Cette étude se propose d’estimer les coûts de la réalisation de l’objectif n°4 de l’Éducation pour tous concernant l’alphabétisation des adultes. Elle vise à prouver clairement et de façon convaincante qu’il est urgent, bénéfique et faisable de s’attaquer à l’analphabétisme des adultes, notamment dans la région Asie-Pacifique où réside le plus grand nombre d’adultes analphabètes. Elle se base sur des informations réunies et générées par l’Institut de statistiques de l’UNESCO (UIS) et différentes enquêtes nationales officielles. Cette étude prend appui sur des travaux antérieurs de la Campagne mondiale pour l’éducation (CME), d’Action Aid International et de l’Institut de l’UNESCO pour l’apprentissage tout au long de la vie (UIL).
Alors qu’à l’échelle mondiale le niveau d’alphabétisation a progressé, le nombre d’adultes analphabètes reste élevé: on l’estime à 774 millions de personnes, soit approximativement un cinquième de la population mondiale adulte. Trois adultes analphabètes sur quatre vivent dans la région Asie-Pacifique, la moitié résidant en Asie du Sud et de l’Ouest, la sous-région recensant les taux d’alphabétisme les plus bas du monde. Les progrès réalisés pour réduire l’analphabétisme des adultes ont été très lents et considérablement irréguliers. Selon une projection de l’Institut de statistiques de l’UNESCO (UIS), compte tenu des tendances actuelles, il y aura encore 725 millions d’adultes analphabètes dans le monde en 2015. Ce chiffre est beaucoup trop éloigné de l’objectif de l’EPT qui visait une réduction de moitié du taux d’analphabétisme chez les adultes. Quelque deux tiers de la population analphabète mondiale sont des femmes. Telle est la situation de ces deux dernières décennies et, à moins que des interventions décisives ne soient entreprises, il en sera encore ainsi en 2015.
Pour atteindre l’objectif de l’EPT dans la région Asie-Pacifique, il faut atteindre et alphabétiser un total de 255 666 575 d’adultes analphabètes (dont 205 783 853 de femmes et 49 882 723 d’hommes). Cet effort permettra de réduire de moitié l’analphabétisme chez les adultes et de réaliser la parité des sexes en matière d’alphabétisation. Le coût à l’unité d’un cours d’alphabétisation se calcule sur la base du salaire de l’enseignant, la durée de l’enseignement, la taille du groupe, les heures de travail et le rapport entre le salaire de l’enseignant et le coût total. L’on ajoute un surcoût pour les apprenantes eu égard aux multiples obstacles que rencontrent les femmes. Cette étude se base sur un cours d’une durée de trois ans pour garantir la pleine alphabétisation et intégrer l’objectif n° 3 de l’EPT dans le programme. On estime le coût global pour atteindre l’objectif n° 4 de l’EPT dans les pays en développement de la région Asie-Pacifique à 45 milliards d’USD. Répartir ce coût sur 5 ans (de 2010 à 2014) reviendra à une mise de fonds annuelle de 9 milliards d’USD, une somme qui paraît plus réaliste et gérable pour la plupart des pays de la région.
La Campagne mondiale pour l’éducation (CME) presse les gouvernements d’affecter au moins 3 à 6 % de leurs budgets de l’éducation à des programmes d’alphabétisation des adultes. Si nous prenons ces chiffres comme référence, les mises de fonds annuelles pour la majorité des pays de la région Asie-Pacifique se situent dans cette fourchette. Certains pays, toutefois, vont nécessiter une aide externe, par exemple la Papouasie-Nouvelle Guinée dans le Pacifique et le Cambodge, la République démocratique populaire du Laos, la Chine et les Philippines en Asie de l’Est. L’Asie du Sud aura fort à faire pour mobiliser les ressources nécessaires pour atteindre l’objectif de l’EPT concernant l’alphabétisation. Le Bangladesh, l’Inde, le Népal, le Pakistan et l’Afghanistan auront besoin d’une aide externe pour atteindre l’objectif de l’EPT.
La poursuite de l’objectif n° 4 de l’EPT n’est pas forcément une entreprise onéreuse. En fait, les bénéfices retirés lorsque l’on améliore la situation en matière d’alphabétisation dépassent de loin le coût occasionné. Les informations des enquêtes nationales montrent clairement que l’alphabétisation se répercute sur les capacités humaines, accroît la productivité, élargit les possibilités de gagner sa vie et améliore le bien-être personnel. Elle contribue à créer un environnement sain, équitable, soucieux de l’égalité des sexes et démocratique. Les personnes alphabétisées ont généralement des revenus nettement plus élevés et exercent des activités plus régulières. L’alphabétisation est primordiale pour accéder à l’information et au savoir, et pour communiquer avec les autres. L’alphabétisation contribue à une meilleure sensibilisation des gens aux questions relatives à la santé et à l’apparition de meilleures pratiques en la matière. Les personnes alphabétisées sont davantage familiarisées aux questions relatives à la contraception, au VIH/SIDA, à une alimentation appropriée et autres domaines concernant la santé. Les femmes alphabétisées ont tendance à se marier plus tard et à avoir moins d’enfants que les femmes analphabètes. L’alphabétisation promeut l’autonomisation des femmes. Les femmes alphabétisées sont généralement plus mobiles et participent plus activement aux prises de décisions concernant la famille et le foyer. Elles sont moins vulnérables aux abus sexuels maritaux et sont moins souvent victimes de violences domestiques que les femmes analphabètes. L’alphabétisation est l’une des stratégies les plus efficaces pour lutter contre la pauvreté. Les pourcentages d’analphabétisme sont les plus élevés dans les pays les plus pauvres. De même, l’incidence de la pauvreté est la plus forte dans les foyers dont les chefs de famille sont analphabètes.
Poursuivre l’alphabétisation des adultes requerra une forte volonté politique de la part des gouvernements pour renforcer les politiques, accroître les investissements financiers, organiser à plus vaste échelles les programmes déjà mis en place et accélérer leur mise en œuvre de façon à atteindre les analphabètes adultes, notamment les femmes et les apprenants défavorisés. Cette tâche n’est pas impossible. Elle est financièrement faisable, comme l’a montré cette étude des coûts, notamment si les donateurs fournissent une aide externe efficace et soutenue pour compléter les efforts entrepris par les pays.