Pour l'édition 2006 du Rapport mondial de suivi de l'EPT, Alan Rogers a réalisé une vaste étude sur la formation des alphabétiseurs d'adultes dans les pays en développement. Nous en publions dans le présent numéros les chapitres III et IV («Politiques et systèmes de formation des alphabétiseurs d'adultes» et «Formation des alphabétiseurs d'adultes»). Alan Rogers a acquis dans de nombreux pays une vaste expérience dans le domaine de la formation des éducateurs d'adultes. Cet ancien directeur exécutif d'Education for Development (Royaume-Uni) est actuellement conseiller indépendant et professeur invité des universités de Nottingham et d'East Anglia au Royaume-Uni. Il est l'auteur de nombreuses études sur l'éducation des adultes, l'éducation non formelle et l'alphabétisation, et il a récemment terminé la rédaction d'une étude internationale sur les littératies urbaines, intitulée «Urban Literacy: communication, learning and identity in development contexts» et publiée par l'Institut de l'UNESCO pour l'éducation.
«Les politiques en matière de formation et les responsables des cours de recyclage devront tenir compte de la base de compétences moyenne, du type et de la durée de formation nécessaires pour acquérir les automatismes pédagogiques, et enfin des besoins éventuels de révision, d'appui et de soutien moral périodiques». (Oxenham 1999:21)
Politiques de formation des alphabétiseurs: elles sont conçues à divers niveaux (niveaux national ou régional, des organismes ou des programmes), parfois par les donateurs:
«Le PNUD, par exemple, a alloué au Nigeria un prêt de 5 millions de dollars US entre 1995 et 2000 pour soutenir sa campagne nationale d'alphabétisation de masse. Une partie des fonds a été utilisée pour la sensibilisation et la formation des pédagogues, des organisateurs, des coordinateurs, des dirigeants communautaires, des bibliothécaires des villages, des travailleurs sociaux, du personnel des ONG et des dirigeants des organismes publics responsables de l'éducation de masse, bref, de tous les acteurs engagés dans la campagne.» (Tahir 2004:149)
En Guinée-Conakry, le programme d'alphabétisation organisé par la Banque mondiale avec le soutien de l'IIZ/DW précise que «tes ONG guinéennes... organisent les formations locales dans le cadre de leurs propres projets», mais l'IIZ/DW propose des formations «aux ONG qui participent au programme d'alphabétisation et d'EPT financé par la Banque mondiale» (Leumer e-mail 4).
Termes et abréviations Programme d'alphabétisation des adultes (anglais: ALLP)ENFA - Éducation non formelle des adultes (anglais: NFAE)EFBA - Éducation et formation de base des adultes (anglais: ABET) Enseignant en EFBA (anglais: ABETT) Facilitateur (animateur en alphabétisation des adultes, anglais: ALF Alphabétiseurs: ensemble du personnel alphabétiseur d'adultes, à la fois facilitateurs et enseignants en EFBA (anglais: ALE) Formation des enseignants en EFBA (anglais: TABETT) Formation des facilitateurs (TALF) Formation des alphabétiseurs (TOLE) Formation des formateurs d'alphabétiseurs (anglais: TOT) |
Politiques éducatives nationales: dans le domaine de la formation des alphabétiseurs, la situation est très confuse. Rares sont les pays qui ont défini des politiques nationales dans ce domaine, alors que les politiques concernant les enseignants en EFBA sont plus fréquentes.
«En matière de formation d'éducateurs d'adultes, on note avant tout l'absence de recommandations politiques de la part de l'État. Dans la région [Amérique latine], les plans et les programmes éducatifs nationaux ne définissent donc pas de politiques spécifiques dans ce domaine.» (Messina et Enriquez 2005:41)
Au Brésil par exemple, «chaque partenaire est libre de définir ses propres programmes de formation dans le cadre du Programme national [d'alphabétisation] (lreland:6). Néanmoins, «te Plan national d'Éducation du Brésil (2002)... met l'accent sur la formation des éducateurs d'adultes» (Youngman et Signh 2005:6) et, dans le cadre de son programme d'alphabétisation de 40 semaines, «te ministère de l'Éducation fixe le nombre minimum d'heures de formation à 30 heures pour la formation initiale et deux heures par semaine pour la formation continue», indépendamment de «la capacité des partenaires à suivre ces recommandations» (lreland:4,6). La situation est plus claire autre part: «En Namibie, la politique nationale en matière d'éducation des adultes (2003)... met l'accent sur la formation des éducateurs d'adultes» (Youngman et Singh 2005:6) et plus particulièrement sur leur statut professionnel.1 La Tanzanie, elle aussi, «poursuit une politique d'éducation et de formation (1995) qui tient compte de la formation du personnel d'EBA» (Ligate 2004:74).2 En Egypte, tout alphabétiseur doit avoir suivi une formation avant de pouvoir commencer à travailler et au Botswana, «fous tes [dirigeants de groupes d'alphabétisation] sont supposés avoir suivi une formation initiale ou fait une démonstration pédagogique avant de pouvoir enseigner» (Maruatona:10). Il semble par contre qu'au Nigeria, «il n'existe aucun organe politique responsable de la formation des travailleurs de terrain en EBA» (Tahir 2004:145);3 en Ouganda, le Plan stratégique national d'alphabétisation fonctionnelle des adultes n'évoque pratiquement pas la formation des facilitateurs (TALF); bien que le Plan stratégique national d'alphabétisation des adultes lui accorde un peu plus d'attention, il reste cependant très général (Plan national, sections 1.8, 1.9.4, 7.3.5). Apparemment, certains pays (Mozambique, Ouganda) cherchent actuellement à définir des politiques de formation des alphabétiseurs, mais dans la majorité des cas, les dispositions dans ce domaine restent approximatives et très générales. La plupart des pays laissent les organismes (ONG, syndicats, employeurs) libres de choisir les modalités de leurs formations; dans ce cas, le rôle de l'État semble alors se limiter à l'appui et au suivi plutôt qu'à la prestation même, malgré certaines exceptions comme au Brésil où le gouvernement a défini des lignes directrices et alloue des fonds aux divers organismes (Ireland).
Politiques au niveau des programmes: les politiques, quand elles existent, sont habituellement définies dans le cadre des programmes d'alphabétisation mêmes, que ces derniers dépendent des ministères de l'Éducation, d'autres organismes gouvernementaux ou encore d'ONG internationales, nationales ou locales; les politiques varient donc fortement. La majorité des programmes d'alphabétisation comportent certes - sur le papier - un volet de formation de facilitateurs en alphabétisation (TALF), mais ce volet n'est pas forcément doté d'un budget ni soumis à des évaluations individuelles; quant à la formation des formateurs d'alphabétiseurs (TOT), elle fait plus rarement partie du planning.
Décideurs: quand elles existent, les politiques sont soumises à un contrôle centralisé et reflètent les opinions des administrateurs et des planificateurs de l'éducation. Il est extrêmement rare de voir développer des programmes d'études sur un mode participatif. Dans le domaine de l'alphabétisation des adultes, les décideurs ne sont pas forcément les alphabétiseurs: dans certains pays comme le Kenya et l'Ouganda, l'influence est exercée par les apprenants et leurs associations - Kenya Adult Learners Association, (KALA) et l'ULALA (Uganda Literacy and Adult Learners Association) (Carr-Hill:11 ) - alors que la plupart des facilitateurs n'ont pas d'organisations nationales;4 c'est aussi le cas au Zimbabwe, où l'Adult Learner's Association (ZALA) joue un rôle décisif dans la formation des alphabétiseurs.
ONG et politiques publiques: apparemment, les ONG ont défini des politiques plus nombreuses et plus explicites en matière de formation des facilitateurs (TALF) que les organes publics et internationaux: «Les ONG sont généralement plus conscientes de la valeur stratégique de la formation des éducateurs d'adultes» (Messina et Enriquez 2005:41 ). Il est probable que les politiques publiques, quand elles existent, soient davantage axées sur le modèle scolaire (EFBA/ENFA), alors que les ONG optent plutôt pour le modèle développemental.
