ils doivent aussi faire preuve de sensibilité et d’empathie envers les équipes et les groupes avec lesquels ils travaillent.
L’Objectif de développement durable ODD 4, relatif à l’éducation de qualité, évoque la nécessité d’accroître le nombre de jeunes et d’adultes dotés de compétences pertinentes, y compris de compétences techniques et professionnelles, pour favoriser l’emploi, le travail décent et l’entreprenariat. De nombreux gouvernements ont mis en place divers programmes et mesures politiques pour encourager la mise à profit des compétences.
Le rôle de la jeunesse dans la société a évolué. On distingue quatre rôles :
Prenons l’Inde comme exemple. Une récente étude économique a conclu que d’ici 2020, la population indienne sera âgée de 29 ans en moyenne. C’est le seul pays au monde où les jeunes seront en majorité dans la population. Ces jeunes doivent recevoir une éducation correcte et acquérir des compétences appropriées de façon à pouvoir prendre part à la société et contribuer aux activités économiques. Les systèmes éducatifs en place sont tout au plus à même d’enseigner les savoir-faire techniques, mais pas le savoir-être, avec lequel ils doivent encore se familiariser.
La PRIA a joué le rôle de facilitateur dans le cadre de bon nombre de programmes. Ces programmes sont axés sur l’apprentissage des jeunes, le but étant d’en faire des agents du changement. La PRIA contribue également au renforcement des capacités des jeunes afin qu’ils soient à même de résoudre les problèmes de leurs communautés. La PRIA s’est récemment concentrée sur deux grands axes thématiques : premièrement, le travail avec les jeunes sur le thème de la prévention de la violence envers les femmes et les filles ; deuxièmement, une combinaison de compétences pour l’emploi et pour la vie courante axées sur le renforcement de capacités permettant aux jeunes d’utiliser les technologies pour dresser des cartes des lieux où ils résident, le but étant d’installer des services de base comme l’eau potable, les systèmes sanitaires, l’électricité, etc. Le renforcement des capacités inclut des interventions visant à induire des changements d’attitude et des changements personnels. Ces programmes ont été conçus conformément aux principes de la recherche-action participative afin de changer les mentalités des communautés et de lutter contre les stéréotypes. Les interventions sont surtout axées sur la combinaison entre les compétences pour l’emploi et pour la vie courante.
Le travail sur la violence envers les femmes et les filles a permis de renforcer les capacités des jeunes à aborder ce problème auprès de leurs familles, de leurs communautés, des élus et d’autres parties prenantes comme la police et le personnel de santé. Ces jeunes, hommes et femmes, sont issus des milieux sociaux conservateurs et orthodoxes. Les réunir dans des équipes communes et les faire travailler dans un seul et même objectif demande un effort considérable. Le renforcement des capacités intègre une approche holistique qui va les aider plus tard à affronter des défis similaires par leurs propres moyens. Le programme consistant à dresser des cartes des prestations de services de base utilise une approche similaire qui vise à inciter les jeunes à renforcer leurs capacités. Le renforcement des capacités en communication, l’importance de travailler en équipe, la collaboration, le leadership, etc. jouent également un rôle majeur.
Examinons à présent l’importance des savoir-être pour l’éducation non formelle. Il s’agit d’une « activité éducative organisée hors du système formel établi, qui s’adresse à une clientèle d’apprenants identifiable avec des objectifs d’apprentissage identifiables ».Le savoir-être dans l’éducation non formelle : renforcer les capacités des jeunes1
À plusieurs égards, l’éducation non formelle comble les lacunes en matière de compétences pour l’emploi. Le savoir-être prenant de plus en plus d’importance, les employeurs ont aujourd’hui tendance à l’évaluer à l’aide de tests.
Malheureusement, le système actuel d’éducation formelle n’encourage pas l’apprentissage du savoir-être. Il se concentre généralement sur les compétences de base telles que la lecture, l’écriture et la technique. Ceci crée des écarts considérables. L’éducation non formelle est bien placée et prête à réagir. Ce qui ne peut que se traduire par l’amélioration des environnements de travail et par un accroissement de la productivité.
