Reflect est une approche de l’apprentissage des adultes visant à associer l’alphabétisation, l’autonomisation et l’exercice de certains droits. Cette méthode a remporté quatre prix d’alphabétisation de l’ONU en 2003, 2005, 2007 et 2008. Elle est actuellement utilisée par 500 organisations dans quelque 70 pays. De son immense diversité est né le besoin de systématiser les efforts entrepris pour l’évaluer. Cette nécessité s’accompagnait de l’intention stratégique d’être à l’avant-garde de l’évaluation participative dans le domaine de l’éducation des adultes.
En réponse à cette nécessité, les praticiens de la méthode Reflect ont participé à l’échelle internationale à la conception d’un nouveau cadre d’évaluation. Pour démarrer ce processus, ActionAid a développé un cadre d’évaluation préliminaire testé en Afrique du Sud au mois de mai 2007. En octobre 2007, un atelier fut organisé avec des étudiants-chercheurs au Royaume-Uni en vue de procéder à un examen critique de ce cadre préliminaire. Cet atelier fut suivi d’un atelier d’une semaine organisé sous la houlette de DVV International, d’ActionAid et du SARN (South Africa Reflect Network – Réseau Reflect d’Afrique du Sud) au Cap, en novembre 2007, L’atelier du Cap, 2007 à l’occasion duquel se réunirent 39 Source: Cascant i Sempere praticiens de la méthode Reflect, venus de 20 pays différents pour se pencher sur ce cadre initial et le commenter. En avril 2008, le SARN prit en main la coordination du projet et nomma un coordinateur, responsable du cadre d’évaluation de Reflect.
L’atelier du Cap, 2007
Source: Cascant i Sempere
Dans la foulée de ce processus évolutif, étalé sur six semaines en juin et juillet 2008, 88 praticiens Reflect de 42 pays se joignirent à une discussion en ligne et participèrent en quatre langues (anglais, français, portugais et espagnol) au débat sur l’évaluation de l’approche Reflect, et apportèrent leurs idées pour créer un cadre. Un document résumant ce dialogue en ligne fut ensuite présenté en anglais, en français et en espagnol aux praticiens Reflect qui n’avaient pas pu y prendre part.
Le cadre bénéficia aussi des apports de différentes évaluations de la méthode Reflect réalisées en 2008 ainsi que de deux études sur les évaluations antérieures, rédigées par Riddell (2001) et Duffy & Fransman (2008) pour le compte d’ActionAid. L’«édition zéro» du cadre (à tester et à présenter à la CONFINTEA VI) est le fruit de ces deux années de collaboration.
Le cadre d’évaluation fournit un vaste éventail d’outils permettant de concevoir et de mener une évaluation apte à jouer un rôle récapitulatif (en évaluant les programmes), formatif (en vulgarisant de meilleures pratiques) et pédagogique (étant donné que les pratiques de l’alphabétisation et de la communication sont souvent développées par le processus même de participation à l’évaluation). Ce cadre est également ancré dans les principes de la participation, ce qui suppose un engagement significatif et démocratique dans une évaluation susceptible d’améliorer l’appropriation des programmes par leurs participants en promouvant leur viabilité et leur transparence. Les individus sont capables de réfléchir sur leur propre processus d’apprentissage de même que l’ensemble du cercle Reflect réfléchit sur le processus d’apprentissage collectif. Les attentes des participants sont par conséquent tout aussi essentielles que les objectifs des organisateurs de programmes et les objectifs sociaux plus larges des organisations de la société civile, des gouvernements et des bailleurs de fonds – dont il faudrait tenir compte dans l’évaluation.
Après avoir soigneusement expliqué les concepts de l’alphabétisation et de l’évaluation, et défini dans les grandes lignes les principes sur lesquels se fonde le cadre d’évaluation, ce dernier prend la forme d’une boîte à outils composées de 16 parties et de 80 outils:
Fondamentalement, le cadre d’évaluation n’est pas censé être utilisé comme plan, mais plutôt comme un ensemble de lignes directrices et de suggestions à adapter aux besoins de concepts particuliers. Il est prévu d’organiser plus tard cette année un atelier pour aider à tester le cadre d’évaluation dans trois pays.