Même quand des politiques sont définies, elles sont rarement mises en œuvre. «Les politiques nationales en matière de formation des éducateurs d'adultes n'évoluent pas» (Youngman et Singh 2005:11). Et s'il est vrai qu'on s'intéresse théoriquement à la nécessité de former des alphabétiseurs, la réalité est en revanche très différente: «On a certes imposé et tenté de faire respecter les normes de formation souhaitées, mais il n'y a pas toujours eu de mise en pratique » (Mitra:5). Par conséquent, même dans les pays où des programmes ont été mis en place, la formation des alphabétiseurs est insuffisante, voire inexistante. «En Inde, la [Campagne d'alphabétisation totale] évoque la formation en termes laconiques» (PRIA 4:10). «Une autre étude a conclu que le médiocre niveau de formation des alphabétiseurs est dû en grande partie au <caractère superficiel de l'enseignement qui leur est dispensé, car les formateurs considèrent avant tout la formation comme une tâche 'administrative' (Dighe 2005:60).
«[En Ouganda], le programme gouvernemental d'alphabétisation fonctionnelle des adultes a accordé une place extrêmement limitée à la formation; la plupart des alphabétiseurs n'ont eu qu'une seule formation de trois jours, sans aucun cours de recyclage. La formation est particulièrement inadéquate en termes de supervision... En outre, la majorité des superviseurs ont déclaré pendant nos visites sur le terrain, qu'ils n'ont été formés ni en éducation des adultes, ni en méthodologie de l'alphabétisation. » (Ouganda 1999:84)
Uniformité de l'offre: même lorsque la formation est assurée par divers organismes prestataires, ces derniers ne tiennent pas compte des différentes catégories d'alphabétiseurs.
«Selon les auteurs, l'étude comparative réalisée [au Bangladesh] sur les programmes d'enseignement, les méthodologies et les formations des ONG et des organismes gouvernementaux, ne fait apparaître aucune différence fondamentale entre les formations dispensées par les divers prestataires aux facilitateurs de terrain». (Rashid et Rahman 2004:168)
La formation des facilitateurs (TALF) semble donc se caractériser par une uniformité de conception, de contenus et de processus; c'est également le cas des programmes de formation des enseignants en EFBA (TABETT, plus longs, plus formels et plus professionnels, qui empruntent souvent leurs politiques et leurs pratiques à d'autres programmes; c'est notamment le cas au Bangladesh, qui s'est inspiré de la Campagne d'alphabétisation totale de l'Inde.
Systèmes: certains pays ont mis en place des systèmes de formation d'alphabétiseurs relativement élaborés. L'Ethiopie
«forme diverses catégories d'éducateurs d'adultes professionnels dans les institutions d'enseignement supérieur...; dans certaines régions et certains districts, les personnels administratifs et pédagogiques de l'État et de diverses institutions sont orientés et partiellement formés pour planifier, mettre en œuvre et évaluer des programmes ou des projets de formation d'adultes axés sur la demande et la génération de revenus; des formations portant sur la création de moyens de subsistance sont également organisées. » (Sandhaas, e-mail)
Mais ces types de structures étant généralement rares, il est urgent «de concevoir des stratégies de formation d'éducateurs d'adultes transparentes» (Singh et McKay 2004:24). Ces structures semblent également se limiter aux programmes gouvernementaux; en effet, bien que les ONG aient des pratiques communes, les grands organismes non gouvernementaux comme le CAMPE p. ex. (Bureau de coordination des ONG au Bangladesh) n'ont pas de systèmes de formation de facilitateurs (TALF).
Modèles de formation: le système de base utilisé dans la majorité des programmes de formation des facilitateurs (TALF) comporte les éléments suivants:
Ce système est parfois plus élaboré, notamment dans certains programmes qui font précéder la formation initiale d'une courte période d'orientation. Nombre de pays organisent des formations initiales complémentaires pour les facilitateurs; c'est le cas en Egypte où la formation courte de quatre jours sur la santé et l'alphabétisation intégrées, organisée par World Education, «s'adresse aux facilitateurs en alphabétisation, débutants ou non» et accompagne le programme gouvernemental de formation (Potter:5).
Dans la pratique, l'intérêt pour la formation continue et l'éducation permanente est nettement plus faible que pour la formation initiale; le suivi est souvent confié aux organismes locaux, même dans les pays où la formation initiale est centralisée. Au Brésil:
«la formation, et plus particulièrement la formation initiale, était centralisée. Une fois par an, [l'organisme central de formation] organisait aussi une formation continue pour les enseignants. Mais la majorité des formations continues étaient réalisées par les groupes respectifs à la base, qui étaient libres d'élaborer leurs propres méthodologies; les formations avaient lieu pendant les réunions hebdomadaires (les vendredis soir) et s'adressaient aux instructeurs [facilitateurs] et aux superviseurs... Certains [groupes] ne savaient pas comment procéder mais étaient libres d'organiser les formations continues comme ils l'entendaient. » (Stromquist 1997:43)
Niveaux de formation: les formations ont lieu à plusieurs niveaux. «World Education a deux types de programmes de formation: l'un s'adresse aux formateurs (TOT), l'autre aux facilitateurs en alphabétisation» (Étude de cas de WE(N). Au Népal, PACT préconise de dispenser à ses partenaires locaux, des formations de haut niveau qui nécessitent un personnel à temps plein et coûteux, puis que les partenaires locaux engagent à leur tour un personnel moins coûteux pour former des formateurs de terrain (PACT 2001:19).
Modèles en cascade: pour former les facilitateurs, nombre de pays utilisent le modèle en cascade pour la raison suivante:
«au niveau centralisé, il est vraiment très difficile de dispenser des formations à un nombre élevé de facilitateurs» (Rashid et Rahman 2004:172).
«Lune des méthodes courantes de formation d'éducateurs d'adultes à grande échelle, est le modèle en cascade utilisé dans les campagnes d'alphabétisation en Inde et au Bangladesh... L'approche consiste à dispenser des formations initiales à des personnes ressources triées sur le volet, qui se chargent à leur tour de la formation des autres. Cette méthode permet de dispenser les formations à tous les niveaux et de descendre ainsi jusque sur le terrain.» (Youngman et Singh 2005:8; voir aussi Dighe 2005)
En Egypte, World Education utilise cette approche dans sa formation complémentaire (Potter:3). Au Brésil, MOBRAL a formé des «multiplicateurs» chargés de «donner la responsabilité de l'éducation aux alphabétiseurs» (site web du Brésil). En Ethiopie,
«la formation de formateurs originaires des six régions, qui forment à leur tour des formateurs et des coordinateurs de centres de formation communautaires au niveau des zones et des districts... (d'après le modèle en cascade) a pour but de renforcer les capacités de formation de la région à divers niveaux administratifs». (Sandhaas, e-mail)
Modèles en cascade internationaux: le haut de la cascade est parfois représenté par un organisme ou des consultants internationaux (Lind 1986:36). Plusieurs pays utilisent des matériels de formation internationaux, notamment en Asie où le Bureau de l'UNESCO PROAP, à Bangkok, exerce une grande influence sur l'alphabétisation des adultes dans la région grâce à ses programmes APEID, ATPL et APPEAL; les programmes sont par conséquent réadaptés au lieu d'être conçus individuellement pour un environnement donné. Les formateurs internationaux forment des personnels clés qui retournent ensuite dans leurs pays respectifs pour en former d'autres.
Problèmes des modèles en cascade: le modèle pose certains problèmes, à savoir:
«Les différences entre les environnements locaux, que ce soit en matière de culture, d'économie politique, d'éducation des adultes, de politiques, de traditions, etc. demandent des formations adaptées aux situations respectives. En effet, une formation conçue dans un contexte précis peut être parfaitement inadéquate dans un autre.» (Youngman et Singh 2005:4)
Comme nous l'avons déjà fait remarquer, le modèle en cascade pose deux problèmes: premièrement, «il s'appuie entièrement sur le transfert [des connaissances] du haut vers le bas» au lieu d'apprendre en donnant du sens à l'apprentissage; deuxièmement, «te transfert s'accompagne toujours d'une perte considérable de connaissances» (Youngman et Singh 2005:8). En Inde,
«te transfert des connaissances a considérablement souffert du fait que les formations étaient espacées [à divers niveaux], mais aussi du manque de motivation [des formateurs et des formateurs de facilitateurs], qui ne manifestaient visiblement aucun intérêt ni aucune aptitude pédagogique pour enseigner à des adultes». (Shah 2004:38, et PRIA4)
Au Bangladesh,
«l'apprentissage a souffert de ce système en cascade, qui consiste à commencer par les formations de formateurs (TOT) pour finir par les formations sur le terrain» (Rashid et Rahman 2004:172).
