L’aggravation de la récession mondiale et ses facteurs concomitants – besoin de contracter des emprunts auprès des institutions internationales de financement et pressions exercées simultanément sur les gouvernements afin de réduire les dépenses sociales, recul des investissements étrangers, crédits exagérément chers et accès réduit au crédit, chômage croissant, prix volatiles des marchandises et paiements décroissants en 2008 et 2009 – ont un sérieux impact sur les pays en transition et en développement. On escompte que les perspectives de croissance négative qui prévalent dans ces pays continueront d’accroître la pauvreté. La Banque mondiale estime que dans les pays en développement, près de 55 millions de personnes de plus que prévu avant la crise auront moins de 1,25 dollar par jour (en parité de pouvoir d’achat pour 2005) pour vivre cette année.1 En même temps, le 27 avril 2009, les finances mondiales et les ministres de la coopération ont appelé les riches nations donatrices à aider les pays pauvres, et les ont averties que la pauvreté mondiale risque d’augmenter rapidement au fur et à mesure que des nations de plus en plus nombreuses sont victimes de la crise.2
C’est dans ce contexte que la Fondation européenne pour la formation (FEF) – agence de l’Union européenne d’aide au développement par l’éducation et la formation – entreprend des projets de coopération de donateurs petits mais efficaces. Dans les 30 pays partenaires avec lesquels nous coopérons, la formation des adultes est financée en majeure partie par l’UE – dans le cadre de ses programmes IPA, ENPI et DCI3 – et par des prêts contractés par les gouvernements auprès de la Banque mondiale et d’autres organismes internationaux de financement. Des fonds sont mis à disposition pour mettre en œuvre des projets «classiques» de formation professionnelle ou de réforme des systèmes de formation pour adultes, comme c’est le cas en Croatie, en Serbie et dans l’ancienne République yougoslave de Macédoine dans les Balkans occidentaux, ou bien dans le cadre de programmes sectoriels plus vastes dans des domaines tels que les transports, l’agriculture, le marché du travail et le développement régional.
Je prendrai pour exemple un pays d’Asie centrale dans lequel la FEF a contribué à réduire la pauvreté grâce à des pratiques de formation non formelles novatrices. Je décrirai les traits principaux et les facteurs de succès décisifs de ce genre de projets, sans ignorer la possibilité de transférer l’expérience dans les environnements ruraux d’autres pays et d’y réaliser des projets similaires. L’exemple montre qu’on a en fait besoin de très peu de choses, c’est-à-dire de peu de ressources et d’investissements, pour améliorer les pratiques de formation d’adultes et réaliser des changements profonds.
L’abandon progressif des fermes collectives au Khirgizistan a entraîné l’apparition de nombreux petits agriculteurs propriétaires de petits lopins de terre. Ils n’ont généralement pas les compétences agricoles nécessaires, ont difficilement accès à l’information, à la technologie moderne et à la formation. En général, ils ne bénéficient que de peu, voire d’aucune aide.
Le système khirgize de formation et d’enseignement professionnels se trouve aujourd’hui à une croisée de chemins et fait un maximum d’efforts pour changer et devenir un instrument crédible et utile pour les jeunes et les adultes. L’objectif principal de la politique khirgize en matière de formation et d’enseignement professionnels consiste à augmenter la productivité en formant une main-d’œuvre compétente dans des métiers variés, mais pas précisément définis. Un travail considérable a été réalisé afin de préparer le rôle nouveau et la place qu’occuperont la formation et l’enseignement professionnels dans le système éducatif et la société. Des stratégies et des plans d’action ont été adoptés, quelques écoles professionnelles dynamiques ont reçu la coopération et des investissements de différents donateurs, et des efforts sont entrepris pour moderniser les investissements clés dans le système de formation et d’enseignement professionnels. Néanmoins, une grande majorité de la population – main-d’œuvre rurale – n’est toujours pas considérée comme une clientèle clé par la majorité des écoles professionnelles. Ces dernières sont par conséquent insuffisamment utilisées, peu attrayantes pour la majorité des jeunes qui quittent l’école primaire et secondaire, et peu ouvertes à la population adulte rurale khirgize.