On peut considérer que la conception du cadre d’évaluation est une bonne pratique pour les raisons suivantes:
– un atelier à Londres avec des étudiants de 3e cycle,
– un atelier au Cap avec 39 praticiens d’Asie et d’Afrique,
– une discussion en ligne avec 88 participants, de 42 pays, 4 continents et en 4 langues,
– l’intégration d’études et d’évaluations antérieures concernant Reflect.
Discussion connecté sur l’évaluation de la
méthode Reflect, 2008
De la même façon, on peut considérer que le contenu du cadre d’évaluation est une bonne pratique pour les raisons suivantes:
– davantage que quelque chose d’écrit (évaluant les littératies orales, visuelles…),
– davantage que de simples «compétences» (voir notamment la cinquième partie de la boîte à outils du cadre d’évaluation portant sur l’autonomisation et le changement par l’alphabétisation),
– davantage qu’une simple affaire personnelle (voir notamment la sixième partie de la boîte à outils du cadre d’évaluation portant sur l’environnement lettré).
– par exemple avec des outils visuels d’évaluation, évaluant la puissance, la création de supports pédagogiques (pas d’abécédaires) ainsi que l’accessibilité (facile à utiliser, dans quatre langues).
On peut considérer que le cadre d’évaluation est innovant pour les raisons suivantes:
L’atelier du Cap, 2007 Source: Cascant i Sempere
1. Travailler simultanément dans quatre langues, au lieu de le faire d’abord en anglais et de traduire ensuite les fruits de ce travail dans d’autres langues pour permettre aux participants ne parlant pas l’anglais d’apporter leurs commentaires, constitue une démarche novatrice. Ceci a par exemple permis aux pays anglophones, fran-L’atelier du Cap, 2007 cophones, hispanopho-Source: Cascant i Sempere nes et lusophones d’Afrique de collaborer ensemble à ce projet au même titre que des délégués d’Afrique, d’Europe, d’Amérique latine et d’Asie.
2. Maintenir un cercle international de praticiens de l’approche REFLECT, le CIRAC (Circle of International REFLECT ACTION), avec un centre de ressources en ligne et des flux d’informations circulant constamment entre eux constitue une démarche novatrice, de même que l’objectif consistant à s’associer à d’autres réseaux comme la Plate-forme africaine, le CIEA, etc.
Les prochaines étapes du projet de mise en œuvre d’un cadre d’évaluation seront les suivantes:
Les partenaires sont actuellement à la recherche de financements supplémentaires pour atteindre ces trois objectifs.
L’outil «poisson», Afrique du Sud Source: SARN
Recommandation n° 1. Promouvoir et financer une culture de l’évaluation de l’apprentissage au sein des organisations d’éducation et d’alphabétisation des jeunes et des adultes. Notamment sur les deux points suivants: la collecte correcte des données de base au début des programmes et, au terme de ces programmes, le partage des résultats et enseignements tirés. Ceci comprend la transmission des résultats de consultants externes.
Recommandation n° 2. Soutenir des programmes s’efforçant d’aller au-delà des évaluations externes, dirigées par les donateurs et considérées comme seul moyen d’évaluation, et intégrer une dimension évaluative mélangée/multiple en ayant recours à d’autres méthodes d’évaluation comme les évaluations par les pairs, les évaluations continues, les évaluations internes et les auto-évaluations.
Évaluation de la méthode Reflect en El Salvador, 2008
Recommandation n° 3. Promouvoir une recherche innovante sur des méthodes d’évaluation nouvelles et/ou améliorées, conçues pour l’alphabétisation et l’éducation des adultes. Ces méthodes pourraient se baser sur l’évaluation des niveaux d’alphabétisation, partant du principe que l’alphabétisation est un continuum plutôt qu’une ligne à franchir, ou sur une meilleure évaluation des concepts tels que l’environnement lettré et l’aspect autonomisant de l’alphabétisation et de l’éducation.
L’arbre de motivation, Angola, Source: dvv / AAEA
Ces recommandations sont primordiales, car il ne s’agit pas de financer davantage de programmes d’alphabétisation et d’éducation, sans tenir compte de leurs caractéristiques, mais plutôt de financer les programmes ayant un impact développemental évident et les personnes qui veulent tirer des enseignements de leurs actes passés et s’approprier davantage leur processus évaluatif, et quiutilisent ces évaluations comme une méthode d’alphabétisation/d’éducation en soi.
L’outil pour l’autoévaluation Source: CEREBA / GOAL