La PRIA et le bureau régional du DVV Asie du Sud et du Sud-Est ont récemment organisé un atelier sur la promotion des compétences des jeunes. Entre autres questions qui figuraient au débat, on demandait quels types de compétences il faut renforcer dans cette région quand on travaille avec les jeunes. Bon nombre de pays ont répondu : le savoir-être.
À la fin, on a décidé de concentrer les travaux sur le développement de savoir-être, plus particulièrement pour les personnes engagées dans le secteur de l’éducation non formelle. On escompte en effet que l’éducation non formelle sera en mesure de pallier les lacunes en matière de savoir-être. Afin d’aller de l’avant, La PRIA a mis en place un programme de formation pour les partenaires du DVV qui travaillent dans le secteur de l’éducation non formelle en RDP du Laos. Afin de mieux prendre en compte le sujet, on a conçu un manuel à l’intention des praticiens de l’éducation non formelle, qui les aide à se familiariser avec le savoir-être. Le manuel inclut des étapes et des activités permettant de faciliter la formation sur le savoir-être, et peut être utilisé en tant que matériel de référence dans le cadre des formations. Afin d’avoir une audience plus large, La PRIA et le bureau régional du DVV en Asie du Sud et du Sud Est ont également organisé une formation de formateurs au Cambodge, avec des participants du Vietnam et de la RDP du Lao. Certains étaient membres de l’Organisation des ministres de l’Éducation en Asie du Sud-Est (SEAMEO). Cette formation de formateurs a permis aux personnes engagées dans le système d’éducation non formelle de se familiariser avec le savoir-être ; elle a également contribué à préparer les formateurs à travailler sur cette question et à toucher un groupe plus large de personnes.
Dans l’ensemble, on constate que le savoir-être et la sensibilisation à la question ont pris de l’importance. La mention et la mise en exergue de ces compétences dans divers rapports et articles scientifiques ne font que confirmer la tendance. En ce qui concerne l’Asie, l’attention accordée à ces compétences a pris de l’ampleur. Lors du premier Forum régional d’Asie centrale sur l’éducation des adultes intitulé « Compétences clés pour les jeunes au 21e siècle »2 , organisé par le burean régional de la DVV en Asie centrale, les participants ont mis l’accent sur la nécessité de travailler sur le savoir-être. Les systèmes éducatifs doivent être en mesure de préparer les adultes, et surtout les jeunes, à résoudre des problèmes et des défis complexes. Ici, le rôle de l’État et d’autres parties prenantes est particulièrement important dans le travail avec les jeunes. Il est impératif de lutter contre l’indifférence des jeunes envers divers systèmes sur des plateformes appropriées. Il est également urgent d’aider les jeunes animateurs à définir des systèmes. Les jeunes doivent participer aux prises de décision. Et ceci ne peut avoir lieu que si l’on corrige les lacunes existantes et si l’on renforce les capacités partout où c’est nécessaire, notamment le savoir-être, qui est la plus importante de toutes.
Ceci dit, il est primordial de comprendre les dispositifs existants et de travailler dans ce cadre pour promouvoir le renforcement des capacités en savoir-être. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne le secteur de l’éducation non formelle, étant donné la flexibilité dont il fait preuve dans la promotion de l’apprentissage tout au long de la vie.
1 / www.un.org/esa/socdev/unyin/newsletters/2011/YouthFlashJune2011
2 / www.mediaeducationcentre.eu/eng/
http://unesdoc.unesco.org/images/0021/002175/217509E.pdf
http://www.un.org/esa/socdev/unyin/newsletters/2011/YouthFlashJune2011
http://edglossary.org/21st-century-skills/
https://www.dvv-international.de/fileadmin/files/Inhalte_Bilder_und_Dokumente/News/Final_Manual_on_Soft_Skills.pdf
Priti Sharma jouit d’une expérience de 19 années dans le secteur du développement et a travaillé sur les thèmes de la gouvernance locale, de l’engagement de la société civile, du harcèlement sexuel au travail et de la gestion des ressources humaines. Elle a travaillé en tant que chercheuse, formatrice et coordinatrice. Elle est actuellement employée auprès de l’Académie internationale de la PRIA à titre de directrice de programmes.
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priti.sharma@pria.org