Un organisme a déclaré qu'après avoir utilisé ce système et dépensé la majeure partie des ressources pour former des formateurs au niveau supérieur, il n'est pratiquement plus rien resté pour former les éducateurs de terrain, qui étaient pourtant en majorité.
«Nous concluons donc que, s'il est vrai que le modèle en cascade a stimulé l'engagement en faveur de l'alphabétisation, les ressources disponibles par contre - pour les contenus, les matériels pédagogiques, la durée de formation, les fonds et les moyens techniques - ont diminué graduellement et n'ont plus suffi pour former les [facilitateurs].» (Mitra:7)
Non-institutionnalisation de la formation des facilitateurs: contrairement aux enseignants d'EFBA qui bénéficient de formations formelles, la formation des facilitateurs n'est pas institutionnalisée. Elle est dispensée par de multiples organismes dans des lieux très différents: «Salles de réunions des bâtiments gouvernementaux, mosquées, locaux des ONG, salles de conférences des hôtels» (Potter 6), et souvent en plein air. Il n'y a pratiquement pas de liens formels entre les programmes; quant aux systèmes nationaux d'évaluation ou d'accréditation, ils sont rares, pour ne pas dire inexistants.
Un large éventail d'organismes: l'éventail des organismes prestataires de formations de facilitateurs est d'une ampleur considérable: ministères, organismes spécialisés, universités et autres institutions éducatives, grandes ONG nationales et internationales, donateurs, organes de consultation et personnes individuelles, etc. En outre, l'alphabétisation des adultes dépend fréquemment de plusieurs ministères: en Oman, «te ministère de l'Agriculture, le ministère de l'Information, le ministère des Affaires sociales et de l'Emploi, et l'Association des Femmes d'Oman» sont responsables du domaine au même titre que le ministère de l'Éducation (site web en date du 24. 02. 05).
Dans l'ensemble de l'Afrique subsaharienne,
«la formation des alphabétiseurs relève avant toute chose de la responsabilité des ministères, des départements et des sections chargés de l'éducation de base, de l'alphabétisation et de l'éducation non formelle des adultes»;
au Nigeria par contre,
«on ne connaît pas exactement le nombre de centres de formation en EBA, car le gouvernement fédéral et les administrations régionales, les institutions privées et les ONG dispensent des types de formations certes différents, mais que l'on peut qualifier d'actions d'éducation des adultes». (Tahir 2004:160)5
Par conséquent, les organismes de formation peuvent être soit des centres nationaux, comme le Centre national d'éducation des adultes au Nigeria, soit des universités comme l'Université de Kwa-zulu-Natal en Afrique du Sud, ou encore des organismes spécialisés (gouvernements, ONG et commerciaux) et des ONG; ces dernières, qui sont spécialisées ou ont une bonne expérience en formation de facilitateurs, offrent leurs services aux organismes d'alphabétisation étrangers, comme c'est le cas pour la Dhaka Ahsania Mission au Bangladesh et pour ProLit en Afrique du Sud. Une récente étude réalisée en Afrique francophone a identifié trois types de prestataires dans le domaine de l'alphabétisation: institutions universitaires, ONG et «institutions non universitaires». Les premières dispensent des formations universitaires,
«les ONG se concentrent sur la mise en œuvre déprogrammes d'alphabétisation...et de programmes de formation qui ressemblent plus à des cours de recyclage sur les stratégies d'alphabétisation qu'à des formations en éducation des adultes en tant que concept global»;
enfin, les institutions non universitaires
«proposent aux adultes diplômés des cours de soutien axés sur le renforcement des capacités dans le domaine du développement économique et social d'une part, de l'éducation à la citoyenneté d'autre part». (Hagnonnou 2005:5)
Nombre de prestataires, comme le CIAZO à El Salvador, forment leurs propres facilitateurs en se servant de programmes d'études qu'ils ont élaborés eux-mêmes et en faisant appel soit à des formateurs externes, soit à leurs propres formateurs qui risquent de n'avoir d'expérience ni en alphabétisation des adultes, ni en pédagogie. «Pour former les éducateurs, les ONG utilisent leurs méthodologies favorites» (Maruatona:3-4).
«La Zambie a choisi de combiner les programmes de formation gouvernementaux avec ceux de plus de 40 ONG qui opèrent dans le pays dans le domaine de l'alphabétisation et de l'éducation de base». (Maruatona:3)
Dans certains pays, un réseau national de centres de formation a été mis en place, comme p. ex. les State Resource Centres en Inde (Digne 2005:58; PRIA2). Certains programmes font appel à des formateurs ou à des programmes / matériels pédagogiques / manuels de formation externes. Un certain nombre d'organismes préconisant la formation participative ont émergé; c'est le cas de la PRIA en Asie (Participatory Research in Asia), qui a un vaste rayon d'action et dont les matériels de formation participative, conçus pour de nombreux programmes de développement, sont utilisés par le biais de son site web; son engagement en faveur de l'alphabétisation a cependant décru au cours des dernières années.6 Au Zimbabwe, la Zimbabwe Adult Learners' Association «est responsable de la formation des enseignants» dans le cadre des programmes gouvernementaux et non gouvernementaux (Maruatona:3,6). Il existe également quelques centres spécialisés tels l'INEA au Mexique et le CREFAL en Amérique latine, qui combinent la formation avec la recherche et jouent un rôle non négligeable dans la région; il arrive que ces centres définissent des politiques et proposent des formations d'alphabétiseurs à échelle régionale.
C'est alors que la situation devient confuse. Certaines ONG comptent sur les programmes gouvernementaux (Maruatona: 6) et à l'inverse, certains gouvernements utilisent librement les équipes et les programmes des ONG. Mais les uns comme les autres peuvent tout aussi bien suivre des voies différentes, et ces types d'accords changent souvent avec le temps. Certains considèrent la diversité des organismes comme une force, d'autres comme un problème:
«Apparemment il n'y a que peu, voire pas de coordination en ce qui concerne la répartition des rôles et des tâches des organismes de formation d'alphabétiseurs sur le terrain. Ceci risque d'entraîner une répétition inutile des efforts et un gaspillage des maigres ressources.» (Tahir 2004:160)
On a par conséquent tenté à plusieurs reprises, de trouver un organisme global qui travaille en réseau et soit capable de remplir un certain nombre de fonctions de coordination et de recherche.
Un large éventail de formateurs: ici aussi, on constate la présence d'un large éventail de formateurs d'alphabétiseurs et surtout de faci-litateurs. Bon nombre d'entre eux sont des universitaires, et certains centres universitaires tel le CERID, au Népal, ont développé d'importants programmes de formation de facilitateurs. D'autres formateurs font partie du personnel à plein temps des organismes prestataires, gouvernementaux ou non: «[ce sont des] représentants des districts ou des représentants régionaux; [ils peuvent aussi faire partie du] personnel des ONG et des églises» (Maruatona:6). «Les formateurs à plein temps font partie du personnel permanent des ONG» (Rashid et Rahman 2004:171). La Dhaka Ahsania Mission, au Bangladesh, a «une équipe de 15 formateurs très expérimentés... la qualification minimum requise est le mastère, ainsi qu'une expérience pédagogique dans le domaine de l'alphabétisation et de l'éducation non formelle» (Étude de cas de la DAM). Certains prestataires, comme l'UNIVA au Nigeria, ont si bonne réputation que les autres organismes font appel à eux. À une certaine époque, en Egypte, la formation des alphabétiseurs opérant dans le cadre des programmes gouvernementaux et non gouvernementaux était assurée par le personnel de CARITAS; de même en Afrique centrale et notamment en Ouganda, le personnel d'alphabétisation et d'EBA était souvent sollicité pour dispenser des formations à l'étranger. Les formateurs peuvent être aussi des professionnels locaux, p. ex. des journalistes (en raison de leur expérience perçue en production de matériels écrits et en communication). Il est également assez fréquent qu'on fasse appel à des formateurs étrangers, comme c'est le cas pour le programme égyptien CELL (Sabri, e-mail). Quant aux bailleurs de fonds, notamment USAID, UNICEF, World Education (Shrestha, e-mail), Save the Children et NIZ/DW, ils proposent parfois des formateurs - généralement locaux - pour des programmes auxquels ils participent financièrement.