Les spécialisations professionnelles, aujourd’hui sommaires et dépassées, étaient autrefois axées sur les besoins des grands combinats et des entreprises de l’ère soviétique; elles n’ont plus leur raison d’être dans une économie où règnent d’innombrables micro et petits producteurs, avec les besoins de main-d’œuvre multiqualifiée et de formation pratique qui en découlent. De plus, l’organisation d’offres de formation est souvent incompatible avec les emplois du temps des agriculteurs et des petits entrepreneurs.
Bref, les écoles professionnelles pourraient mieux faire pour soutenir leurs communautés et leurs économies locales. Le nouveau rôle qui incombe à l’enseignement professionnel impose de proposer à la main-d’œuvre rurale des formations adéquates en termes de contenus, de temps, de capacités et de potentiels des populations locales.
Formation des formateurs Source: DVV International
L’élément novateur des projets de formation professionnelle a été la création de réseaux par les écoles professionnelles, de même que le travail en partenariat avec les communautés locales et les administrations rurales. Les communautés locales ont pris une position de leaders. Elles sont devenues d’importants partenaires pour les écoles professionnelles, se sont «approprié» les formations de leurs populations et les ont influencées. Les formateurs quant à eux, ont abandonné leur rôle traditionnel pour aller écouter ce que les gens avaient à dire en matière de besoins de formation. Ils se sont eux-mêmes transformés en apprenants et en facilitateurs d’apprentissage pour les autres. L’apprentissage a créé une nouvelle relation entre formateurs et apprenants adultes, basée sur le respect mutuel et la capitalisation de leur expérience. Les formations ont eu lieu sur place ou dans les villages, aux horaires qui convenaient le mieux aux populations.
Tissage de la soie et élevage d’animaux, élaboration de plans d’activités:
Les écoles ont fini par comprendre que la formation et l’enseignement professionnels ont besoin de créativité et d’initiative pour pouvoir continuer à évoluer. Elles ont fini par se forger un visage nouveau et devenir d’importants prestataires de formations dans les villages avoisinants.
Pour les donateurs, il est important de tenir compte des points suivants lors de la conception, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation de ce genre de projets:
1. Conception du projet:
2. Mise en œuvre du projet:
3. Suivi et évaluation:
On conclura qu’il faut souvent peu d’argent pour résoudre des problèmes complexes, car c’est l’approche d’intervention qui importe. Les petits projets de formation peuvent fonctionner correctement à partir du moment où ils se basent sur les institutions et l’expertise formelles et informelles existantes. L’approche participative entre donateurs et partenaires locaux joue un rôle primordial dans la conception et la mise en œuvre de projets, le but étant de développer les capacités locales pour opérer des changements et trouver des solutions adaptées aux environnements respectifs. Avec peu de ressources externes, les projets financés par le FEF ont pu aider les populations à améliorer leurs compétences et à dépasser le stade de survie pour devenir créateurs de richesse, devenant ainsi les promoteurs de la stabilité sociale et d’opportunités d’emploi pour les autres. Les écoles continuent aujourd’hui à proposer des formations sans l’aide des donateurs.
La citation de l’un des formateurs illustre le succès de cette expérience:
«Les jeunes agriculteurs font la queue pour participer aux futurs cours organisés par l’école professionnelle de Kochkor dans leurs villages. Ils ne veulent ni bourses ni autres avantages, mais sont au contraire intéressés par les bénéfices qu’ils vont tirer de cet investissement. L’exemple de leurs pairs, dans les premiers villages qui ont bénéficié de ces formations, est la meilleure publicité qui soit».
Source: www.graleconfintea6.net
1 World Bank, Global Monitoring Report 2009, World Bank publication, Washington, 2009, accessed at:
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/EXTDEC/EXTGLOBALMONITOR/
EXTGLOMONREP2009/0,,contentMDK:22152819~pagePK:64168445~piPK:
64168309~theSitePK:5924405,00.html#crisis
2 http://in.reuters.com/article/economicNews/idINIndia-39261120090427
3 Instrument de pré-adhésion (IPA), Instrument européen de voisinage unifié et de partenariat (ENPI) et Instrument de coopération au développement (DCI).