Apparemment,
«rares sont ceux [formateurs] qui sont sollicités en permanence dans leur pays. Nombre d'entre eux n'ont pas vraiment d'expérience en pédagogie des adultes. » (Mitra: 9)
On les choisit en raison de leur niveau d'éducation ou de critères développementaux, et non pour leur expérience en pédagogie des adultes.
«Les plus hauts dans la hiérarchie... sont généralement des autodidactes en matière d'alphabétisation; ils viennent souvent des universités ou d'ONG qualifiées, et sont considérés comme l'incarnation même de la sagesse. » (Mitra: 12)
Étant donné que les formateurs n'ont qu'une rare expérience concrète de l'alphabétisation des adultes, ils sont capables de donner des aides théoriques mais jamais pratiques.
«Il se peut qu'un superviseur devienne formateur après avoir participé à un programme de formation pour facilitateurs, mais qu 'il n 'ait fait preuve de compétence que dans des activités de supervision. » (Rashid et Rahman 2004:170)
Le fait que la majorité des formateurs soient des hommes révèle des problèmes de genre tant dans le domaine de la planification de l'éducation que du contrôle universitaire. Cependant, et plus particulièrement en Asie du sud, nombre de femmes travaillent comme consultantes et formatrices indépendantes, et plusieurs ONG emploient des formatrices. Ce domaine demande néanmoins à être soigneusement approfondi.
Rémunérations: certains formateurs sont rémunérés pour leurs prestations, d'autres non. Aucun budget spécifique n'étant généralement alloué à la formation, c'est l'organisme prestataire (gouvernemental ou non) qui couvre les frais en employant le personnel déjà rémunéré dans le cadre de son budget. En Ouganda, les évaluateurs signalent que les frais de formation des alphabétiseurs, qui ne sont pas prévus aux budgets, sont pris en charge par le gouvernement (Carr-Hill 1998:101).
Recours aux facilitateurs pour former des facilitateurs: rares sont les programmes qui ont recours à des facilitateurs expérimentés pour former les alphabétiseurs: «Les formateurs n'encouragent pas les alphabétiseurs à former les nouveaux venus» (Maruatona: 10). Certains pays font exception, comme p. ex. le Bangladesh:
«Nasreen a dirigé 25 cycles d'alphabétisation d'adultes de six mois chacun... Chaque année, le FIVDB [l'ONG concernée] organise plusieurs formations de formateurs pour les cadres moyens des ONG. Nasreen et d'autres facilitateurs de terrain ont participé à plusieurs cours et échangé leurs expériences.» (Rashid et Rahman 2004:173)
On constate cependant que les formateurs de facilitateurs jouent un rôle moins important dans les activités de formation que dans les formations complémentaires, comme p. ex. dans le programme de santé intégrée et d'alphabétisation réalisé par World Education en Egypte (Potter:7).
Équipes de formateurs: les formateurs travaillent souvent en petites équipes (Rashid et Rahman 2004:171). Au Népal, World Education fait suivre un même groupe de stagiaires par deux formateurs ou plus (Étude de cas de WE(N), mais il se peut aussi qu'un seul formateur travaille tout le temps avec le même groupe.
Ce chapitre ne concerne que la formation des formateurs d'alphabétiseurs.
Rares sont les formateurs d'alphabétiseurs qui ont une formation adéquate, et on constate un laissez-faire certain dans ce domaine. En outre, l'éventail de formateurs est si large (l'Egypte p. ex., «a recours au personnel des GALAE, à des universitaires et à d'autres professionnels, à des directeurs d'établissements scolaires, etc.») qu'on est souvent contraint de donner des directives diffuses au lieu de proposer des formations soigneusement planifiées.
Lorsqu'il y a formation de formateurs (TOT), elle a lieu - tout comme les formations d'alphabétiseurs (TOLE) - soit dans le cadre de programmes formels débouchant sur des certificats, des diplômes et même des mastères, soit dans le cadre de programmes informels d'orientation et de formation. Il n'y a pratiquement pas de suivi pour les formations de formateurs, ni de programmes de formation continue pour les formateurs.
Apparemment, la majorité d'entre eux n'ont pratiquement jamais participé à des formations de formateurs, car l'éducation formelle est considérée comme suffisamment adéquate pour répondre à leurs besoins:
«Au Botswana, les alphabétiseurs sont formés la plupart du temps par des diplômés de l'université en éducation des adultes», même si l'on reconnaît qu'«aucune de ces formations ne leur apprend forcément à former des alphabétiseurs. Ils acquièrent leur expérience sur le tas» (Maruatona: 9-10).
Certains programmes prennent cependant la formation non formelle des formateurs au sérieux (comme le montre l'étude de cas réalisée par WE(N). En Somalie,
«on a constitué un groupe d'une trentaine de formateurs venus de diverses régions du pays.... à qui on a proposé un atelier de formation d'une semaine sur l'enseignement à distance. Apparemment, l'atelier était dirigé par le directeur de programme de l'AET[African Educational Trust].»7 (Somdel)
Au Bangladesh,
«pour organiser, mettre en pratique et superviser les programmes d'alphabétisation et d'éducation de base des adultes de manière efficace et atteindre un certain nombre d'objectifs, une formation de deux semaines a été organisée pour le personnel des organismes prestataires et des ONG. Ensuite, ces formateurs ont formé à leur tour des facilitateurs dans les centres de formation populaires.» (Rashid et Rahman 2004:171)
La Dhaka Ahsania Mission organise
«au Bangladesh et à l'étranger, des formations continues et des formations axées sur les besoins... pour développer les capacités des formateurs.... Les nombreux ateliers internes et le travail en équipe»
participent du souci de «perfectionner le professionnalisme des formateurs de la DAM» (Étude de cas de la DAM).
Nous n'avons trouvé aucune donnée sur les taux de participation et d'assiduité à ces TOT, mais certaines sources indiquent qu'ils n'atteignent pas cent pour cent. La Campagne d'alphabétisation totale de l'Inde avait prévu de donner un minimum déformation aux personnes ressources et aux formateurs, ce qui s'est concrétisé sous plusieurs formes: PRIA a organisé un programme de formation de neuf jours à temps complet, dirigé par trois formateurs pour 45 personnes, notamment «des responsables de l'éducation des adultes dans les districts, [des] responsables de projets et [des] superviseurs, et une «équipe» de formateurs» de deux ONG (PRIAI); d'autres formations de formateurs ont été organisées à l'échelon local. Plusieurs personnes, cependant, n'ont pas pu y participer parce qu'elles étaient «très occupées»; au lieu de cinq jours de formation, 40% n'en ont eu que trois, et 6% un seul (Shah 2004:39; voir PRIAI).8
Contenus et approches: les contenus des formations de formateurs varient considérablement. Certaines sont théoriques et académiques, d'autres rigoureusement pratiques. «On supposait que les formateurs d'éducateurs avaient à la fois des compétences d'éducateurs et de formateurs» (PRIA2). Cependant, contrairement aux formations des facilitateurs (TALF) et des enseignants (TABETT), la formation des formateurs (TOT) est généralement plus axée sur la pédagogie des adultes.
Manuels des formateurs: les manuels pédagogiques conçus pour les formations de facilitateurs sont parfois utilisés dans les formations de formateurs.
Évaluation des TOT: à part quelques exceptions au niveau interne, les évaluations sur l'efficacité des formations de formateurs sont relativement rares et donnent, en tout état de cause, des résultats très médiocres. Un rapport d'évaluation interne de la Campagne d'alphabétisation totale du Bangladesh affirme p. ex.:
«Des formateurs sont sélectionnés au sein des ONG et formés par l'équipe de formateurs du DNFE; ceux-ci ne sont pas tous du métier, mais travaillent plutôt comme employés à plein temps. Lorsqu'ils font cours, personne n'assure le suivi de leurs performances. Nombre d'entre eux continuent leur travail de bureau au lieu de faire cours. D'autre part, les matériels de formation ne sont pas disponibles tout le temps, ce qui augmente le degré d'inadéquation des formations. La qualité des formations continue de se détériorer quand un formateur doit donner cours pendant 30 jours d'affilée sans aucun week-end de libre !» (cité dans Mitra 2004)
À bien des égards, la formation formelle des enseignants (TABETT) peut être considérée comme synonyme de formation de formateurs (TOT): en effet, nombre de personnes qui terminent leur formation et obtiennent un certificat sont employées plus tard dans des institutions formelles d'EFBA et d'ENF, où elles forment à leur tour des alphabétiseurs même si elles n'ont pas d'expérience dans ce domaine. Une fois de plus, on considère l'éducation formelle comme suffisamment adéquate pour répondre à leurs besoins.
Organismes et offres: deux récentes études (Mpofu et Youngman 2005; Hagnonnou 2005) indiquent qu'en Afrique anglophone, neuf pays au moins proposent des formations formelles qui sont toutes dispensées par des institutions d'enseignement supérieur (universités et collèges);9 dans cinq pays d'Afrique francophone, ce sont au contraire les instituts indépendants et les ONG qui complètent les offres universitaires. Les formateurs sont des universitaires qui ont reçu une formation formelle; malheureusement,
«les actions les plus rares en matière de développement personnel sont les expériences pratiques (pas une seule fois citées) et les cours sur le terrain (cités deux fois)» (Mpofu et Youngman 2005:9)
et ces universitaires n'ont eux-mêmes été formés que dans le cadre de séminaires et d'ateliers d'un ou plusieurs jours. Pour eux, l'alphabétisation est certes un domaine de recherche intéressant, mais il est loin d'être le seul (Mpofu et Youngman 2005:34).
«La formation des alphabétiseurs varie fortement d'un pays à l'autre et est en constante évolution. Il est donc assez difficile, pour ne pas dire impossible, d'en faire un tableau.» (Newman)
La formation des alphabétiseurs dépend bien entendu des catégories d'alphabétiseurs que l'on forme; à leur tour, ces catégories dépendent des types de programmes pour lesquels les alphabétiseurs sont recrutés. Nous commencerons donc par brosser un tableau des différents types de programmes d'alphabétisation.
Les programmes d'alphabétisation des adultes
Les programmes d'alphabétisation des adultes (ALLP) sont très hétérogènes. Contrairement à l'enseignement primaire, la plupart des programmes pour adultes sont des campagnes à durée déterminée, autrement dit des programmes d'une seule pièce destinés à «alphabétiser les analphabètes» une bonne fois pour toutes. Certains, notamment les programmes gouvernementaux, sont de grande envergure; d'autres, généralement ceux des ONG, des actions à petite échelle. Les organismes prestataires, qui ont besoin d'alphabétiseurs pour mettre en œuvre ces programmes, sont les départements des administrations centrales et locales, les ONG internationales, nationales et locales (celles-ci peuvent soit mettre en œuvre des programmes gouvernementaux, soit organiser leurs propres initiatives, qui sont d'ailleurs souvent radicalement différentes des programmes gouvernementaux), les institutions éducatives, les entreprises, les églises, les syndicats, les organisations d'action sociale et les associations locales. On constate souvent la présence d'organismes complémentaires, concurrents ou rivaux dans un même endroit, comme c'est le cas au Brésil, où
«malgré les efforts [du gouvernement brésilien] pour associer tous les programmes gouvernementaux à l'effort national, le ministère du Développement agricole (MDA) maintient son programme indépendant, le PRONERA (Programme national d'éducation en faveur de la réforme agraire), qui opère exclusivement... dans les zones rurales...[et dont] les alphabétiseurs et apprenants adultes ne figurent pas au registre national». (lreland:5)
On identifie trois grands types de programmes.
Ces points demandent à être développés.
Il existe deux types de programmes à court terme et à durée déterminée axés essentiellement sur l'alphabétisation:
a) les cours d'alphabétisation autonomes: leur fonction principale est d'enseigner la lecture et l'écriture à l'aide de textes pédagogiques. Ces «programmes d'alphabétisation sont habituellement considérés comme des interventions individuelles de formateurs temporaires; leur but est de régler une fois pour toutes le soi-disant <problème de l'analphabétisme>» (Rogers 2002:331 ). Le succès de ces programmes est mesuré en termes de «niveau» d'alphabétisation obtenu.
b) L'alphabétisation accompagnée d'autres volets de développement: ces actions incluent souvent d'autres volets dans leurs programmes d'études-santé, génération de revenus, environnement (plus spécialement en Amérique latine) ou encore citoyenneté, etc. Ici, apprendre à lire et à écrire ne consiste plus uniquement à
«maîtriser les éléments graphiques de la lecture et de l'écriture. L'apprentissage doit au contraire être considéré comme un moyen d'élargir son horizon et comme l'exercice le plus conséquent de la citoyenneté» (Esteves 2001:246),
même s'il porte encore le nom de programme d'alphabétisation (voir les publications de l'ASPBAE sous le titre 'Literacy Plus...'). Certains programmes
«associent aux activités d'alphabétisation des mesures d'éducation non formelle... qui empruntent leurs contenus à d'autres secteurs - santé, promotion de l'éducation, acquisition de biens; ces contenus sont ensuite intégrés dans des matériels pédagogiques. » (Potter:1)
Lorsque Youngman et Singh (2005:7) parlent de
«programmes [qui] se concentrent sur des domaines spéciaux tels la citoyenneté, les indigènes et les paysans, le travail, les questions de genre, le développement local et l'alphabétisation»,
l'alphabétisation est citée de manière fortuite et n'occupe pas une place centrale. En Inde, l'alphabétisation a souvent été accompagnée de mesures d'éducation populaire et en Egypte, les actions complémentaires sont généralement réalisées en même temps que l'alphabétisation:
«Le programme consiste à ajouter aux actions d'alphabétisation de base organisées par les GALAE des leçons nouvelles qui combinent les concepts d'alphabétisation de base avec les soins de santé à la mère et à l'enfant» (Rosser, e-mail).
Deuxièmement: l'alphabétisation intégrée dans d'autres activités. Il s'agit généralement d'activités de développement telles le crédit et l'épargne, l'autonomisation des femmes ou encore la création de moyens de subsistance (Oxenham 2002).10 Dans ces programmes, qui se concentrent sur les acquis nécessaires au développement et non sur l'alphabétisation, les critères de succès ne sont pas les compétences en alphabétisation mais l'amélioration de la santé, des soins à l'enfant, des rendements agricoles, etc.; l'alphabétisation peut occuper une place très restreinte; en Bolivie p. ex. seuls 7% des contenus d'alphabétisation analysés avaient un rapport direct avec l'alphabétisation; le reste concernait la génération de revenus, la santé, la participation communautaire, les droits légaux, la prise de décisions et divers autres domaines (Burchfield Bolivia 2002:110). Dans ce type de programmes, l'alphabétisation a généralement lieu à part et ressemble plutôt à un cours autonome (elle s'adresse aux soi-disant 'analphabètes' et non à tous les membres du groupe concerné). L'alphabétisation peut également avoir lieu dans le cadre d'activités en milieu de travail avec des éducateurs recrutés par les entreprises (Maruatona 2005). Même si ces activités sont en baisse,11 elles n'en sont pas moins concluantes.
Troisièmement: actions d'alphabétisation intégrées dans des programmes plus vastes d'éducation et de formation de base des adultes (EFBA), d'éducation permanente ou encore d'éducation non formelle des adultes (ENFA); ces actions sont souvent (mais pas toujours) mises en œuvre dans les institutions d'éducation des adultes. On a fortement préconisé de considérer l'alphabétisation dans un contexte d'apprentissage tout au long de la vie, de ne pas limiter l'EFBA et l'ENF à des «exercices d'alphabétisation» mais de les intégrer dans des programmes d'études plus vastes (IUE 2001; Torres 2001 - voir Dighe 2005:56): la CONFINTEA V pour sa part, a vivement conseillé d'inclure l'alphabétisation dans la formation continue ou l'éducation tout au long de la vie, afin que l'«éducation pendant toute la vie» devienne réalité. L'Afrique du Sud n'est pas la seule à faire le constat suivant:
«Dans les années 90, l'alphabétisation... a pris une tournure nettement plus formelle. Les actions d'alphabétisation se sont transformées en EFBA (éducation et formation de base des adultes)... et l'éducation a eu tendance à adopter des systèmes de normes. Dès lors, la formation des alphabétiseurs et des praticiens d'EFBA a suivi la tendance.» (Tuchten, e-mail)
Au Nigeria notamment, une étude portant sur les centres d'EBA qui proposent des formations dans les domaines du travail social, des soins de santé primaires, de la vulgarisation en milieu rural, des coopératives, de la formation professionnelle des femmes, etc. a montré que «la moitié d'entre eux proposent des cours d'alphabétisation», qui sont dispensés par leur personnel. D'autre part, «la majorité des formations d'EBA a lieu sous forme de programmes traditionnels de type scolaire sanctionnés par des qualifications formelles (diplômes ou certificats)» (Tahir 2004:147, 160). En Amérique latine, la majorité des initiatives d'alphabétisation sont planifiées «de manière à être intégrées quasi automatiquement dans l'éducation permanente» (Ireland). Les programmes à cent pour cent non formels n'échappent pas non plus à cette tendance. Dans une ONG du Bangladesh,
«les programmes d'études pour l'alphabétisation et l'éducation de base des adultes s'articulent autour de domaines de la vie courante, notamment l'agriculture, la santé, la nutrition, la justice, l'institution de la dot, la réduction de la pauvreté, etc..» (Rashid et Rahman 2004:182)
Dans certains pays, le terme «alphabétisation» n'est même pas évoqué, comme en Egypte où les Autorités générales d'alphabétisation et d'éducation des adultes (GALAE) viennent de le rayer de leur titre. D'un autre côté, s'il est vrai que l'institutionnalisation de l'EFBA s'accélère dans plusieurs pays, on reconnaît que
«ni la majorité des adultes issus des couches sociales les plus basses, qui ne sont pas alphabétisés et n'ont pas eu d'éducation de base, ni les travailleurs dans le domaine de l'économie informelle de survie ou de subsistance n'ont accès à ces institutions» (Singh et McKay 2004:12);
dans certaines parts de l'Amérique latine, les descriptifs de programmes utilisent aujourd'hui «alphabétisation» en association avec «éducation des adultes» (Ireland).
L'institutionnalisation croissante des actions d'alphabétisation dans un cadre d'EBA implique que l'on augmente substantiellement les ressources allouées dans ces deux secteurs; mais étant donné que la plupart des interventions sont financées par des bailleurs de fonds, on peut douter de leur durabilité.12 Il faut également tenir compte de la rapidité des changements dans ce secteur. Les actions qui, à la fin des années 90 et au début des années 2000, associaient l'alphabétisation aux moyens de subsistance et à des pratiques en faveur du développement, ont petit à petit laissé la place à l'EFBA et à des programmes d'études plus ou moins formels. L'alphabétisation, contrairement à la scolarisation primaire formelle, est très sujette aux changements et dépend dans une large mesure de l'intérêt ou du désintérêt qu'on lui manifeste.
Les madrassas: on citera également les madrassas, ou maktabs. Ces écoles coraniques sont très diversifiées, et l'enseignement se fait aussi bien dans le cadre de courtes réunions pendant les week-ends que de cours à plein temps sur plusieurs jours de la semaine. Hormis l'apprentissage des sourates du Coran, elles dispensent des programmes globaux incluant l'alphabétisation en arabe et en d'autres langues. Les enseignants peuvent être des «non-professionnels» connaissant parfaitement la tradition coranique, mais aussi des gens très bien formés et hautement qualifiés (Rahman 2005; Andabi et al (non daté); Zaman 1999). Ces écoles sont en pleine expansion, notamment en Asie où adultes et enfants font leur premier apprentissage de l'alphabétisation. Je suis incapable de dire quoi que ce soit sur la formation des enseignants, mais leur contribution à l'alphabétisation des adultes est considérable.
Programmes novateurs: plusieurs approches novatrices ont été bien entendu développées, notamment par les ONG et/ou les organismes éducatifs, comme p. ex. les universités. On a assisté à des tentatives un peu malchanceuses d'associer aux actions d'alphabétisation la radio, la télévision et d'autres technologies d'apprentissage à distance. L'Université ouverte Allama Iqbal, au Pakistan, a mis en place des formations réservées exclusivement aux femmes; l'Inde a tenté plusieurs fois de «promouvoir l'alphabétisation... en fournissant des matériels d'alphabétisation» (Shah 2004:51 ; voir Yates et Bradley 2000 pour une étude générale),13 et certains programmes ont eu recours aux TIC (p. ex. Dighe 2004:325-335; Gerasch 2004). La formation des éducateurs qui ont participé à ces programmes expérimentaux a toujours été considérée comme un élément novateur et non comme un volet de formation des alphabétiseurs (Ouganda ICI). On citera aussi les cours intensifs de courte durée et à temps plein, comme le «Literacy Crash Course» mis en place en 1999 par Astha, en Inde, qui comportait trois sessions à temps plein de cinq jours consécutifs (Astha 1999); les centres de rencontre (Aderinoye et Rogers 2005); les programmes d'alphabétisation des nomades, des migrants et des bergers, les programmes d'alphabétisation des populations indigènes; et enfin, l'alphabétisation en situation de crise ou de conflit, etc. Ils sont encore assez rares mais en augmentation croissante. On note aussi l'apparition de programmes d'alphabétisation familiale et intergénérationnelle, religieuse ou dispensée par des groupes croyants. Normalement, le personnel de ces programmes est recruté et formé dans des conditions spéciales parce qu'il a besoin «de formateurs à la fois créatifs, ingénieux et capables de s'inspirer de leur environnement plutôt que de dépendre de matériels pédagogiques tout prêts» (Astha 1999), mais aussi parce qu'on lui demande de s'engager plus activement que pour les programmes d'alphabétisation traditionnels.
Distinction entre éducation et développement: on a comparé l'étude des offres actuelles d'alphabétisation à un exercice d'équilibre entre d'une part, les partisans d'une alphabétisation intégrée, adaptée à chaque programme de développement et dotée d'objectifs plus développementaux qu'éducatifs, d'autre part les partisans d'une alphabétisation «éducative» se faisant sous forme de programmes d'études standardisés, dispensés par des alphabétiseurs pour des alphabétisés, et ayant pour but d'améliorer «tes niveaux éducatifs ou d'alphabétisation des adultes et des jeunes» (COLLIT 2004; Singh et Me Kay 2004:13). L'émergence de ce qu'on a nommé «la vision élargie de l'éducation de base» (Dighe 2005:64) et le souhait non moins intense de l'ancrer dans un «environnement d'apprentissage tout au long de la vie» (IUE 2001; Torres 2001; Dighe 2005:56) participent tous deux du modèle éducationnel d'alphabétisation. Ce modèle (p. ex. l'AUPEP en Namibie) se concrétise par un programme d'études commun à tous les groupes d'apprenants et défini au niveau central, ce qui n'est pas le cas pour le modèle centré sur les moyens de subsistance, qui préfère laisser la définition du plan d'études au groupe d'apprenants local. L'éducation de base universelle s'inspire en grande partie de l'éducation primaire universelle, et l'alphabétisation y occupe la place centrale. Le modèle développemental a été, lui aussi, étroitement associé au modèle centré sur les moyens de subsistance (DFID 2002), mais il est plus vaste du fait qu'il englobe aussi la santé et la citoyenneté. Cette distinction est en rapport direct avec la différence qui prévaut d'une part entre les programmes centrés sur les curriculums d'études et les programmes participatifs, d'autre part entre les partisans d'une éducation de base des adultes copiée sur l'enseignement primaire, et les partisans de l'alphabétisation en tant que «domaine éducatif distinct» (Duke 2000:362). On peut néanmoins considérer ces deux pôles comme l'aboutissement d'un même continuum et non comme deux catégories distinctes.
Alphabétiser en premier/alphabétiser en dernier: les distinctions que nous venons de décrire résultent d'une dichotomie entre deux modèles, à savoir «alphabétiser en premier» et «alphabétiser en dernier» (Rogers 2000). Le modèle éducationnel considère l'alphabétisation comme le premier pas d'un processus d'apprentissage continu, la «clé» des opportunités éducatives ultérieures et même de la scolarisation formelle. Les programmes construits sur ce modèle démarrent systématiquement avec l'alphabétisation même s'ils comportent d'autres volets de développement. Le modèle développemental par contre (alphabétisation en dernier) considère l'alphabétisation comme l'une des multiples compétences que l'être peut souhaiter acquérir pour atteindre ses objectifs de développement; l'alphabétisation est utile, mais pas indispensable aux progrès. Les programmes construits sur ce modèle commencent toujours par des activités de développement pour intégrer plus tard des «mesures d'alphabétisation adaptées», et non décontextualisées ou universalisées. Dans ce cas, l'alphabétisation a un but développemental.
Les objectifs des programmes d'alphabétisation des adultes:
nous ferons ici un bref tour d'horizon des objectifs car ils affectent à la fois la sélection et la formation des éducateurs. Certains organismes considèrent I' «alphabétisation» comme un moyen d'arriver à ses fins, d'autres comme une fin en soi. Certains programmes doivent leur existence à des motifs économiques, notamment la réduction de la pauvreté, d'autres à une vision de I' «alphabétisation» en tant que droit humain. Certains ont pour but de soutenir les gouvernements et les systèmes en place, d'autres d'encourager la transformation sociale. Certains organismes, qu'ils soient prestataires, bailleurs de fonds ou organismes de promotion comme l'UNESCO et de nombreux gouvernements, défendent bien sûr les deux conceptions à la fois: l'alphabétisation est en même temps un droit humain et un instrument utile, une forme de socialisation et en même temps de transformation sociale. Mais nous constatons aujourd'hui une tendance croissante à politiser toutes les formes de développement - y compris l'alphabétisation - si bien que dans certains contextes, les formes radicales de transformations sociales ne sont plus acceptées comme elles l'étaient avant; dans nombre de régions - même en Amérique latine et dans certains pays asiatiques - il n'est plus politiquement acceptable de considérer la «conscientisation» comme une part des objectifs de développement, de l'éducation ou même de l'alphabétisation; de la même manière, les programmes d'alphabétisation qui représentent un danger pour les gouvernements risquent de se voir annulés, comme ce fut le cas pour le BGVA en Inde. Cette évolution est le reflet des fluctuations d'intérêts des organismes de promotion, des bailleurs de fonds, des gouvernements, des ONG et des autres acteurs de l'alphabétisation.14 Outre l'antagonisme qui prévaut entre le radicalisme de certains prestataires et bailleurs de fonds d'une part, et le désir de maintenir le statu quo des gouvernements et des élites d'autre part, on observe un écart considérable entre les objectifs des prestataires et ceux des apprenants. Les alphabétiseurs sont souvent conscients de cet état de fait et cela se répercute sur leur formation.
Fondamentalisme et alphabétisation: pour cerner les tendances récentes dans le domaine de l'alphabétisation, nous nous permettrons de citer ce commentaire:
«Une tendance alarmante est en train d'émerger dans la région, à savoir l'apparition croissante d'organisations fondamentalistes (et plus particulièrement religieuses) qui cherchent à promouvoir l'alphabétisation. En fait, si dans les années 80 et 90, l'alphabétisation s'est concrétisée en vastes initiatives en faveur du renforcement de l'égalité entre les sexes, de la régénération écologique, de l'augmentation des revenus des pauvres et de la conscientisation croissante et critique des masses, les actions d'alphabétisation réalisées à la fin des années 90 et au début des années 2000 par contre, ont été marquées par la montée du fondamentalisme religieux, de l'intolérance culturelle et, partant, par la réapparition de l'inégalité entre les sexes. En l'occurrence, les donneurs d'ordre étaient les ailes droites des partis fondamentalistes religieux, l'État indien et l'État du Bangladesh.» (Mitra:14)
Les tendances en faveur de l'EFBA/ENFA: dans l'ensemble, les pays en développement semblent favoriser le modèle d'EFBA/ENFA, l'institutionnalisation et l'internationalisation de l'alphabétisation, et la méthode éducationnelle plutôt que l'approche développemen-tale axée sur les moyens de subsistance.15 Cette recherche d'une conception «neutre» de l'alphabétisation est peut-être une conséquence des mouvements que nous venons de décrire. Néanmoins, la majorité des programmes actuels semblent plutôt se concentrer sur l'alphabétisation seule ou accompagnée de volets de développement, et c'est dans ce cadre qu'ont lieu la majorité des formations d'alphabétiseurs.
Cette grande diversité de programmes implique forcément une grande diversité d'alphabétiseurs:
Il est impossible de faire une évaluation quantitative de chaque catégorie, si ce n'est en termes très généraux. Les personnes recrutées localement et engagées à temps partiel constituent apparemment la catégorie la plus nombreuse; de nombreux pays ont recours à des enseignants du primaire ou d'autres niveaux d'enseignement, d'autres pas du tout. Le nombre d'éducateurs d'adultes professionnels, qualifiés et employés à temps plein qui donnent des cours d'alphabétisation est encore limité, mais il a tendance à croître. Le rapport entre les diverses catégories ne peut par conséquent être évalué que si l'on fait une analyse de chaque contexte local.
On fera remarquer que les gouvernements, les organismes employeurs et même les ONG exercent un contrôle très fort sur les alphabétiseurs; ceux-ci, par conséquent, n'agissent pas librement, pas même en situation d'apprentissage, et se trouvent de temps en temps en porte-à-faux vis-à-vis de situations politiques pour lesquelles ils n'ont pas été formés, qu'ils n'avalisent pas forcément et qui les obligent à interrompre le programme.17 Étant donné que leur emploi dépend des bonnes relations avec leur employeurs et les formateurs, ils préfèrent ne pas poser de questions pendant les cours ni faire d'évaluations sincères des formations:
«Théoriquement, les formateurs devaient évaluer les formations, mais les évaluations n'ont quasiment jamais eu lieu dans la pratique. .. car les formateurs étaient craints par les apprenants, et tous faisaient partie des mêmes communautés. Au Bangladesh, les alphabétiseurs proviennent généralement du secteur informel. Eux et leurs familles dépendent des ONG dans de nombreux domaines, y compris le microcrédit. Comme l'ONG responsable des programmes d'alphabétisation dans la région joue aussi un rôle important dans le village (elle sélectionne les facilitateurs et leur donne une petite rétribution), il semblait plus prudent de ne pas critiquer le programme pour de ne pas éveiller l'hostilité du personnel de l'ONG et compromettre les autres avantages dont ils auraient pu bénéficier. » (Mitra: 13)
Tendance à la professionnalisation: apparemment, la tendance actuelle est de professionnaliser les alphabétiseurs. Il semble cependant que la majorité d'entre eux soient des facilitateurs bénévoles.
Puisque la formation des alphabétiseurs est forcément adaptée à leur statut particulier, les programmes de formation des alphabétiseurs sont très diversifiés, tant dans le domaine formel qu'informel. «La formation des alphabétiseurs, tout comme l'éducation des adultes, a lieu sous des formes et des modes multiples» (Duke 2000:363) dans un même pays, voire un même programme. Il peut s'agir de cours formels, de longue durée et à temps plein, ou au contraire de programmes informels, de courte durée et à temps partiel. Un atelier organisé par la PRIA en 1992 pour réviser les stratégies de formation de la Campagne totale d'alphabétisation de l'Inde a fait ressortir des disparités considérables au niveau des pratiques et de l'efficacité dans les districts concernés (PRIA4). Il est donc toujours dangereux de généraliser, ce qui ne nous empêche pas d'essayer.
La formation non formelle des facilitateurs (TALF) et la formation formelle des enseignants en EFBA/ENF (TABETT) diffèrent beaucoup l'une de l'autre. Les premières sont presque toujours très courtes et rarement certifiées. Nous inclurons ici la formation plus informelle dispensée aux enseignants scolaires, au personnel des ONG et aux vulgarisateurs. Les secondes sont plus élaborées, plus longues (un à trois ans), ont généralement lieu à plein temps ou à distance, et sont certifiées. La plupart s'adressent à des «éducateurs d'adultes» professionnels qui peuvent n'avoir qu'un rapport très lointain avec l'alphabétisation des adultes. D'autres incluent l'alphabétisation dans les programmes d'études. Mais il y en a d'autres entre ces deux extrêmes.
En général, il semble qu'on ait actuellement tendance à formaliser la formation des alphabétiseurs; celle-ci ne se limiterait plus à l'alphabétisation mais concernerait aussi l'éducation des adultes, le développement des ressources humaines et le développement personnel (Youngman et Singh 2005; étude de cas de la DAM). Cette tendance s'inscrit dans le processus d'institutionnalisation partielle de la formation des alphabétiseurs, qui permettrait soi-disant de renforcer la durabilité de la formation en l'assimilant au système éducatif formel dominant, en la régularisant dans l'ensemble du pays et en la soumettant à l'influence et au contrôle accrus de l'État. Pour le moment, la majorité des formations d'alphabétiseurs centrées sur les gens qui se consacrent réellement à l'alphabétisation des adultes appartiennent à la première catégorie: formations de courte durée, informelles, improvisées et dispensées dans le cadre de programmes d'alphabétisation des adultes plutôt que de programmes formels de formation des enseignants en EFBA.
1 En Namibie, la politique nationale donne la responsabilité de la «formation de spécialistes» à l'Université UNAM et au collège d'enseignement à distance NAMCOL; le Conseil national d'Éducation des Adultes, pour sa part, est responsable de «la promotion des programmes de formation auprès des acteurs de la formation des adultes - facilitateurs, organisateurs, responsables des programmes d'études, planificateurs et chercheurs».
2 «Dans le cadre de la politique d'éducation et de formation en Tanzanie (MOEC 1995), le ministère responsable de la formation des enseignants a été chargé de créer un groupe spécifique d'enseignants et de tuteurs. Le Plan d'ensemble d'éducation de base (BEMP) prévoit que le gouvernement inclue un programme d'éducation des adultes/d'extension de l'alphabétisation ayant pour but de former des coordinateurs/facilitateurs de districts et des alphabétiseurs, afin de garantir l'accès équitable aux actions d'alphabétisation et de postalphabétisation aux groupes défavorisés.» (Ligate 2004:74)
3 D'un autre côté, «le document de politique nationale a engagé les institutions publiques, les centres de formation et les ONG [du Nigeria] à former toutes les catégories de personnels responsables de l'éducation des adultes... [y compris] les éducateurs d'adultes sur le terrain.» (Tahir 2004:146)
4 L'Association des tuteurs indonésiens, créée dans les années 80, a fait exception; on ne sait pas dans quelle mesure elle a été, ou est encore efficace. (Oxenham 2003:93)
5 Pour consulter la liste des «centres et instituts de formation au Nigeria», voir Tahir 2004:148-9.
6 Au cours des deux dernières décades, la PRIA et ses partenaires ont encouragé les programmes de formation des formateurs (TOT), qui ont pour but de préparer les formateurs aux méthodes de formation participative. Les premiers TOT ont permis de produire un manuel sur les méthodes de formation participative, traduit entre temps dans une vingtaine de langues, en Inde comme à l'étranger. En collaboration avec des partenaires régionaux, des TOT régionales ont été organisées qui ont permis de diffuser la méthode» (site web de la PRIA, consulté le 17. 02. 2005). Ces programmes de formation des formateurs ne sont cependant pas forcément réservés à l'alphabétisation.
7 Mais il est étrange que dans le cadre de ce programme, les formateurs qui avaient bénéficié d'une semaine de formation aient été chargés de ne donner qu'une formation de deux jours aux alphabétiseurs, Somdel.
8 II est intéressant de noter qu'un quart des formateurs «n'a jamais donné de cours à des enseignants volontaires» (Shah 2004:39).
9 On est surpris de constater que cette étude a omis de citer les offres de la University and the Collège of Open Learning en Namibie, de même que les cours d'enseignement à distance de l'UNISA en Afrique du Sud.
10 On notera que certains «programmes d'alphabétisation» ne comportent aucune action d'alphabétisation; ces programmes emploient le terme «alphabétisation» pour être mieux acceptés dans certains environnements culturels.
11 «Nombre d'entreprises qui proposaient des actions d'éducation de base aux adultes en milieu de travail se sont rendu compte qu'il est plus économique et plus efficace d'atteindre certains objectifs (p. ex. 'réaliser l'alphabétisation totale du personnel d'ici 2010') en remplaçant les travailleurs fonctionnellement analphabètes âgés par des jeunes sortant de l'école. Pour les éducateurs d'EBA, ceci signifie bien entendu une baisse des opportunités d'emploi», Land, e-mail.
12 En Afrique du Sud p. ex., l'UNISA est financée par des bailleurs de fonds; la suspension du financement menace la poursuite du programme de formation, d'autant que le gouvernement a également cessé son appui à l'Initiative nationale d'alphabétisation, SANLI. Dans certains pays asiatiques, les prestations d'EFBA/ENF sont financées parla Banque asiatique de développement et d'autres organismes internationaux.
13 Ici, il faut rester prudents. L'enseignement à distance n'a été que très rarement utilisé dans les programmes d'alphabétisation initiale et dans le suivi des enseignants. Il s'est limité à la post-alphabétisation et au perfectionnement. En Mongolie p. ex., les apprenants à distance «devaient déjà avoir un certain niveau d'éducation pour être autorisés à participer»; ils devaient aussi rédiger un journal. Robinson, site web de la Mongolie.
14 Les changements actuels les plus cruciaux sont peut-être ceux que préconise le Rapport de la Commission pour l'Afrique: OurCommonlnterestLondon:DFID 2005. S'inspirant des résultats du Groupe de travail sur l'éducation, le rapport préconise de centrer le développement sur les petites entreprises en milieux rural et urbain (plutôt que d'encourager le développement industriel dans les zones urbaines et les moyens de subsistance dans les zones rurales), de promouvoir le secteur privé, et de réorienter l'éducation - alphabétisation comprise - en fonction de ces objectifs. Le rapport réaffirme cependant qu'on ne peut pas traiter l'éducation de manière isolée; on peut donc dire qu'actuellement, l'éducation en Afrique n'agit vraiment pas en faveur des pauvres mais qu'elle renforce au contraire la pauvreté. Généraliser purement et simplement l'éducation (y compris l'alphabétisation) n'encourage pas la croissance; il faut au contraire un environnement dynamique accompagné d'investissements massifs et ciblés dans tous les types d'infrastructures. On ne peut réaliser l'éducation primaire universelle et l'éducation de base universelle en ne concentrant les efforts que sur ces deux secteurs: il faut se concentrer en même temps sur le développement holistique, ce qui implique que l'on investisse dans d'autres secteurs éducatifs (plus spécialement dans l'enseignement supérieur) et non éducatifs (plus spécialement dans le leadership). Ce document est d'une importance capitale et va très vite affecter les programmes d'alphabétisation des adultes; comme le montre le rapport de Hagnonnou 2005, les idées sous-jacentes exercent déjà une influence sur l'éducation et la formation des alphabétiseurs.
15 Ceci correspondrait à l'option politique qui favorise l'éducation tout au long de la vie dans le secteur économique, au détriment des programmes radicaux d'éducation des adultes.
16 Je neveux pas limiter le terme «bénévole» à ceux qui ne sont pas rémunérés, car ceux qui le sont (même si ce sont des salaires de misère) sont aussi des bénévoles dans la mesure où ils travaillent sur base de volontariat. Au Brésil, bien que rémunérés, les alphabétiseurs sont considérés comme «des bénévoles» au sens du service volontaire institué par la loi 9.608 de 1998» (lreland:4). Il vaut donc mieux faire la distinction entre ceux qui sont rémunérés et ceux qui ne le sont pas.
17 Mitra évoque certains programmes qui, en Inde, «ont éveillé l'hostilité de l'administration locale et des facilitateurs» et cite l'exemple suivant: «Ainsi p. ex., l'État du Bihar, dans le nord du pays, est perpétuellement victime d'inondations à cause des endiguements. Le premier manuel a traité cette question sous forme de graphiques. Au moment des inondations, les populations locales ont démoli les digues dans un district. L'administration a sévi et ordonné de retirer le manuel. Les facilitateurs, qui venaient des zones urbaines, n'étaient pas d'accord avec les contenus du manuel et ont littéralement bâclé leur travail» Mitra:5
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Études de cas réalisées pour ce document
Fentiman Alicia (SomDel), Somalie
Dhaka Ahsania Mission, Bangladesh
LABE, Ouganda
World Education, Népal
Nirantar, Inde
Documents rédigés pour cette étude
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